Découvert durant l’hiver dans un aven, au Revest, un intrigant squelette a été analysé. Il s’agissait bien d’un loup. Un second spécimen a été trouvé à ses côtés.
Chute accidentelle ou tragique histoire d’amour? Après les révélations de l’Office français de la biodiversité (OFB), toutes les hypothèses - même les plus romantiques - sont imaginables.
L’OFB (fusion de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage et de l’Agence française pour la biodiversité), vient en effet de publier sur le site qu’il consacre au loup (loupfrance.fr) le récit d’une double découverte dans un gouffre du Revest.
Deux squelettes de loup y ont été formellement identifiés.
Tout débute en janvier lorsqu’André Taxil, un spéléologue du Spéléo Club de Toulon "Leï Aragnous" tombe sur des ossements de canidé, gisant couché au fond d’un gouffre de 13 mètres de profondeur.
Intrigué par la taille de la mâchoire, le spéléo prélève une canine, puis l’ensemble de la tête, afin de tenter de déterminer l’espèce.
Après s’être documenté, et pressentant qu’il peut s’agir d’un loup, il alerte l’OFB.
Confirmant que la découverte est intrigante, l’organisme officiel décide alors d’envoyer ses agents sur place. Ils suivent le spéléo pour examiner de plus près les ossements (et au passage, utiliser un détecteur de métaux pour vérifier que l’animal n’a pas été pris pour cible par des chasseurs).
Aucune trace de plomb n’est décelée et les enquêteurs imaginent que le loup a dû chuter dans le gouffre sans jamais être capable de remonter. Les traces de griffures en bas de la paroi plaident en ce sens.
La surprise vient d’ailleurs. En prélevant le squelette, ils tombent sur les restes - plus anciens et en mauvais état de conservation - d’un second canidé semblant lui aussi être un loup.
L’ensemble des os sont alors extraits et envoyés à un laboratoire d’analyse génétique afin d’en avoir le cœur net.
Fin avril, les résultats tombent: il s’agit bien de deux loups. Canis Lupus, de leur petit nom latin.
Le plus récent d’entre eux est même déjà connu. Il s’agit d’une femelle dont la présence avait été génétiquement détectée par une crotte ramassée en 2016 par un correspondant du Réseau Loup-lynx sur le versant nord de la montagne Sainte-Baume.
"Ce type de découverte est assez rare, commente Raynald Jaubert, chef d’unité territorial de l’OFB. Lorsqu’on nous signale des dépouilles, c’est en général au bord des routes après une collision. Mais dans les milieux naturels, on a rarement l’occasion de tomber sur des squelettes en bon état de conservation. Le fait que ces deux-là aient échoué au fond d’un gouffre est une exception".
La population de loups gris en France est estimée à 580 individus adultes, contre 530 un an plus tôt, mais le rythme de progression de cette espèce menacée a ralenti comparé à 2019.
"L'estimation des effectifs est à 580 au sortir de l'hiver", a indiqué l'Office français de la biodiversité. Mais "la dynamique de progression de la population ralentit" avec "un taux de survie qui baisse", les raisons devant encore être étudiées.
Il y a un an, la population adulte avait progressé de 100 individus, passant le cap des 500. Le plan loup adopté en 2018 prévoyait que ce seuil ne serait atteint qu'en 2023. Il correspond à l'aptitude d'une population à moyen terme, c'est-à-dire une centaine d'années, "à résister au risque d'extinction".
"Il n'y a toujours pas de meutes constituées en dehors des Alpes et du Jura", même si le loup peut être présent de façon permanente dans d'autres régions et que des individus solitaires ont pu être observés jusqu'au Centre ou en Normandie, selon l'OFB.
Ces carnivores, éradiqués par l'Homme dans les années 1930 et revenus naturellement par l'Italie dans les années 1990, se concentrent dans les Alpes, le Sud-Est et l'Est. La présence de plus en plus importante du prédateur est combattue par les éleveurs qui dénoncent les attaques contre leurs troupeaux. Dans un communiqué commun, huit fédérations agricoles et d'éleveurs, dont la FNSEA, critiquent des "attaques à répétition (...) les retards de paiements observés pour le financement des moyens de protection et les indemnisations des dommages".
En 2019, 3.742 attaques ont eu lieu contre 12.451 animaux, en majorité des ovins, selon les chiffres officiels. Plus de 7,4 millions d'ovins sont présents en France, avec plus de 21.000 éleveurs ovins professionnels, selon la Fédération nationale ovine (FNO). L'État finance des dispositifs de protection dans les zones de prédation (parcs électrifiés, chiens, gardiennage par des bergers).
Bien que le loup gris soit une espèce protégée en France et en Europe, un quota est fixé chaque année autorisant à en tuer. Ce quota est actuellement de 17 à 19% de la population estimée. En 2019, une centaine de loups ont été tués.
La FNSEA, les Jeunes agriculteurs ou encore la FNO demandent "le droit de n'avoir aucun plafond de prélèvement" ou encore "le droit d'avoir zéro attaque sur son troupeau". Les défenseurs du loup estiment en revanche que ces prélèvements ou d'autres mesures d'effarouchement n'ont pas fait leurs preuves pour réduire les attaques contre les troupeaux.
La France compte plus de 500 loups. Même si le chiffre n'est pas encore tout-à-fait officiel, l'Etat s'organise et présente mardi une série de mesures pour protéger les troupeaux et contenir la croissance démographique de cet animal protégé.
Le président Macron avait vendu la mèche en mars, l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) doit l'officialiser début juin: le nombre de loups a probablement dépassé les 500 adultes en sortie d'hiver.
Ce nombre correspond au seuil minimum de viabilité du "Canis lupus" classé vulnérable sur la liste rouge française de l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et protégé au niveau français et européen.
Le plan loup actuel du gouvernement prévoyait d'atteindre ce seuil en 2023. Face à l'expansion plus rapide de l'animal, le préfet d'Auvergne-Rhône-Alpes, en charge du dossier, dévoilera mardi de nouvelles mesures, selon des documents consultés par l'AFP.
La plus emblématique, déjà annoncée par Emmanuel Macron en mars, est le relèvement du niveau de tirs des loups de 10-12% à 17-19% de la population.
Ce pourcentage a été fixé après consultation de l'ONCFS et du Muséum national d'histoire naturelle. "La population de loups a augmenté d'environ 13% en 2018, alors qu'on a tiré plus de 12% de loups", constate Murielle Guinot-Ghestem, de l'ONCFS.
La préoccupation principale des pouvoirs publics, comme des éleveurs et même d'associations de protection des animaux pour différentes raisons, est de limiter les attaques du prédateur, éradiqué dans l'Hexagone dans les années 1930 et revenu naturellement par l'Italie au début des années 1990.
En 2018, 3.674 attaques ont eu lieu contre plus de 12.500 animaux, principalement des ovins. Ces attaques se concentrent les Alpes-Maritimes, les Alpes-de-Haute-Provence et en Savoie.
La co-existence avec le loup "dépend à quel point nous, humains, sommes prêts à s'adapter pour revivre avec le loup" et à réapprendre comment faire face à la menace qu'il peut représenter, estime le chercheur Dries Kuijper.
L'Etat finance actuellement des dispositifs de protection dans les zones de prédation (parcs électrifiés, chiens, gardiennage par des bergers). Il existe deux types de zones, 1 et 2, en fonction de la fréquence des attaques.
Il est prévu d'en ajouter une troisième, un "cercle 0", correspondant aux foyers de prédation, et d'y permettre en gardiennage permanent en supprimant le plafond des aides. 195 éleveurs ont concentré 50% des dommages de 2015 à 2017.
500 loups, pas un plafond
Les démarches administratives des éleveurs devraient aussi être simplifiées: ils pourraient déposer un dossier unique pour demander des mesures de protection et des tirs de défense.
Pour les fédérations agricoles et d'éleveurs, le compte n'y est pas.
La FNSEA, les Jeunes agriculteurs (JA), la Fédération nationale ovine (FNO) ou la Fédération nationale bovine (FNB) réclament "la suppression de tout plafond pour les tirs de défense et de prélèvement" et refusent que les indemnisations soient conditionnées à la mise en place de mesures de protection.
"La protection du loup est effective mais celle de l'élevage n'est pas efficace sur le terrain", fait valoir Claude Font de la FNO.
L'Etat a également prévu de délimiter une zone difficilement protégeable en Aveyron, Tarn, Hérault et Lozère, avec la possibilité de tirs de défense, sans mise en place préalable de mesures de protection.
"Cela correspond à la zone Roquefort, avec environ un million de brebis en élevage traditionnel", explique Claude Font, qui s'élève contre cette "gestion différenciée" selon les régions.
"Le gouvernement veut essayer de bloquer la population à 500 loups", craint pour sa part Patrick Boffy de l'association de protection des grands prédateurs Ferus, pour qui une telle politique serait "illégale".
Ce chiffre correspond à un premier seuil de "viabilité démographique", laquelle est définie par l'aptitude de la population, à moyen terme (100 ans), à résister au risque d'extinction, face à des aléas de survie et de fécondité d'autant plus forts que les effectifs sont restreints.
"500 n'est pas du tout un plafond de verre", assure toutefois le gouvernement.
La population de loups continue de croître en France, où ils devraient dépasser les 500 individus cet hiver et sont en passe d'atteindre un premier "seuil de viabilité démographique", a indiqué jeudi l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).
Ce premier seuil à partir duquel on considère que l'espèce, protégée au niveau européen, devient viable en France, est un objectif figurant dans le "plan loup", adopté début 2018 et très critiqué par les éleveurs ovins.
"Une fois l'objectif atteint, le dispositif de gestion de la population de loups sera réexaminé", avait alors assuré le gouvernement.
85 zones de présence, 72 meutes
L'expansion de l'animal se poursuit avec 85 zones de présence permanente (ZPP), dont 72 meutes, selon le bilan estival publié par le réseau loup-lynx de l'ONCFS (le bilan précédent relevait 74 ZPP dont 57 meutes).
"Au vu de l'évolution des données issues du suivi hivernal 2017/2018 et du suivi estival 2018, il est probable que l'estimation de l'effectif en sortie d'hiver 2018/2019 dépasse les 500 loups", estime l'ONCFS, qui rappelle que "ce chiffre correspond à un premier seuil de viabilité démographique".
Jadis présent partout en France avant d'être éradiqué, le loup est revenu naturellement au début des années 1990, par l'Italie.
La présence du loup continue de se densifier dans les régions alpines et provençales, où de nouvelles meutes occupent les espaces entre les groupes déjà présents.
Il explore aussi des territoires moins familiers, avec une "augmentation perceptible" en Occitanie (Aude, Aveyron, Gard, Lozère).
Plus de communes constatent une présence régulière dans un secteur entre Vosges et Meurthe-et-Moselle, et dans la Nièvre.
Des informations ponctuelles sont aussi recueillies dans le Cantal, la Corrèze, la Côte d'Or, la Creuse, le Jura, la Somme et le Tarn, autant d'informations qui doivent cependant être confirmées sur la durée.
"A chaque fois que le réseau loup-lynx identifie de nouveaux indices de présence, les autorités en sont averties. Elles informent les parties prenantes afin que les mesures de prévention et d'accompagnement soient mises en place", indique l'ONCFS.
L'élimination des loups en France a été vivement encouragée par l’État depuis le Moyen âge jusqu'au début du XXe siècle. L'animal, dangereux pour les troupeaux, était alors unanimement considéré comme un nuisible.
Sous l'Ancien Régime, ils étaient plusieurs dizaines de milliers en France. Mais le XIXe siècle aura été fatal aux loups hexagonaux. La faute à l'humanisation du territoire, avec la déforestation et l'élevage, mais aussi à une volonté politique d'exterminer les derniers individus présents, considérés comme une menace pour les troupeaux.
Charlemagne, entre 800 et 813, avait déjà créé un corps spécial de chasseurs de loups, la louveterie, chargée de détruire systématiquement l'animal - une institution qui perdurera jusqu'après la Révolution, après une abolition momentanée entre 1787 et 1797. Mais le législateur du XIXe va prendre de nouvelles mesures.
En 1880, le ministère de l'Agriculture s'engage ainsi à verser une prime à quiconque tue un loup. À la Chambre des députés, le ministre Tirard justifie ainsi la mesure dans un long discours :
« On n'évalue pas à moins d'un mouton ou d'un jeune poulain par semaine, la nourriture d'une famille de loups, soit environ 45 à 50 millions par an que prélève ainsi sur notre agriculture une population de plus de 5 000 loups. »
La presse, en particulier régionale, soutient à l'unanimité cette initiative. L'Avenir de la Mayenne la salue avec enthousiasme et indique le barême des primes prévues par le ministère :
« Le 3 juin dernier, M. le ministre de l’agriculture et du commerce a déposé un projet de loi concernant la destruction des loups. Ce projet consiste en primes dont la fixation est la suivante : cent francs par tête de loup ou de louve non pleine ; cent cinquante francs par tête de louve pleine ; quarante francs par tête de louveteau, c'est-à-dire pour les jeunes loups dont le poids est inférieur à huit kilos.
Enfin lors qu'il sera prouvé qu’un loup s’est jeté sur des êtres humains celui qui le tuera aura droit à une prime de deux cents francs. De plus, la dépouille du loup appartiendra au chasseur ou, s’il y renonce, au bureau de bienfaisance. »
Et d'ajouter :
« Les loups qu’il s’agit en effet de détruire sont, pour la plupart, des envahisseurs qui ont passé la frontière en 1870, à la suite des armées allemandes. Voilà de quoi, nous l’espérons, donner du cœur au ventre aux tueurs de loups. La Société d’agriculture l’a dit, c’est une question d’humanité. Nous ajoutons, nous, c’est une question patriotique. Donc guerre aux loups, sus aux loups ! »
Avec l'usage de fusils de plus en plus performants, mais aussi de divers poisons (dont la redoutable strychnine), le nombre de loups présents en France, déjà faible, va décroître considérablement. La Société protectrice des animaux a beau protester, elle ne reçoit que moqueries et incompréhension. L'Avenir républicain de Troyes écrit ainsi dès 1875 :
« La société protectrice des animaux possède une section libre et non inscrite sur ses registres, qui se préoccupe uniquement de la conservation des animaux nuisibles. La moitié la plus lettrée de cette section se compose de philosophes profonds et mystiques. Ils parlent des décrets de la Providence, de la pondération et de l’équilibre des espèces, de l’ordre admirable de l'univers et des lois primordiales de la création.
Ils ne veulent pas qu’on supprime rien, même le mal, parce que ce mal est peut-être destiné à prévenir ou à limiter un mal plus grand. Ils veulent conserver tous les carnassiers : ours, loups, renards, fouines, éperviers, d'abord parce que ce sont des créatures de Dieu ! et ensuite par ce qu'ils détruisent les rats, les souris, les taupes. »
Et en effet, les défenseurs des loups ne seront guère entendus. La Petite République, quatre ans après la loi de 1880, se réjouit des progrès accomplis :
« On peut espérer qu’en un temps donné nous verrons disparaître des campagnes de France, comme elle a déjà disparu en Angleterre, la race de maître Loup, grand mangeur de moutons. Son souvenir ne se retrouvera plus que dans les récits d’anciens temps contés à la veillée par les vieilles grand’mères […].
Le dernier bulletin publié par le ministère de l’agriculture contient l’état des loups tués en 1883 et des primes accordées. Nous y voyons que le nombre de loups détruits en cette seule année a été de 1,308 […]. Belle chasse, on le voit ! En continuant de ce train, en détruisant chaque année plus d’un millier de loups sur le territoire de la France, on peut parier, comme nous le disions plus haut, pour la future extinction de la race. »
L'extermination des loups ne sera toutefois achevée que plusieurs décennies plus tard. En 1930, un article du Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire pose la question en titre : « Y a-t-il encore des loups en France ? ». Et répond par la quasi-négative :
« Au début du XIX siècle, les loups étaient encore fort nombreux en France, et surtout en Bretagne, en Auvergne, dans les provinces de l’Ouest, du Sud, de l’Est. Puis le développement des cultures, le perfectionnement des armes, l’emploi du poison, les firent diminuer de nombre et presque disparaître [...].
Une chasse bien organisée eut raison du fléau et depuis trente ans, le loup est devenu rare en France [...]. La dernière victime humaine des loups fut une vieille femme tué en octobre 1918 en Haute-Vienne. En février 1927, dans le Cantal, un loup dévora un âne. Mais ces faits de viennent exceptionnels.
On ne voit plus que des individus errants ; et encore il est permis de penser que ces loups viennent d’Espagne au cours des hivers rigoureux [...]. Bientôt le loup de France aura dis paru. On ne parlera plus de lui qu’en racontant le Petit. Chaperon Rouge, le Chien de Brisquet ou la Chèvre de M. Seguin. »
https://www.retronews.fr/environnement/echo-de-presse/2018/07/27/lextermination-des-loups-de-france