En France métropolitaine, seuls 40% des pluies alimentent réellement le milieu aquatique. Pourrions-nous améliorer la rentabilité de cette eau tombée du ciel?
Plic-ploc. Ah la pluie! On la déteste pendant nos balades, mais elle est pourtant indispensable au cycle de l’eau. Dans l’Hexagone, il en tombe ainsi en moyenne 512 milliards de mètres cubes par an. Cette pluie peut être interceptée par les feuillages des plantes (la canopée), ou tomber au sol, et s’infiltrer, ruisseler ou s’évaporer.
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De là donc, elle ruisselle ou s’infiltre et rejoindra les nappes phréatiques ou les eaux de surface à moins d’être captée par les racines des plantes et l’évapotranspiration. Mais seulement 200 milliards de mètres cubes de cette eau de pluie sont dits «efficaces», c’est-à-dire qu'ils retournent réellement au milieu aquatique. Alors qu’on craint régulièrement des niveaux faibles dans les nappes souterraines ou des étiages de plus en plus bas des fleuves en été, n’y aurait-il pas un moyen de la récupérer plutôt que d'en laisser 300 milliards de mètres cubes à la dérive? La question mérite d’être posée… mais les réponses nécessitent d’être nuancées!
D’abord parce que ces chiffres sont des estimations: il est compliqué de connaître exactement la quantité d’eau qui part en évapotranspiration, c’est-à-dire interceptée par les plantes par la canopée et par le système racinaire. Ensuite, parce qu’on pourrait se demander l’intérêt alors que nous ne consommons «que» 35 milliards de mètres cubes par an. Mais il faut penser à toute la biodiversité qui en a besoin… Et enfin, parce que la notion même de pluies «efficaces» est un abus de langage: une eau qui nourrit des plantations et des cultures est efficace, car elle réduit les besoins en irrigation, pourtant elle n’est pas comptabilisée dedans.
Alors, où trouver de l’eau pour mieux capter cette ressource? Dans la pluie qui tombe sur le sol de vos villes. Car nos communes forment une grosse couche imperméable de béton et de goudron. « La ville se pose sur la nature et crée une rupture du cycle naturel de l’eau », explique Marie-Christine Huau, directrice stratégie eau & climat chez Veolia.
Son chemin ensuite est fléché : elle ruisselle des toits de maison ou sur les routes (et se pollue au passage en récupérant plomb, huile, peinture, bactéries…) avant d’être collectée dans les égouts. Là, quand il n’existe pas de réseaux séparatifs, elle est mélangée aux eaux usées avant d’être transportée vers des stations d’assainissement situées en dehors de la ville.
Cette stratégie a longtemps primé et reste encore en place dans de nombreuses villes. Mais elle montre ses limites. «Pour que ça marche bien, le réseau doit être suffisamment bien dimensionné et surtout qu’il soit bien entretenu et absorbe les à-coups hydrauliques. Si les bouches d’égout et / ou les canalisations sont trop petites, ça dégorge, provoquant des inondations. Si ça part dans des connecteurs mal entretenus ou poreux, ça n’est pas efficace non plus», ajoute Marie-Christine Huau.
De plus, l’imperméabilisation de nos villes, ajoutée au changement climatique qui entraîne des intempéries de plus en plus brutales et intenses, accentue les risques d'inondations. Pour réduire la quantité d’eau qui part dans un réseau s’il ne peut pas absorber tout ce qui tombe, la première solution consiste à déconnecter l’eau pluviale pour la rediriger directement vers des endroits perméables terreux et végétalisés. Ce sont des noues paysagères, par exemple, et cela ressemble à de larges fossés qui récupèrent l’eau. On peut les fleurir des plantes hydrophiles pour permettre une meilleure absorption et ainsi éviter l’engorgement du réseau. La régulation hydraulique devient la clé pour absorber le trop «de pluie» en un temps court!
«Cela nécessite de reprendre conscience du sol et de sa fonction première» souligne Marie-Christine Huau, «Un sol, c’est quoi ? De la terre oui, mais avant tout, un lieu de vie. Si la terre est morte, sans microfaune ou microflore alors, elle n’est plus poreuse et à 20 ou 30 cm sous une première couche meuble, elle forme en réalité une carapace infertile qui a perdu sa fonction tampon absorbeur».
Si le sol a perdu cette fertilité, par exemple parce qu’il est resté trop longtemps sous des dalles de bétons, il faut d’abord lui redonner cette qualité fonctionnelle. «On peut remembrer des haies, ce qui va remettre des systèmes racinaires dans la terre, l’aérer et donc redonner vie au sol. Le végétal est un ami des sols. Un sol fertile est plus productif pour le végétal, la culture et l’infiltration de l’eau», explique Marie-Christine Huau.
Cette revégétalisation de la ville est profitable à d’autres endroits, comme sur les berges des rivières et fleuves. Jusqu’à présent, nous les avons canalisées, mais quand il y a des pluies violentes, le niveau monte et il y a des risques de débordement. Les berges canalisées ou urbanisées accélèrent le flux. La berge ne respire plus. Aujourd’hui, quand c’est possible, il est judicieux de redonner de l'espace aux bords des cours d’eau, et de redonner vie au lit majeur pour que ces lieux rejouent leurs véritables fonctions: absorber le trop-plein lorsque la rivière sort de son lit, atténuer et ralentir le flux. Cela passe par exemple par l’installation de roselières qui vont profiter de ces zones humides pour attirer une faune riche et variée.
Autre exemple, les actions de surveillance et travaux de consolidation des digues à Nevers avec l’entretien et la gestion des ouvrages hydrauliques de régulation qui limitent les risques d’inondation lors de crues exceptionnelles de la Loire et qui redirigent l’eau vers des déversoirs. Un chantier gigantesque qui continue encore aujourd'hui, mais qui ne fait pas que des heureux: pour que le sol joue son rôle poreux, le chemin de crête des digues est recouvert de cailloux grossiers qui rendent la marche ou le vélo difficile pour les riverains.
Enfin, d’autres ouvrages verts sont envisageables, notamment lorsqu’une ville s’étend. Dans ce cas, il faut les penser en bonne harmonie avec le paysage. «Si on identifie une zone de cuvette, mieux vaut éviter d’y construire un parking et privilégier des zones perméables de nature qui vont faire de la rétention, ralentir des écoulements et éponger l'eau pour mieux l’infiltrer», explique Marie-Christine Huau.
C’est encore l’occasion de rapporter du végétal en ville en y construisant par exemple des parcs, des lieux de biodiversités ou des infrastructures sportives, comme des terrains de foot. Mais attention: ce n’est pas une garantie absolue. «Si on a trois fois de suite des inondations rapides, ça ne passera pas», alerte Marie-Christine Huau.
Désimperméabiliser nos villes, prendre conscience de la richesse du sol et de son rôle, entretenir la végétation, entretenir les ouvrages hydrauliques de régulation, faire de la gestion dynamique à ciel ouvert comme à la Vallée de la Bièvre et les penser pour qu’ils s’adaptent au temps de la nature, voici les grandes clés pour récupérer au mieux l’eau pluviale et mieux vivre avec.
Peut-être pas énormément, mais imaginez: rien qu’un pour cent correspond à plus de 5 milliards de mètres cubes d’eau. Soit presque deux fois la consommation en eau potable des Français sur une année. Loin d’être une simple goutte dans l’océan.
Dans la presse ce matin, il y a des hommes qui font la pluie et le beau temps et on ne pensait pas lire ça dans Philosophie Magazine, qui nous raconte une scène observée plusieurs fois en Saône-et-Loire. Après des semaines de sécheresse, des nuages sombres s'amassent enfin dans le ciel. Le vent se lève, les oiseaux se taisent, c'est sûr, ça va craquer. Et puis d'un coup, comme par magie, les cumulonimbus se désagrègent, la lumière revient.
Il n'est pas tombé une goutte. L'orage était là, et c'est comme s'il avait été aspiré. Parlez-en aux éleveurs, ils vous disent: "Ben oui, avec tout l'iodure d'argent qu'ils balancent dans l'atmosphère, il ne pleut plus. Moi je n'ai plus de fourrage". De l'iodure d'argent? "Bah oui", dit l'éleveur, "à cause de leurs générateurs. Bien sûr qu'en France on bricole la météo ! C'est officiel, tapez ANELFA sur Google, vous verrez".
De fait, il existe bien une Association nationale d'étude et de lutte contre les fléaux atmosphériques. L'ANELFA, fondée en 1951 par des agriculteurs, des agronomes, des physiciens et des élus. Leur objectif : réduire les dégâts causés par la grêle et éliminer les orages. Aujourd'hui, on compte plus de 800 stations anti-grêle dans toute la France, surtout dans les régions viticoles. Ceux qui paient sont ceux qui en ont besoin, les chambres d'agriculture, les assureurs, et aussi les communes et les départements.
Pour tuer la grêle, il faut donc envoyer dans l'atmosphère de l'iodure d'argent, ce qui casse le processus de formation des grêlons. C'est ce qu'on appelle l'ensemencement des nuages. Le sorcier des cumulonimbus s'appelle Jean Dessens, physicien de l'atmosphère à Toulouse, comme son père qui a fondé l'Anelfa. Il est formel, l'iodure d'argent, c'est cher. Donc on l'utilise en petite quantité, et donc ce n'est pas toxique.
Certains scientifiques restent sceptiques, comme Jean Grizard, retraité de l'Institut National de la Recherche Agronomique. Pour lui, il y a forcément des retombées qui contaminent l'air et les écosystèmes. Et même une dégradation des particules qui deviennent alors aussi dangereuses que le mercure. Il faudrait des études indépendantes, mais vu les quantités utilisées, elles ne sont pas obligatoires.
L'autre débat, c'est la sécheresse, éloigner la pluie quand on se désole de la sécheresse et du réchauffement climatique, est-ce bien raisonnable ? Accusation injustifiée, assure Jean Dessens. On ne diminue que de 1% la masse d'eau présente dans les nuages". Réponse de Jean Grizard: "Les agriculteurs sont d'excellents observateurs de la nature, on devrait les écouter".
Michel est éleveur, il fait des relevés de pluviométrie depuis des années. "Depuis que les générateurs fonctionnent, dit-il, les mois d'été, on est passé de 350 à 200 litres par mètre carré, pour nous, c'est désastreux". Michel a été démarché il y a trois ans par un vigneron et un technicien de l'Anelfa. "On s'était seulement parlé. Quelques jours plus tard, un camion arrive dans ma cour avec un sigle 'produits dangereux'. Il voulait m'en laisser 200 litres. Le chauffeur m'a expliqué que c'était juste très inflammable. Là j'ai tiqué. On a essayé de me forcer la main. Ils m'ont envoyé ces produits sans contrat, sans garantie". Sans compensation, aussi. "C'est du bénévolat", dit Michel, "ils m'ont seulement promis que j'aurai un repas annuel et une caisse de vin".
Autre son de cloche avec Serge, pépiniériste dans le Lot et Garonne. Un département qui a perdu plusieurs récoltes avant de se tourner vers les générateurs de l'Anelfa.. "Il y a entre 10 et 15 alertes par an", dit-il, "mais depuis six ans, nous n'avons plus perdu de raisin, les générateurs ont été hyper efficaces. Pour un coût dérisoire, 50 centimes par hectare. Les viticulteurs sont contents, les automobilistes aussi". Pour la sécheresse, ils se sont organisés, ils ont créé des retenues d'eau et des lacs. "On peut tenir toute la saison avec nos pompes, on ne dépend pas des nuages".
Et c'est là que le problème devient politique, et même philosophique. Est-ce qu'on peut changer le temps qu'il fait juste parce que ça nous arrange ? À qui appartient le ciel ? Pour la réponse, rendez-vous donc dans Philosophie Magazine.