***Sur les hauteurs de la Métropole, l’exploitation de calcaire par la société Someca cherche à se faire la plus discrète possible. Une des techniques employées consiste à oxyder les parois.***
*Publié le 13/10/2022 par Mathieu Dalaine*
![L’exploitation de calcaire par la société Someca cherche à se faire la plus discrète possible. Photo Valérie Le Parc](/images/someca1.png)*L’exploitation de calcaire par la société Someca cherche à se faire la plus discrète possible. Photo Valérie Le Parc*
À 630 m au-dessus de la mer, c’est une vue imprenable sur le littoral qui s’offre aux visiteurs de la carrière du Revest. Jusqu’à Porquerolles, 35 km de là à vol d’oiseau! Mais si le panorama vaut le détour depuis les hauteurs de Fieraquet, difficile, à l’inverse, de trouver un quelconque charme au "trou" de calcaire qui accroche l’œil, à l’intérieur des terres, quand on se délasse sur les îles d’Or ou au cap Sicié, quand on se balade au Faron ou à Toulon ouest.
Seulement, l’industrie du BTP a besoin d’être nourrie. Et les 1,5 million de tonnes de granulat "d’excellente qualité" produites chaque année en grignotant la montagne sont faites pour ça. Pour Someca, qui exploite l’endroit depuis 40 ans, les enjeux économiques sont énormes. "Les enjeux paysagers le sont aussi", soutient toutefois la société, consciente d’avoir intérêt à lisser son empreinte sur la carte postale. La Someca assure ainsi mettre "tout en œuvre" pour rendre aussi discrète que possible la démesure de la plus grande carrière du Var.
#1. Un site encaissé
C’est une "dent creuse" énorme qui prend racine au sud du massif de Siou Blanc. La carrière du Revest, à la couleur sable éclatante, s’étend sur près de 70 hectares. Hauts de 24mètres, les fronts de taille en restanques bordent une cavité de calcaire aux allures de désert de Gobi. Un cratère qui s’étend inlassablement au cœur d’un paysage remarquable… et vert.
Pourtant, assure Karine Boulot, directrice du département QSE (qualité, sécurité, environnement) chez Someca, "à peine 10% de la carrière est visible depuis l’extérieur". Encaissé, déjà en partie dissimulé derrière des lignes de crêtes, le site développe aussi d’autres techniques pour se cacher.
![L’exploitation de calcaire par la société Someca cherche à se faire la plus discrète possible. Photo Valérie Le Parc.](/images/someca2.png)*L’exploitation de calcaire par la société Someca cherche à se faire la plus discrète possible. Photo Valérie Le Parc.*
#2. Les écrans paysagers
Pour limiter l’impact esthétique du site, Someca travaille avec des paysagistes, qui opèrent des modélisations 3D. Objectif: repérer les secteurs de la carrière qui se voient de loin, par un maximum de monde, pour tenter de les rendre invisibles.
Une des solutions, avant de creuser, consiste à laisser intactes des pans de montagne; ces pitons serviront de paravent à l’activité industrielle.
![L’exploitation de calcaire par la société Someca cherche à se faire la plus discrète possible. Photo Valérie Le Parc.](/images/someca3.png)*L’exploitation de calcaire par la société Someca cherche à se faire la plus discrète possible. Photo Valérie Le Parc.*
#3. L’oxydation
En arrière-plan du ballet des Dumper, ces camions géants de 180 tonnes en charge, des fronts de taille affichent une couleur marron foncé. "On a appliqué ici un “produit magique", non polluant, pour créer une réaction d’oxydation sur la roche, explique Karine Boulot. L’idée est de provoquer un effet vieillissement qui, à l’œil, doit faire gagner 50 ans." Une opération qui se chiffre en centaines de milliers d’euros.
![L’exploitation de calcaire par la société Someca cherche à se faire la plus discrète possible. Photo Valérie Le Parc.](/images/someca4.png)*L’exploitation de calcaire par la société Someca cherche à se faire la plus discrète possible. Photo Valérie Le Parc.*
#4. La végétalisation et les éboulis
Autre technique masquante utilisée: faire pousser des plantes. Là aussi, la Someca n’hésite pas à faire appel aux biotechnologies. "À nu, le calcaire est sec, inerte, sans matière organique et la nature n’y reprend pas facilement ses droits, énonce Karine Boulot, qui évoque la pulvérisation de bio-fertilisants pour accélérer la pousse. Toujours dans l’optique de « naturaliser" le site, des éboulis sont aussi disposés à certains endroits par l’industriel.
![L’exploitation de calcaire par la société Someca cherche à se faire la plus discrète possible. Photo Valérie Le Parc.](/images/someca5.png)*L’exploitation de calcaire par la société Someca cherche à se faire la plus discrète possible. Photo Valérie Le Parc.*
#5. Les échancrures
Extrait par des tirs de mines, gratté, le calcaire est ensuite criblé et concassé dans des installations implantées au cœur de la carrière. Quand ils ont cessé d’être exploités par la Someca, les fronts de taille ne sont pas lisses. "C’est volontaire, poursuit la directrice. En créant des échancrures, on produit des angles, donc de l’ombre, ce qui évite un fort effet miroir, surtout dans une carrière très blanche. Cela renforce aussi le côté naturel des parois."
Pour toutes ces démarches d’intégration paysagère, "la Someca est pro-active" assure-t-elle. Alors que la sensibilité environnementale des populations s’accroît, la société, qui exploitera le site du Revest jusqu’en 2036 et y prépare un projet d’extension, sait qu’elle ne peut pas se contenter des obligations réglementaires en la matière.
***Vendue aux enchères en 2015, l’ex-enceinte militaire située dans la montée du Faron reste une coquille vide. Propriété du milliardaire Christian Latouche, son avenir est entouré de mystères.***
*Publié le 08/10/2022 par Mathieu Dalaine*
![Derrière le pont-levis, l’entrée du fort Saint-Antoine que plus personne n’emprunte depuis longtemps. Photo V. L.P.](/images/antoine1)*Derrière le pont-levis, l’entrée du fort Saint-Antoine que plus personne n’emprunte depuis longtemps. Photo V. L.P.*
Alex le connaît bien, le fort du Grand Saint-Antoine. Malgré les panneaux signalant une vidéosurveillance du site, le jeune homme croisé sur le pont-levis ce matin-là assure qu’il n’en est rien: "Il n’y a pas de caméra, pas de gardien, personne. J’ai pu rentrer à l’intérieur plusieurs fois. À l’emplacement de la tourelle, il y a un panorama magnifique".
Au pied des remparts, on devine une vue imprenable sur la ville et l’azur de la Méditerranée. Pas le plus connu des sites défensifs de la rade de Toulon, à l’écart de la route et caché sous les pins, le fort du Grand Saint-Antoine n’en est pas moins une pépite du patrimoine militaire. L’édifice a été inscrit au titre des monuments historiques en 2014.
#Christian Latouche via Jean-Pierre Jarjaille
![Depuis les remparts, la vue sur la rade est imprenable. Photo Ma. D.](/images/antoine2.png)*Depuis les remparts, la vue sur la rade est imprenable. Photo Ma. D.*
Depuis 2015, il n’est pourtant plus la propriété de la Défense. Le 29 septembre de cette année-là, c’est un certain Jean-Pierre Jarjaille, président de la SCI La Dame Topaze, qui achète le fort aux enchères, déboursant au passage 1,2 million d’euros. À l’époque, celui qui dit passer ses vacances au Brusc laisse planer le doute sur les raisons de son acquisition. "Pour le moment, rien n’est décidé, ça peut évoluer", lâche-t-il, sibyllin.
En réalité, ce que ne dit pas Jean-Pierre Jarjaille, c’est qu’il n’agit pas pour son propre compte mais pour celui de son beau-frère, le milliardaire Christian Latouche. L’homme d’affaires, âgé aujourd’hui de 82 ans, est la 33e fortune française selon le magazine Forbes. PDG de l’entreprise Fiducial, il s’est enrichi dans l’expertise comptable, avant d’étendre ses activités aux fournitures de bureau ou à l’immobilier.
Parmi un gigantesque portefeuille d’actifs, quelques "sucreries": en 2015, Christian Latouche acquiert l’île de Boëdic, dans le golfe du Morbihan, pour 4 millions d’euros. L’année suivante, il dépense 2,2 millions d’euros pour s’offrir la magnifique villa Poiret, dans les Yvelines, déjà via Jean-Pierre Jarjaille.
Christian Latouche porte aussi un intérêt certain aux médias. S’il a échoué à racheter Valeurs Actuelles, le groupe Fiducial est parvenu à mettre la main sur Sud Radio en 2013, dont les émissions cultivent depuis la réputation de faire une bonne place aux idées réactionnaires.
#Sud Radio aurait voulu y placer un émetteur
Et le fort Saint-Antoine dans tout ça? Si nous ne sommes pas parvenus à poser directement la question au milliardaire, qui cultive sa discrétion, une source interne à Fiducial nous a assuré connaître la raison de cet achat. "À l’époque, c’est quelqu’un du groupe, originaire de Toulon, qui nous avait conseillé le fort pour sa situation, confie notre interlocuteur. L’idée était d’installer un émetteur qui surplombe toute la rade, pour Sud Radio".
La proximité des installations militaires aurait compromis ces desseins. Et l’objectif de capter "plus d’audience" et donc plus de recettes publicitaires. "Mais du fait de l’armée, le projet ne pourra jamais aboutir", confie notre homme.
Quant à savoir ce que le site de 7 hectares, classé, au cœur d’un espace naturel protégé, est susceptible de devenir après l’échec de l’opération, le mystère reste entier. "On ne peut rien en faire", affirme-t-on à Fiducial, qui précise toutefois que "le groupe n’a jamais revendu ce qu’il a acheté". Et de conclure: "Aujourd’hui, on se contente d’assurer l’entretien et la surveillance du site…"
#La ville n’en sait pas plus
La municipalité de Toulon affirme ne rien savoir des liens qui unissent la SCI La Dame Topaze à Christian Latouche. "Pour nous, le propriétaire, c’est Jean-Pierre Jarjaille", assure-t-on en mairie. Plus étrange, la Ville certifie qu’aucune demande n’a été formulée auprès de son service urbanisme ces sept dernières années pour l’installation d’un émetteur dans l’enceinte du fort.
Et du côté de la Marine nationale, on assure aussi n’avoir pas été sollicitée. "La seule requête qui nous a été adressée concernait l’abattage de neuf pins d’Alep qui menaçaient les fortifications, explique-t-on à l’hôtel de ville. Personne, de l’Architecte des bâtiments de France à la Direction des affaires culturelles, n’y a vu d’inconvénient".
Une chose est sûre, Sud Radio ne possède toujours pas de fréquence FM à Toulon.
>#Un bâtiment inscrit aux monuments historiques
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>Si le fort du Grand Saint-Antoine n’est pas l’œuvre de Vauban, il présente toutefois quelques caractéristiques intéressantes. Cet ouvrage, construit en 1845 sur la colline du Faron, sur les plans du capitaine Noël, est représentatif des principes d’architecture militaire de l’époque.
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>Le tracé est pentagonal, tout de calcaire gris vêtu. L’artillerie n’était pas sur le rempart mais placé sur une plate-forme centrale surélevée. Entouré de douves, accessible par un pont-levis aujourd’hui fixe, le site abrite également une caserne casematée, des locaux d’habitation, une citerne et un magasin à poudre. Le fort, y compris les fossés et les glacis (les terrains autour), est inscrit au titre des monuments historiques depuis 2014.
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>Situé sur le contrefort ouest du Faron, le fort du Grand Saint-Antoine avait pour mission de contrôler le débouché de la vallée de Dardennes. "Considéré comme l’ouvrage le plus urgent à réaliser pour empêcher le contournement du massif et une prise à revers par l’ennemi, le fort fit l’objet d’une décision de principe dès 1836", explique Bernard Cros, historien du patrimoine militaire (1). Il porte encore aujourd’hui les stigmates de la Libération de Toulon en août 1944.
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>Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le fort du Grand Saint-Antoine n’a plus de fonction militaire. Il a ensuite été occupé par les archives du service historique de la Défense jusqu’en 2011.
*1. L’aire toulonnaise, un conservatoire unique du patrimoine fortifié*