Le gouvernement a annoncé lundi 21 octobre que la reprise des déchets de chantier triés serait "gratuite" à partir de 2022.
En finir avec les décharges sauvages, voilà l'objectif du gouvernement. Pour atteindre ses objectifs, plusieurs mesures ont été intégrées au projet de loi anti-gaspillage. Parmi elles : la reprise des déchets de chantier triés. La secrétaire d'Etat à la Transition Écologique Brune Poirson a d'ailleurs annoncé lundi 21 octobre qu'elle serait "gratuite" à partir de 2022. "Nous allons rendre gratuite la reprise des déchets de chantier triés à partir de 2022", a-t-elle indiqué dans un entretien paru dans Le Parisien. "Nous allons commencer par densifier le réseau de points de collectes. Les déchetteries professionnelles ne sont pas assez nombreuses et pas équitablement réparties sur le territoire", a-t-elle ajouté.
Plusieurs mesures contre les décharges sauvages ont été intégrées au projet de loi anti-gaspillage en discussion au Parlement. Le pouvoir de police des maires pour lutter contre ce type de dépôts doit notamment être renforcé, tout comme l'usage de la vidéosurveillance. "Un grande partie de ces dépôts sauvages provient de la construction, du bâtiment (plus de 46 millions de tonnes par an). Il faut impérativement améliorer la gestion des déchets de ce secteur", a constaté Brune Poirson.
Début août, le maire de Signes (Var) était décédé, renversé par une camionnette dont les occupants, qu'il voulait verbaliser, avaient jeté des gravats en bord de route. Chaque année, enlèvement et nettoyage de ces décharges représentent un coût pour les villes estimé entre 340 et 420 millions d'euros, a estimé la ministre.
Chemins de la Moutte et de Tourris sont deux sites où les déchets inertes s’entassent. Plastique, tuiles et vieux pneus jonchent les sols de cette zone pourtant classée. La justice s’en mêle.
Après la mort d'un maire renversé par une camionnette déposant illégalement des gravats, Brune Poirson va réunir fin août les professionnels du bâtiment pour mettre en place "au plus vite" des mesures contre les décharges sauvages.
Ces décharges, "véritable fléau", coûtent cher à la collectivité, a rappelé à l'AFP la secrétaire d'Etat à la Transition écologique.
Q: Quelle est l'ampleur du phénomène des décharges sauvages en France ?
R: "Les services du ministère et de l’Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie)travaillent à répertorier les décharges illégales sur le territoire, mais c'est extrêmement difficile d'en avoir un décompte total car il s’agit d’une pollution très diffuse.
Quand un dépôt sauvage devient trop visible, souvent d'autres lieux de rejet apparaissent. Tout ça est très mouvant, d'où l’importance de donner du pouvoir à celui qui est en contact continu avec le terrain. Qui mieux qu'un maire sait où sont les décharges ?
L’origine du problème provient en partie des déchets du BTP comme le drame de Signes l’illustre tragiquement.
Les décharges sauvages sont présentes partout, c'est un véritable fléau qui coûte entre 340 et 420 millions d'euros par an aux collectivités ce qui a, à la fin, un impact sur les contribuables. C'est pour cela que nous en avons fait un des piliers de la loi antigaspillage à venir. Nous travaillons d’ailleurs avec les professionnels de ce secteur pour enrayer ce phénomène. Il faut transformer le système de l'intérieur."
Q: La loi antigaspillage discutée au Parlement à la rentrée prévoit la mise en place d'une filière de collecte des déchets du bâtiment d'ici 2022. Comment cela va-t-il être mis en place ?
R: "Ce qui est prévu, c'est la création d'une filière de pollueur-payeur sur les déchets du bâtiment pour que la filière prenne à sa charge de nouveaux services.
Nous voulons par exemple qu’elle s'organise, de façon à financer la création et le maillage sur le territoire d'un certain nombre de nouvelles déchetteries ainsi que la création d'usines de recyclage. Dans certaines régions, les professionnels doivent aujourd’hui faire parfois plusieurs dizaines de kilomètres pour avoir accès à une déchetterie payante. Les artisans du secteur du bâtiment et les particuliers pourront désormais faire reprendre gratuitement leurs déchets en déchetterie s’ils les ont triés.
Je vais organiser dès fin août une réunion avec les professionnels de la construction, les 14 organisations professionnelles qui représentent les artisans et les entreprises du secteur du bâtiment, ainsi qu'avec les élus, les associations d'élus et des parlementaires.
L'objectif est de mettre en place les conditions de mise en oeuvre le plus rapide possible des dispositions de la loi antigaspillage sur le volet décharges sauvages."
Q: Le drame de Signes a montré que les maires sont en première ligne. Que pouvez-vous faire pour eux ?
R: "Le projet de loi antigaspillage prévoit un renforcement des pouvoirs du maire. Il faut qu'ils aient des moyens d'actions plus importants. Dans le cadre du débat au Parlement sera également débattue la question des pénalités.
On va aussi pouvoir mettre en place des systèmes de vidéosurveillance, dans certains endroits où on sait qu'il y a des dépôts récurrents, dans des endroits particulièrement propices, pour pouvoir identifier et punir de façon plus efficace ceux qui commettent ce genre d'actes illégaux. Le projet de loi d’Elisabeth Borne sur les mobilités prévoit lui de pouvoir confisquer par exemple un véhicule si un dépôt sauvage est constaté avec.
Il y aura aussi des dispositions renforçant le pouvoir de police des maires dans le projet de loi "engagement et proximité" que porteront Sébastien Lecornu et Jacqueline Gourault à la rentrée."
L'association des maires de France souhaite la création dans le Code Pénal d'un délit de trafic des déchets, après la mort d'un maire du Var renversé par une camionnette de BTP dont les occupants jetaient des gravats sur le bord de la route.
Jean-Mathieu Michel est mort lundi 5 août alors qu'il tentait d'empêcher deux individus de déverser des gravats dans une décharge sauvage de sa petite commune du Var, Signes. Après ce drame, l'Association des maires de France (AMF) réclame un durcissement de la loi avec la création d'un délit de trafic des déchets, et des pouvoirs renforcés pour lutter contre ce fléau.
Dans le Var, où s'est déroulée la mort du maire de Signes, les décharges illégales sont pléthores. Des entreprises de BTP font le choix de polluer plutôt que de se rendre à la déchetterie, dans cette région où il y a à la fois beaucoup de constructions et de larges étendues naturelles sans habitation.
Les vignerons de Bandol protestent depuis longtemps contre ces pratiques illégales qui polluent leurs sols. "Dans le territoire de Bandol, il y a une décharge de plus de 20 hectares. Nous avons des PV, des lettres de préfets qui disent qu'ils vont s'en occuper. Tous les élus sont au courant, personne ne veut bouger. C'est vraiment scandaleux d'attendre un décès dans une commune pour que tout le monde se réveille", confie l'un d'entre eux sur RTL.
Le maire de Signes connaissait bien ce phénomène. Il avait flairé les ouvriers qui allaient déposer ses gravats avant d'être mortellement percuté. Ce décès est insupportable pour Valérie Gomez-Bassac, députée du secteur. "Les élus ne savent plus comment gérer cela, car ça prend un telle proportion qu'on se sent complètement démunis, explique-t-elle. Il est tant maintenant que chacun prenne ses responsabilités. Et peut-être que c'est au niveau national qu'on devrait gérer ces déchets."
Les équipements manquent. Une déchetterie pour professionnels devrait ouvrir dans environ un an dans le Var. La semaine prochaine, un questionnaire va être envoyé à tous les maires par la Commission des lois du Sénat, une consultation pour recueillir des témoignages sur les menaces et les agressions auxquels sont confrontés les élus.
Après le décès de Jean-Mathieu Michel, renversé par une camionnette qui venait de décharger illégalement des gravats, le problème de la gestion des déchets issus du bâtiment refait surface.
VAR - Derrière la mort du maire de Signes, une crise des déchets étouffe le Var. Lundi 5 août, Jean-Mathieu Michel, 76 ans, maire d’une petite commune de 3000 habitants, est décédé après avoir été renversé par une camionnette. Au volant, deux jeunes ouvriers du bâtiment, préalablement en train de décharger illégalement des gravats sur un chemin privé. Une action habituelle dans la région.
D’après le récit de France Bleu Provence, l’incivisme a échauffé l’élu. Mais alors qu’il venait de demander aux occupants du véhicule d’attendre la verbalisation de la police, une manœuvre de la camionnette l’a mortellement blessé. Jean-Matthieu Michel, décrit unanimement dans les hommages comme un maire “emblématique de la région” et “engagé pour sa commune et son territoire”, après trente-six ans de mandat, avait comme beaucoup les abus de la filière du BTP dans le viseur. Dans la région, le déchargement illégal de gravats est connu de tous. Et tout le monde est mobilisé.
“Fléau environnemental”
“Tout le monde a en ligne de mire ces décharges illégales, explique au HuffPost Henri Bonhomme, le président de l’Union Départementale du Var pour la sauvegarde de la Vie et de la Nature (UDVN). Sur leur site Internet, les actualités font régulièrement référence à ce que l’association écologiste n’hésite pas à qualifier de “fléau environnemental”. “L’urbanisation à outrance et la gestion des gravats qui va avec, c’est le mal du littoral”, déplore Henri Bonhomme.
C’est du quotidien. Il n’y aucune prise sur des situations comme ça, sauf si vous y assistez."Henri Bonhomme, président de l'UDVN, à propos du déchargement illégal de gravats.
Décharges sauvages, décharges illégales ou encore “déballes”, comme on les appelle aussi: ces initiatives pullulent dans la région. Et les solutions peinent à se mettre en place.
“D’un côté, vous avez des petites entreprises, des artisans et des particuliers qui ne s’embêtent pas et déchargent où ils peuvent avec leur camionnette, sur le bord de la route, nous décrit Henri Bonhomme. C’est certainement ce qui est arrivé à Signes. Et ça, c’est du quotidien. Il n’y a aucune prise sur des situations comme ça, sauf si vous y assistez.”
Après les particuliers, les professionnels. ”À côté de ce phénomène”, nous explique encore l’UDVN, “il y a des grosses affaires de décharges sauvages. Ce sont des entreprises de taille importante, voire très importante, qui, plutôt que d’aller dans les décharges agréées payantes et cadrées, trouvent des arrangements avec des particuliers en possession de terrains, non constructibles le plus souvent.” Les espaces sans propriétaire apparent sont aussi visés.
Mais certaines affaires, grâce à des riverains, des élus et des associations, parviennent à atteindre le Conseil d’État. Les conséquences écologiques sur les sols, la biodiversité et l’agriculture peuvent en effet être très graves. Que se passe-t-il si une décharge de déchets amiantés voit le jour sur le bord d’un champ d’horticulture -quand on sait que le département est un grand producteur de miel- ou dans des vignes? “Des terroirs comme ça, des tonnes de déchets qui les recouvrent et c’est terminé, on ne peut plus rien faire”, se désolait ainsi l’année dernière un vigneron de la région.
Sur-urbanisation et manque de stockage
Pour l’association de protection de l’environnement, deux causes principales amènent à ces modes d’action illégaux et dangereux:
- Une urbanisation très forte liée à l’attraction de la région méditerranéenne
- Un terrain accidenté qui demande plus de déblayage qu’ailleurs
L’activité de chantiers sur la Côte d’Azur au littoral très recherché s’étend du Var jusqu’à Monaco. En plus de drainer des armées de travailleurs saisonniers, elle traîne derrière elle, davantage qu’ailleurs, des gravats et de la terre, pollués ou non, issus de terrains escarpés qui ont demandé un fort volume de déblayage.
Face à cette réalité géologique et économique, “les lieux de stockage, ou ICPE, sont insuffisants et coûtent cher, financièrement et écologiquement”, nous apprend encore Henri Bonhomme. À l’instar des déchets ménagers, qui eux n’ont plus de structures d’accueil dans le Var depuis fin 2018, les matériaux inertes du BTP peinent eux aussi à trouver une prise en charge correcte. “Il faut trouver des terrains, faire une enquête, demander l’expropriation, obtenir les autorisations pour produire de la nuisance sonore... L’ouverture de tels sites est extrêmement lente et compliquée”, explique encore au HuffPost le président de l’Union départementale du Var pour la sauvegarde de la Vie et de la Nature.
Et pour s’y rendre et déposer vos gravats, si vous êtes professionnel, vous devez compter 82 euros par tonne déchargée pour les déchets non dangereux, et 104 euros par tonne pour ceux toxiques (tarifs Écopole). Très peu de déchetteries municipales vous permettent de le faire. Et les rares qui l’autorisent restreignent le cubage par jour.
Face à ces prix et cet encadrement, certaines entreprises préfèrent d’autres solutions complètement illégales. En 2016, un véritable réseau avait été démantelé: “deux couples proposaient aux entrepreneurs de payer ‘la course’ 70 euros seulement et dénichaient des lieux, à l’abri des regards, pour enfouir en toute discrétion les gravats”, raconte Le Parisien dans un article de juin 2016.
Contactée par Le HuffPost, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie de la Provence-Côte d’Azur (ADEME), n’a pas encore répondu à nos questions. Mais en attendant, comme un aveu du problème, notre interlocutrice au téléphone n’a pu retenir ce constat: “Le déchet, quel qu’il soit, c’est toujours polémique”...
Le trafic est courant dans la région, et les chantiers en essor constant ne cessent de le raviver. En 2016, une correspondante du Parisien à Draguignan n’hésitait pas à titrer ainsi un reportage: “Le Var, défiguré par le trafic”. “Dès qu’on s’éloigne du bord de mer, on trouve partout des zones couvertes de gravats abandonnés qui forment de petites collines. On le constate en survolant le département en hélicoptère”, témoigne cette même année un bénévole d’une association de préservation de l’environnement.
En mars 2018, les viticulteurs de Bandol étaient sortis de leur réserve pour manifester contre la présence d’une décharge illégale au milieu de leurs vignes. Au milieu des ceps, des collines de gravats et de déchets issus du bâtiment et des travaux publics. Les découvertes de la sorte sont fréquentes dans les vignobles de la région, à tel point que certains craignent pour leur appellation.
Un peu plus tôt en janvier, c’est tout simplement une digue qui avait été découverte par le maire de Saint-Laurent-du-Var: 140 mètres de long, dix de large et cinq de haut de gravats et de terre de chantiers entassés. Sur le moment, le maire a cru à un mouvement de terrain, avant de découvrir la file de camions qui déversaient leur chargement. L’histoire, complexe pour la municipalité, réunissait une entreprise privée, un terrain municipal, un particulier d’une casse-auto qui avait donné son autorisation et un entrepreneur. À l’époque, le maire de Saint-Laurent-du-Var s’était dit “extrêmement” choqué qu’on prenne sa ville pour une décharge.
Le même sentiment devait probablement animer Jean-Mathieu Michel, l’emblématique maire de Signes, lorsqu’il a arrêté sa voiture pour faire la leçon à cette camionnette d’ouvriers. Dans une lettre de condoléances publiée ce mardi, Emmanuel Macron a tenu à saluer “le dévouement inlassable de cet élu [...] dont le dernier geste traduisait le souci de son territoire et son implication à y faire respecter la loi pour le bien de tous”.