À chacun son sommet. Pendant qu’Emmanuel Macron était dans le massif du mont-Blanc pour réaffirmer sa sensibilité écologique, Geneviève Darrieussecq, la secrétaire d’État auprès de la ministre des Armées, était hier après-midi au sommet du mont Caume.
Si 4 000 mètres d’altitude séparent le plus haut des monts toulonnais du toit de l’Europe, le déplacement ministériel avait un objectif commun avec celui du président de la République : mettre en avant la défense de l’environnement.
Une préoccupation sur laquelle le ministère des Armées fait figure de pionnier. « Sur les 270 000 hectares que possède le ministère sur l’ensemble du territoire national, 200 000 font l’objet d’un classement de protection à caractère environnemental et 40 000 sont labellisés Natura 2000 », affirme ainsi Geneviève Darrieussecq.
Avec dix « petits » hectares, le terrain que possède la Défense sur le mont Caume fait figure de confetti, mais est très riche en matière de biodiversité. « La zone abrite un cortège faunistique et floristique très intéressant. On y dénombre notamment 211 espèces floristiques, mais aussi des aigles de Bonelli et neuf espèces de chiroptères », détaille Hélène Lutard, administratrice du Conservatoire d’espaces naturels (CEN) de Provence-Alpes-Côte d’Azur, partenaire privilégié du ministère des Armées pour la gestion de ses sites en matière environnementale.
Faire la promotion de la protection des chauves-souris n’est sans doute pas évident en pleine épidémie de coronavirus…
Blague mise à part, les actions menées sur le mont Caume, dans le cadre du programme Life Defense Nature 2Mil, portent leurs fruits : un gîte d’hibernation et deux gîtes de reproduction ont ainsi été aménagés dans d’anciennes galeries militaires.
« On n’a pas d’éléments chiffrés sur la population des chauves-souris mais on sait que, sur les neuf espèces répertoriées sur le site, toutes n’étaient pas présentes au début du programme en 2012 », commente Vincent Mariani, chargé de mission a pour le CEN. Ce dernier évoque par ailleurs la restauration de la végétation originelle (pelouses méditerranéennes, landes à genêts épineux et autre matorral à genévriers).
Des réussites que la secrétaire d’État auprès du ministère des Armées n’a pas vraiment pu observer de ses yeux. Pas plus que la vue sur la rade de Toulon d’ailleurs. Hier après-midi, le sommet du mont Caume était plongé dans un épais brouillard.
Les vacances d’été sont le moment idéal pour s’adonner à l’observation de la biodiversité. Pour cela, nul besoin d’enfiler ses chaussures de randonnée ou un masque de plongée, encore moins de traverser la planète. D’autres milieux plus accessibles sont en ce moment le théâtre d’une explosion de vie : notre jardin, notre quartier, les alentours immédiats !
Quel plaisir en effet d’observer, au-dessus des fleurs, une frénésie de gros bourdons flanqués de sacs de pollen. Et celui de mettre un nom sur une plante soudainement apparue au pied du lampadaire de notre rue. Là, devant chez nous, la nature est à notre porte. À nos pieds ! Encore faut-il s’y attarder un peu.
Le dernier rapport de l’IPBES nous le rappelle : la biodiversité dégringole sévèrement et à tous les niveaux. Un quart des 100.000 espèces évaluées est déjà menacé d’extinction.
Mais le plus inquiétant portent sur celles qu’on appelle, peut-être improprement désormais, les espèces « communes » ou « ordinaires » : insectes, oiseaux, plantes sauvages… Si on ne parle pas (encore) d’extinction, on sait que les populations se réduisent comme peau de chagrin.
Face à ce déclin plus discret, les chercheurs ont besoin de données massives pour affiner le diagnostic et mettre en évidence les causes précises du mal. La perte des habitats ? Les pollutions ? Le réchauffement climatique ? Les espèces exotiques envahissantes ? Il est évidemment impossible de placer un chercheur dans chaque quartier, chaque jardin ou square public, c’est pourquoi nous faisons appel à vous.
À tout âge, faire avancer la connaissance
Depuis plus de dix ans des milliers de contributeurs bénévoles ont intégré le programme Vigie-Nature du Muséum national d’Histoire naturelle. Ces derniers nous font parvenir quotidiennement de précieuses informations sur un grand nombre d’espèces aux quatre coins de la France.
Preuve que ces sciences participatives sont avant tout des sciences, nous affichons plus d’une centaine de publications scientifiques parues dans des revues internationales. Parmi les résultats acquis grâce aux participants : 50 % de papillons en moins dans un jardin utilisant des pesticides ; un changement massif des communautés de plantes à l’échelle du pays face au réchauffement climatiques ; 1/3 des populations d’oiseaux en moins dans les campagnes françaises en 25 ans…
Nous devons maintenir nos efforts. Vos observations sont nécessaires pour avancer dans nos recherches, produire des indicateurs, élaborer des statistiques indispensables à la mise en œuvre de politiques vertueuses.
Tous, de 7 à 77 ans, avec ou sans connaissances, vous pouvez donc apporter votre pierre à l’édifice tout en faisant connaissance avec le vivant qui vous entoure. D’une pierre deux coups. Voici 5 façons d’y contribuer pendant les vacances.
Amateur de photo nature, le Spipoll (suivi photographique des insectes pollinisateurs) est pour vous !
Placez-vous devant quelques fleurs de la même espèce. Dégainez votre appareil et tentez de prendre en photo tous les insectes qui viennent les visiter pendant 20 minutes.
Il faut faire vite, être attentif, car les pollinisateurs ne sont pas du genre à prendre la pose… Une fois que tout ce petit monde se trouve dans la boîte, à vous de les identifier. Une clé de détermination accessible sur le site vous permettra, après examen de quelques caractères, de donner un nom à vos abeilles, bourdons, mouches et autres insectes floricoles du jardin. 600 espèces à découvrir, un monde insoupçonné à votre porte !
Les « spipolliens » – comme s’appellent entre eux les participants – vous aideront en ligne avant que vous-mêmes n’aidiez les futurs participants. Côté chercheur, les collections de photos visent à étudier les réseaux de pollinisation, c’est-à-dire les interactions complexes entre plantes et insectes.
C’est le plus simple à réaliser. Dès que vous apercevez un papillon dans votre jardin, identifiez-le grâce aux fiches pédagogiques disponibles sur le site : 28 espèces ou groupes d’espèces vous attendent. Il s’agit pour vous d’évaluer pour chaque espèce identifiée le nombre d’individus présents simultanément dans votre jardin (ou une partie du jardin public pas loin de chez vous, ou de votre maison de vacances).
Renouvelez ces comptages chaque semaine si vous le souhaitez. L'Opération Papillon peut se pratiquer en jardinant, en prenant l’apéritif en terrasse et même en lisant un livre sur votre transat… Il suffit parfois d’une ombre sur l’herbe, sur votre page, d’un simple battement d’ail qui vous interpelle pour découvrir un papillon jusque-là inconnu. Les comptages commencent quand vous êtes dans votre jardin et s’arrêtent quand vous n’y êtes plus. Quoi de plus simple ?
En participant vous apportez des informations sur l’abondance des papillons de jour. Vous aidez aussi les scientifiques à comprendre l’impact de l’urbanisation, du climat ou encore des pratiques de jardinage sur ces espèces. Et surtout, votre jardin ne sera plus jamais comme avant, égaillé de petite tortue, vulcain et autre tabac d’Espagne.
Même principe que précédemment, le référencement portant cette fois sur les oiseaux. Le but du jeu ? Choisissez une durée d’observation – 20 minutes, 30 minutes, une heure —, installez-vous sur votre table de jardin et comptez les espèces qui se présentent. Leur diversité impressionne.
Sur les vingt espèces très fréquentes, combien serez-vous capable de reconnaître ? Si on vous dit troglodyte mignon, fauvette à tête noire, pouillot véloce ? Pourtant, il y a de fortes chances que certains se soient déjà aventurés chez vous… Une fois le comptage effectué, saisissez ensuite, comme toujours, vos données sur le site de l'observatoire.
Ces informations permettent aux chercheurs de suivre, dans le temps, les populations d’oiseaux partout en France. Et de répondre à des questions fondamentales : quand et pourquoi les oiseaux visitent les jardins ? Quels sont les effets du climat, de l’urbanisation et de l’agriculture sur cette biodiversité ?
Depuis l’arrêt des produits phytosanitaires sur les voies publiques, la flore sauvage reprend ses droits dans les villes de France. Sauvages de ma rue vous propose de partir à leur découverte et de les démasquer.
Car si nous passons tous les jours devant, que savons-nous de ces petites fleurs qui jalonnent nos trottoirs ? Choisissez une rue ou une portion de rue et identifiez toutes les plantes que vous croisez. Pas de panique, vous disposez d’un outil magique : la clé d’identification.
Forme des feuilles, couleur des pétales… en répondant correctement à quelques questions vous obtiendrez rapidement le nom de l’espèce, accompagnée de croustillantes anecdotes sur ses vertus médicales ou gustatives, son écologie et sa biologie.
Grâce à vous les chercheurs parviennent petit à petit à référencer les plantes sauvages de l’hexagone. Reste à percer plusieurs secrets de cette flore des trottoirs : comment évoluent-elles avec le changement climatique ? Lesquelles apparaissent et disparaissent ?
Les chanceux qui se trouvent sur le littoral peuvent aussi mettre la main à la pâte. Plages vivantes propose une immersion dans la laisse de mer. Cette bande d’algue qui s’étend le long des plages mêle toutes sortes de débris apportés par les flots : algues, coquillages, déchets liés aux activités humaines…
Un écosystème très riche qui contribue à l’équilibre naturel des plages. Afin de comprendre cet habitat peu connu et menacé (ramassage des débris, pollution…), les scientifiques vous mettent au défi : parcourez une laisse de mer sur 25 mètres et tentez d’identifier les algues grâce à une clé d’identification.
Les espèces d’algues diffèrent-elles d’une plage à l’autre ? À plus grande échelle, les chercheurs vont suivre leur distribution spatiale au cours du temps sur l’ensemble du littoral. Il semblerait que le réchauffement de l’océan entraîne un glissement vers le nord de certaines espèces. Mais quelles espèces sont concernées ? À quelle vitesse se déplacent-elles ?
À vous de jouer !
Hugo Struna, journaliste et rédacteur du blog de Vigie Nature, un programme de sciences participatives porté par le Muséum national d’histoire naturelle, a contribué à la rédaction de cet article.
Terres de biodiversité, les Alpes-Maritimes et le Var abritent entre 50% et plus de 90% de la totalité des espèces connues en France métropolitaine. Mais en l'espace d'un siècle cette richesse a été mise à mal par l'urbanisation. Etat des lieux des espèces en danger avec des "vigies" de la biodiversité.
Ils sont les vigies de la flore. Leur mission, au sein du Conservatoire botanique national méditerranéen de Porquerolles: inventorier les plantes et agir pour leur préservation.
"Notre région est l’une des plus riches du bassin méditerranéen en biodiversité," notent Katia Diadema et Benoît Offerhaus. Et les deux botanistes de préciser: "2612 espèces indigènes ont été recensées et évaluées dans les Alpes-Maritimes, et 2266 dans le Var".
Un trésor particulièrement mis à mal au cours du XXe siècle. "On considère que 239 espèces (soit 8,4%) ont disparu dans les Alpes-Maritimes et 108 (4,6%) dans le Var. En l'espace de seulement 100 ans, c'est énorme", s’inquiètent-ils.
"La flore, c'est la clé de voûte des espèces, c'est le socle."
C’est précisément pour préserver la richesse de ce socle que le Conservatoire botanique méditerranéen a été créé en 1979. Sylvia Lochon-Menseau, la directrice de la structure, met en garde contre la "banalisation de la biodiversité" qui nous guette.
"Le risque, explique-t-elle, c’est qu’on ne cultive plus qu’une seule variété et qu’on ne trouve plus que des pommes golden dans les rayons parce qu’elle est productive."
"L'urbanisation, la construction de routes sur le littoral ont détruit des milieux naturels. Par exemple, les marais à Golfe-Juan, à l'embouchure du Var ont disparu dans les années 60 et avec eux toutes les espèces. "
Ces dernières années encore, la construction de Polygone Riviera le long de la Cagne et l'urbanisation de la plaine de l'Argens ont réduit les "zones humides" à peau de chagrin.
"Dans les Alpes-Maritimes, il ne reste plus que 2% du littoral originel."
La situation est à peine plus glorieuse dans le Var.
Si en montagne, la situation est moins critique, les botanistes mettent en avant les menaces liées au tourisme de pleine nature. "Le ski l'hiver, les baignades l’été dans le Loup et l'Estéron, ont des impacts sur la flore des berges."
Le surpâturage fait aussi des dégâts: "Avant, il y a avait plus de troupeaux, mais ils étaient plus petits. Or aujourd'hui, un grand nombre de bêtes se concentrent sur des zones humides où se trouvent des espèces sensibles. Mais aujourd’hui la connaissance sur la flore est là pour pouvoir concilier les différents enjeux du territoire sans pour autant que la biodiversité soit mise à mal."
"Certaines espèces comme la griffe de sorcière qui fait de belles fleurs et vient d’Afrique du Sud, peut coloniser et étouffer la flore endémique, alerte Alain Barcelo. Ce serait une de perte de biodiversité énorme, au profit d’une seule espèce exponentielle. Notre objectif, résume-t-il, c’est donc de l’éradiquer pour retrouver la biodiversité originelle."
L’expérience a été notamment réalisé sur l’île de Bagaud (une réserve intégrale faisant partie du Parc national). "Grâce à l’éradication, on voit beaucoup plus d’espèces locales qui qui s’expriment à nouveau. C’est le cas de la Romulée de Florent, une espèces rarissime, présente entre les îles d’or et le Cap Bénat, qu’on ne trouve nulle part ailleurs au monde."
Avec la destruction de ces "milieux naturels", c'est toute la faune associée qui a disparu.
"On a perdu différentes espèces de batraciens, reptiles, des insectes associés à cette végétation, des oiseaux…
"Malgré les dispositifs de protection, on perd encore des prairies humides sur le littoral, poursuivent Katia Diadema et Benoît Offerhaus. Et ça va aussi affecter l'homme. Avec le changement climatique, nous aurons de plus en plus de forts orages. Or, nous ne bénéficieront plus de ces zones qui jouaient le rôle d'éponge et empêchaient à l'eau d'arriver sur la ville à grande vitesse."
Dans un avenir proche, une espèce d’oiseaux nicheurs sur 3, 30% des amphibiens, 15% des reptiles pourraient disparaître.
Dans le Mercantour sur 153 espèces de vertébrés recensés, 53 sont menacées. La faune est en danger dans les Alpes-Maritimes et le Var.
"Au museum d’Histoire naturelle, nous avons des spécimens d’espèces datant du 19e siècle, capturés à Nice ou à proximité. Certains ne sont plus présents dans notre département, c’est le cas de la loutre par exemple", détaille Olivier Gerriet, zoologue et chargé de conservation.
Plus grave encore, nombre d’espèces vivant dans notre département sont "endémiques", c’est-à-dire qu’elles ont une aire de répartition très petite et n’existent pas ailleurs sur le territoire.
La première menace qui pèse sur leur existence, c’est "la modification des habitats, développe Olivier Gerrier. Bien sûr il y a une évolution standard, une modification naturelle dans le temps, mais l’homme, en urbanisant, détruit totalement des écosystèmes naturels."
Une fois l’habitat détruit, le retour en arrière est long, voire impossible.
Les espèces locales doivent aussi faire face à la menace de certains nuisibles. L’écureuil à ventre rouge, importé d’Asie dans les années 1960, a proliféré et met en danger l’écureuil roux: les perruches à collier, échappés de captivité, s’installent dans les dortoirs d’autres espèces plus vulnérables et les chassent.
Sur les îles d’Hyères où le Parc National de Port-Cros a dû prendre des mesures pour sauver par exemple le puffin yelkouan, une espèce endémique à la Méditerranée.
Les îles d’or abritent 95% de la population reproductrice. Or, le puffin yelkouan, à l’instar d’autres espèces, "risque de disparaître à cause des rats ou des chats qui prolifèrent", observe Alain Barcelo, chef du service connaissance du patrimoine au Parc national de Port-Cros.
"Le problème est augmenté car l’eau lie les écosystèmes entre eux. Le percement du Canal de Suez qui a permis à des espèces de la mer Rouge de remonter et coloniser la Méditerranée", ajoute Olivier Gerriet.
Autre ennemi, le changement climatique. Si le cadre protégé du Parc national du Mercantour a pu faciliter les réintroductions d’espèces victimes d’une chasse excessive au 19e siècle, tels que le bouquetin ou le gypaète barbu, d’autres dites "boréoarctiques" comme le lièvre variable ou le lagopède alpin voient leur habitat fondre... comme neige au soleil.