Récit en images. Des spéléologues varois ont pénétré dans une cavité inconnue jusqu'alors, entre Le Revest et La Valette. Les ossements mis au jour sont exceptionnels. De par leur ancienneté.
29 Nov 2021 -Textes : Sonia BONNIN - Photos : Frank MULLER et DR/Thierry Lamarque, Christian Liguori
Au départ, il y avait «un trou souffleur ». Ce phénomène insolite est un peu le Graal des spéléologues : « Quand un courant d’air sort de terre, de façon régulière, cela veut dire qu’il y a du volume… Et c’est bon signe, siffle, admiratif, Philippe Maurel. Chez nous dans le Var, c’est suffisamment rare pour qu’on s’y intéresse. »
En 2019, un groupe de spéléologues a réussi à dégager l’entrée d’une cavité inconnue, sur un plateau isolé, entre La Valette et Le Revest. En s’enfonçant sous terre, les spéléologues sont remontés dans le temps. À la joie de découvrir un réseau sous-terrain inattendu, et assez vaste, s’est ajoutée l’incroyable surprise d’une découverte préhistorique. À une trentaine de mètres sous terre, des os et cornes calcifiés se sont révélés être ceux de bouquetins alpestres. Une paléontologue a pu l’attester (lire ci-contre )etena dressé un bilan scientifique.
Ces fragments de bouquetins renvoient à 10 000 ans en arrière, peutêtre même 70 000 ans. L’aven s’appelle l’Oustau dei gàrri grèu.
1 Des membres du Spéléo club de Toulon Lei Aragnous se sont échinés à désobstruer un trou au sol, mesurant à peine une trentaine de centimètres, en pleine garrigue. Dédé Taxil, Philippe Maurel et Christian Maurel (notre photo), ainsi que Thierry Lamarque ont « passé six mois à casser du caillou à la barre à mine, pour ouvrir un passage. », racontent-ils avec sourire et fierté. Ensuite, ils ont pu pénétrer sous terre : « Une fois dessous, plus on descendait, plus cela devenait grand », confient-ils encore saisis par leur découverte. Une joie qu’ils transmettent aux plus jeunes, Anthony et Titouan.
2 De magnifiques et rares aragonites, des « choux-fleurs », draperies, baguettes de gours… ont été admirés. « Très peu de grottes sont aussi belles dans le Var, avec de tels volumes et autant à observer », confie Dédé Taxil. Aucune cavité n’était répertoriée sur cette zone.
3 Avec le concours du Muséum départemental du Var et de la paléontologue Évelyne Crégut-Bonnoure, il a été possible d’authentifier cornes et ossements calcifiés. Les restes de sept bouquetins étaient là depuis plus de 10 000 ans, tombés accidentellement dans des fissures aujourd’hui refermées.
5 « On a le sentiment de l’explorateur qui commence à se faire des rêves, sourit Christian Maurel, en se remémorant sa première descente. On est restés bêtes sur les dimensions des salles, quand nos lumières n’arrivaient pas à éclairer la paroi d’en face. » Une grande salle mesure une vingtaine de mètres de diamètre. L’accès est particulièrement périlleux, avec des étroitures et un vaste éboulis.
4 « C’est une facette de notre passion, découvrir des cavités, où personne n’est jamais allé. Mais les spéléos ont une éthique, en termes de respect du milieu. Non seulement c’est une cavité sportive, avec des risques de chute de blocs, mais en plus, il ne faut pas que des gens viennent casser des concrétions. » Voilà pourquoi l’emplacement est tenu secret, explique Philippe Maurel.
Les seuls à y pénétrer sont… des loirs. Personne ne sait par où ils passent, mais leurs crottes jonchent le sol. Le loir, gàrri-grèu en provençal, donne son nom à cet aven : l’Oustau dei gàrri-grèu, l’auberge du loir.
par Mathieu Dalaine
Le week-end dernier au Revest, des plongeurs souterrains spéléologues de la région ont exploré la source du Ragas dans des profondeurs encore jamais atteintes. Deux équipes de deux plongeurs se sont ainsi succédé dans ce puits naturel situé au nord du lac. L’un d'eux, Patrice Cabanel, est descendu à 158 mètres sous l'entrée du gouffre, dont 112 mètres sous l'eau, dépassant alors de 12 mètres le précédent terminus atteint par un citoyen suisse en 1989 !
« Nous sommes coutumiers de ce type de plongée profonde. L'objectif est de poursuivre l'exploration du Ragas et de comprendre le chemin emprunté par l'eau », explique le spéléologue bandolais.
Patrice Cabanel, à la sortie de la plongée du Ragas le 20 mars 2021 - Photo Marie-Hélène Taillard
C'est dans une eau à 14 degrés que les plongeurs ont évolué, dans le noir le plus total et pour partie dans une galerie d'un ou deux mètres de diamètre. « Je me suis arrêté dans une zone d'éboulis, une petite alcôve où j'avais juste la place pour me retourner, et où il n'y avait plus de passage pénétrable » poursuit Patrice Cabanel. Lequel explique que s'il lui a fallu une vingtaine de minutes pour arriver au fond,
1 h 15 a été ensuite nécessaire pour remonter en respectant les paliers de cette plongée réalisée au recycleur et au « trimix » (mélanges gazeux à base d'hélium).
Au total, une vingtaine de personnes a contribué à la préparation de ce projet mûri pendant plusieurs années. Des plongeurs et spéléologues de toute la région, du groupe « Plongeesout » et du Comité Départemental de Spéléologie étaient ainsi présents au Revest, motivés par l'exploration d'un gouffre qui n'a pas dévoilé tous ses secrets.
« C’est la concrétisation d'une série de cinq ou six plongées préparatoires », conclut Patrice Cabanel, qui pense déjà à la suite :
« Retourner fouiller l'éboulis et trouver un passage ! ».
Rappelons que le Ragas est une résurgence de type vauclusien, reliée à la nappe, Et bien connu pour ses« colères ». Lorsque le niveau du lac est haut et que de grosses pluies s'abattent, il « crache » et se transforme alors en véritable torrent.
Découvert durant l’hiver dans un aven, au Revest, un intrigant squelette a été analysé. Il s’agissait bien d’un loup. Un second spécimen a été trouvé à ses côtés.
Chute accidentelle ou tragique histoire d’amour? Après les révélations de l’Office français de la biodiversité (OFB), toutes les hypothèses - même les plus romantiques - sont imaginables.
L’OFB (fusion de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage et de l’Agence française pour la biodiversité), vient en effet de publier sur le site qu’il consacre au loup (loupfrance.fr) le récit d’une double découverte dans un gouffre du Revest.
Deux squelettes de loup y ont été formellement identifiés.
Tout débute en janvier lorsqu’André Taxil, un spéléologue du Spéléo Club de Toulon "Leï Aragnous" tombe sur des ossements de canidé, gisant couché au fond d’un gouffre de 13 mètres de profondeur.
Intrigué par la taille de la mâchoire, le spéléo prélève une canine, puis l’ensemble de la tête, afin de tenter de déterminer l’espèce.
Après s’être documenté, et pressentant qu’il peut s’agir d’un loup, il alerte l’OFB.
Confirmant que la découverte est intrigante, l’organisme officiel décide alors d’envoyer ses agents sur place. Ils suivent le spéléo pour examiner de plus près les ossements (et au passage, utiliser un détecteur de métaux pour vérifier que l’animal n’a pas été pris pour cible par des chasseurs).
Aucune trace de plomb n’est décelée et les enquêteurs imaginent que le loup a dû chuter dans le gouffre sans jamais être capable de remonter. Les traces de griffures en bas de la paroi plaident en ce sens.
La surprise vient d’ailleurs. En prélevant le squelette, ils tombent sur les restes - plus anciens et en mauvais état de conservation - d’un second canidé semblant lui aussi être un loup.
L’ensemble des os sont alors extraits et envoyés à un laboratoire d’analyse génétique afin d’en avoir le cœur net.
Fin avril, les résultats tombent: il s’agit bien de deux loups. Canis Lupus, de leur petit nom latin.
Le plus récent d’entre eux est même déjà connu. Il s’agit d’une femelle dont la présence avait été génétiquement détectée par une crotte ramassée en 2016 par un correspondant du Réseau Loup-lynx sur le versant nord de la montagne Sainte-Baume.
"Ce type de découverte est assez rare, commente Raynald Jaubert, chef d’unité territorial de l’OFB. Lorsqu’on nous signale des dépouilles, c’est en général au bord des routes après une collision. Mais dans les milieux naturels, on a rarement l’occasion de tomber sur des squelettes en bon état de conservation. Le fait que ces deux-là aient échoué au fond d’un gouffre est une exception".
Un important déploiement de pompiers a eu lieu ce jeudi du côté de la Ripelle, sur la commune du Revest-les-Eaux, afin de porter assistance à un spéléologue en difficulté à quatre-vingts mètres sous terre.
Jeudi, 15 heures. Des véhicules de secours sont garés sur la route de Tourris en contrebas de la base pyrotechnique.
Huit pompiers de l’équipe d’Intervention de secours en spéléologie (ISS), dirigée par le conseiller technique Yvan Kasparoff, sont prêts à intervenir. Un homme est en effet en difficulté. Sous terre.
Pompiers au gouffre de la Ripelle jeudi 31. Photo Claude Serra
Trois autres secouristes sont déjà à l’entrée de l’aven de la Ripelle, à une demi-heure de marche de la route par des sentiers escarpés.
Ces trois pompiers ont balisé le chemin pentu, qui se faufile au milieu des falaises calcaires sur lesquelles le château de Tourris et la "vieille Valette" veillent sur la vallée.
"J’ai été appelé par un spéléologue à 14h51 pour me prévenir que son collègue était bloqué depuis 12h30 à quatre-vingts mètres sous terre et qu’il l’a sécurisé avant de remonter", témoigne le conseiller technique spéléologie secours français 83.
André Roudaut poursuit: "Il lui a fallu une demi-heure pour retrouver la surface et m’alerter. C’est la procédure, il n’y a rien d’alarmant. Ensuite, j’ai prévenu les secours et l’équipe d’intervention de secours en spéléologie."
L’équipe de l’ISS qui s’entraîne au Gros-Cerveau est rapidement sur les lieux. "En fonction de la situation, toute une procédure se met en route. Les artificiers sont également placés en pré-alerte. Mon équipier René Mattéoli s’est rendu sur place", poursuit André Roudaut.
L'aven de la Ripelle, un haut lieu de la spéléologie. Photo Claude Serra
La demande de secours est lancée. Le poste de commandement du chef de colonne le capitaine Fleury est installé sur le parking du cimetière de Tourris accompagné du chef de groupe le lieutenant Leconte et la logistique de huit pompiers et une ambulance afin de parer à tout événement.
Après avoir prévenu les secours, le "spéléo" averti d’un club toulonnais redescend sous terre pour retrouver son équipier bloqué lors de cette sortie loisir.
Il faut dire que ce site est très connu des passionnés. "Dans les années 1960, c’était l’une des plus belles cavités du Var. Il y a eu à l’époque un mort et un blessé quelque temps plus tard", se souvient le pompier expert Franck Graciano, placé à l’entrée de la grande arche naturelle de l’aven de la Ripelle.
En retrouvant son compère, le spéléo a réussi à se débloquer. "Il n’y a aucune faute de la part des deux spéléologues, cela arrive régulièrement. L’auto-secours fait partie de la formation de tout spéléologue qui se respecte", précise le pompier.
À 16 heures, le spéléologue toulonnais qui a prévenu les secours a refait une nouvelle fois surface, bien boueux mais un sourire masqué par la gêne de la situation. "C’est comme si tu fais Fanny à la pétanque. Tu te fais un peu remarquer. Mais il n’y a rien de grave", tente pour comparaison un témoin.
Pour éviter des efforts supplémentaires, l’équipe de secours décide de faire remonter le spéléo malheureux par le "puits des loirs", un accès placé en contrebas qui rejoint l’aven de la Ripelle.