Étés de plus en plus chauds, incendies en série, inondations incontrôlées… le Var et les Alpes-Maritimes sont mis à mal par le dérèglement climatique. Ardemment défendus par les citoyens, brandis par les politiques comme moyen de lutte contre le dérèglement climatique, les arbres sont au centre des attentions. Mais s’ils peuvent être des alliés précieux contre le réchauffement climatique, ils en sont parfois aussi les premières victimes. Comment trouver un équilibre? Nous avons un mois pour enquêter.
Flora Zanichelli Publié le 04/12/2022
Face au réchauffement climatique, comment faire des arbres nos alliés ? - Photo Sébastien Botella
En août dernier, la ville de Gattières est au cœur d’une polémique. En cause, l’abattage de deux cèdres du Liban pour faire place à une résidence sociale sénior et un parking. Sur les réseaux sociaux, les habitants laissent exploser leur colère.
Quelques semaines plus tôt, c’est à Saint-Paul-de-Vence que le lever de bouclier a eu lieu, après la coupe rase de cyprès et de pins.
Une mobilisation de citoyens qui révèle combien le sujet des arbres est brûlant.
Si cela fait depuis longtemps que la forêt est au cœur de réflexions, les derniers étés, caniculaires, au cours desquels nous avons assisté à des incendies et des hausses de température spectaculaires, ont accéléré les prises de conscience et les réflexions.
“Les arbres ont un rôle essentiel dans la lutte contre le réchauffement climatique”, rappelle Michel Vennetier, ingénieur forestier et écologue, qui a longuement analysé les effets du changement climatique sur la forêt méditerranéenne.
Réduction de la température urbaine, puits de carbone permettant de lutter contre l’effet de serre, lutte contre l’érosion des sols, préservation de la biodiversité, source d’énergies renouvelables, les bienfaits des arbres sont nombreux.
“Non seulement, l’arbre contribue à la beauté de la ville, mais il peut aussi atténuer les conséquences des canicules urbaines en rafraîchissant les rues”, explique Caroline Mollie, paysagiste et auteur du livre “Les arbres dans les villes: l’urbanisme végétal.”
C’est en partie pour cela que Christian Estrosi a inscrit les arbres à l’agenda politique de Nice, promettant une forêt urbaine pour 2025.
Mais si les arbres sont de précieux alliés pour lutter contre le réchauffement climatique, ils en sont aussi les victimes.
“De façon générale, il n’y a plus que très peu d’arbres qui se portent vraiment bien dans la nature”, constate Michel Vennetier.
Chute des feuilles, branches mortes, les conséquences des sécheresses et canicules se font sentir. “Aujourd’hui, les gens ne savent plus à quoi ressemble un arbre en bonne santé”, observe l’écologue.
Caroline Mollie précise: “On ne devrait pas voir le ciel au travers du feuillage”.
Michel Vennetier ajoute : “Les arbres sont également moins réactifs face aux parasites qui eux, parfois, deviennent plus résistants ou attaquent plus de fois dans l’année qu’auparavant. On l’a vu, par exemple, avec le charançon sur les palmiers. ”
“Planter des arbres, c’est bien, mais pas n’importe où et n'importe quoi”, réagissait Pierre Sicard, chercheur “Air et forêt” chez Argans, à Sophia-Antipolis, dans une interview donnée à Nice-Matin le 8 novembre dernier.
Une remarque qui va à contre-courant des promesses souvent faites par les politiques.
En fixant l’objectif de planter 280 000 arbres dans la Métropole d’ici à 2026, le maire de Nice, Christian Estrosi, confirme l’enjeu auprès de ses concitoyens.
Mais il est souvent difficile d’évaluer la portée de telles annonces, estiment plusieurs experts.
“Si vous prenez le problème de l’arbre en ville, explique Caroline Mollie, il faut tenir compte de l’espace qu’on va pouvoir lui donner pour se développer. Pour qu’un arbre se développe, il faut de la terre et de l’espace aérien. Donc planter, oui! Mais où? Et comment? Avec quelles perspectives?”
Trouver un équilibre aussi. Pierre Sicard continue : “[Certains] arbres émettent des composés qui engendrent l’émission de polluants secondaires. Selon les essences que vous allez planter, vous allez parfois dégrader la qualité de l'air.”
En ville, par exemple, planter mobilise experts des espaces verts mais nécessite aussi une bonne connaissance du réseau souterrain, pour que les arbres puissent se développer au mieux, et sous-tend le renouvellement des pratiques, in fine.
“Il faut trouver un équilibre, commente Michel Vennetier qui préconise trois pistes. Éclaircir les forêts, pour laisser de l’espace aux arbres pour se développer, rajeunir en plantant de nouvelles espèces, diversifier les espèces “pour éviter de mettre tous les œufs dans le même panier”.”
Mettre en place une gestion équilibrée qui permette de régénérer la forêt.
“L’idée est aussi de laisser de l’espace à la nature, de lui faire confiance pour s’adapter, de la laisser faire sa propre sélection”, ajoute Michel Vennetier.
“Il faut réfléchir à long terme, commente Caroline Mollie. Un arbre met 10 à 15 ans à se développer, c’est plus long qu’un mandat politique.”
Tous concernés par les arbres? La collecte organisée par l’émission “Aux arbres, citoyens” en faveur des forêts françaises avec 1,8 million d’euros récoltés montre que les Français ont à cœur leur patrimoine vert.
“Souvent, les citoyens disent: il faut planter davantage d'arbres. Mais il faut savoir que dans les villes densément peuplées, l’espace public géré par la municipalité est restreint. Il est de 15 %, le privé représentant 85%“, constate encore Pierre Sicard.
Dès lors, comment agir chez soi?
Certaines collectivités n’hésitent pas à engager leurs administrés à leurs côtés. Comment s’y prennent-elles? A la suite des incendies qui ont ravagé le Var, comment la forêt se reconstruit-elle? Et quel rôle peut-elle jouer pour limiter les effets des feux alors que la menace plane entre sécheresse et canicule? Nous avons un mois pour enquêter.
Dans nos départements du Var et des Alpes-Maritimes, les arbres représentent un enjeu tout particulier. “Avec 1,5 million d'hectares, la forêt en Provence-Alpes-Côte d'Azur représente 9,4% de la forêt française. La région se place en deuxième position nationale pour son taux de boisement (48%, contre 29% en moyenne au niveau national)”, écrit l’ONF sur son site.
En matière de superficie forestière, le Var est le cinquième département de France.
Les Alpes-Maritimes, elles, se classent au quatorzième rang. Mais la surface dédiée à la forêt ne cesse de s’y développer avec une augmentation de 47% depuis 1985 contre 15% pour le Var.