Zéro déchet - Dessin de Coté, paru dans Le Soleil, Québec
par Sarah Aboutaqi
"Une petite révolution dans le monde du tri". C’est ainsi que Gilles Vincent, président du Sittomat (1), a présenté – non sans enthousiasme – les nouvelles consignes de tri. Un enthousiasme plutôt justifié puisque dans les faits, l’élu n’a pas tort.
À compter du 1er mars, le Sittomat étend les consignes de tri des emballages plastiques et métalliques sur son territoire. Désormais, tous les plastiques, sans exception, pourront être triés.
Aux traditionnelles bouteilles, bidons et flacons en plastique, s’ajoutent tous les emballages métalliques comme les canettes, boîtes de conserve, sachets, films d’emballages, pot de yaourt et même capsule de café.
Tous iront dans l’un des 850 bacs gris de collecte dispersés sur le territoire du Sittomat.
Un changement qui concerne 532.000 habitants de Toulon Provence Méditerrannée, Sud Sainte-Baume et de la Vallée du Gapeau.
"Trois solutions de tri vont être proposées aux administrés: déposer ses journaux, cartons et autre papiers dans les bacs de couleur jaune; les bouteilles, bocaux et flacons en verre dans les bacs de couleur verte. À ce niveau, rien ne change, détaille Gille Vincent. La troisième possibilité leur permet désormais de déposer tous les déchets et emballages plastiques, dans les bacs gris. Là, c’est un grand changement pour tous. Forcément, plus besoin de se questionner pour savoir où doivent être déposées les différentes ordures ménagères en plastique. À l’heure actuelle, 40 à 60% des plastiques sont recyclés. L’objectif, à terme est d’atteindre les 100% ".
Les bacs de tri et colonne à opercule gris déjà en place sur le territoire se verront apposer une nouvelle étiquette adhésive, indiquant les nouvelles consignes.
Une petite révolution qui intervient 25 ans après la mise en place du tri des déchets ménagers sur l’aire toulonnaise, rendu possible grâce à une modernisation des techniques de tri.
"Aujourd’hui, nous avons trouvé des méthodes pour trier les plastiques, tout en améliorant les conditions de travail, explique Christine Leuthy-Molina, directrice régionale sud est de Citeo (2). Nous avons à disposition des trieurs optiques dans les centres de tri, qui par des faisceaux lumineux, vont pouvoir séparer les différentes résines de plastiques. Ce qu’un trieur manuel ne peut pas faire. Si on veut maintenir une cadence et maîtriser les coûts, c’est la solution la plus adaptée. Mais cela à un coût: le montant d’un trieur optique s’élève à 150.000 euros, et il en faut plusieurs. Voilà pourquoi cela a mis du temps ".
Et le président du Sittomat de préciser sur ce point: " certaines autres régions peuvent déjà trier tous les emballages plastiques ensemble depuis des années déjà, certes. Sur le secteur, nous avons choisi d’agir différemment en développant d’abord une usine de valorisation énergétique. Le centre de tri situé à La Seyne-sur-Mer, permet notamment de chauffer énergétiquement la Beaucaire, à Toulon, et la cité Berthe à La Seyne. Nous avons avancé à notre rythme, et aujourd’hui, nous y arrivons enfin ".
Direction un centre tri dans le Gard
Où vont ensuite tous ces emballages plastiques? "Le cheminement se fait en trois étapes ", indique Christine Leuthy-Molina.
Une fois le tri déposé dans le bac gris, les plastiques sont collectés et acheminés à La Garde au centre de réception de la société VNI Environnement. "Le centre conditionne ensuite les emballages 'en balles' (paquets de marchandises enveloppés et/ou ficelés ndlr) afin de faciliter leur transport vers le centre de tri Paprec Sud Gard, à Nîmes".
Dernière étape: les matières sont acheminées au centre de tri où elles sont séparées et transportées vers un centre spécialisé pour leur transformation.
Cette solution est transitoire dans l’attente de la création d’un centre de tri local (lire ci-dessous), "capable de séparer les emballages en plastique nouvellement triés", conclut-on du côté du Sittomat.
1. Le Syndicat mixte intercommunal de transport et de traitement des ordures ménagères de l’aire toulonnaise.
2. Citeo est une entreprise privée spécialisée dans le recyclage des emballages ménagers et des papiers graphiques.
Grâce à l’extension de ses consignes de tri, le SITTOMAT permet désormais aux habitants du territoire de trier leurs emballages en plastique et en métal dans le bac de collecte à couvercle gris.
Par définition, le recyclage permet d’économiser des ressources naturelles nécessaires à la fabrication de nouveaux objets. Afin de préserver toujours plus de ressources et de faciliter le quotidien de ses administrés, le SITTOMAT permet désormais de trier nombre d’emballages plastiques et métalliques supplémentaires.
Le tri de ces déchets permettra au SITTOMAT de collecter 2600 tonnes de déchets en plus chaque année, soit 4,5kg par an et par habitant.
Jusqu’à présent, nous pouvions trier dans le bac gris uniquement les bouteilles et flacons en plastique.
Dorénavant, à partir du 1er mars 2022, vous pourrez trier dans ce même bac tous les emballages en plastique et en métal suivants :
Sachets de chips
Sachets de fromage râpé
Sachets distribués dans les commerces
Films alimentaires
Films de packs d’eau ou de lait
Barquettes de beurre
Barquettes de jambon
Barquettes alimentaires
Pots de crème fraîche
Pots de yaourt
Barquettes de viande
Boites d’œufs en plastique
Canettes
Bombes aérosol
Boîtes de conserve
Bouteilles de sirop
Barquettes aluminium
Couvercles de bocaux
Capsules de café en aluminium
Capsules de bouteilles
Emballages de médicaments en aluminium
Pots en métal
Bougies chauffe-plat
Grâce aux nouvelles consignes de tri, c’est facile : plus d’emballages recyclés pour moins de matières premières gaspillées !
En France, un habitant produit en moyenne 360 kilos d’ordures ménagères par an. Les habitants de la Côte d’Azur génèrent 100 kilos de plus. Face à la saturation, quelles solution ?
On croule sous les déchets. Chaque habitant de la région Sud produit environ 436 kg/an d’ordures ménagères et assimilées soit 100 kg de plus que la moyenne nationale d’après les chiffres de l’Observatoire régional des déchets (1).
Le Var avec 490 kg/an/habitant et les Alpes-Maritimes avec 460 kg/an/habitant font figure de mauvais élèves.
La crise de la gestion des déchets a conduit en novembre dernier à une situation rocambolesque. Plus de 500 tonnes d’ordures ménagères provenant du bassin cannois et grassois ont été envoyées depuis la Côte d’Azur jusqu’à une usine d’incinération située... dans le Pas-de-Calais ! En cause, la saturation des sites de traitement.
"Il y a urgence à trouver une solution", déclarait en décembre dernier le maire d’Antibes, Jean Leonetti, face à la crise du traitement des déchets dans l’ouest des Alpes-Maritimes.
Tout le monde convient de l’urgence. Le préfet des Alpes-Maritimes a ainsi réuni des groupes de travail. Autour de la table: élus et collectivités en charge de la collecte et du traitement des déchets.
"Le préfet a évoqué la nécessité d’analyser les possibilités foncières qui pourraient convenir à des investissements, observe Bernard Vigne, coordinateur du Pôle déchet & économie circulaire à l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie). Mais il faudra du temps pour les mettre en œuvre."
"Entre 2010 et 2018 on est passé de 456kg/an/hab à 395 kg/an/habitant, note un élu niçois. La production a baissé de 13%". Il met en avant la montée en puissance du tri, avec "l’extension des consignes" et, à Nice, la mise en place de deux collectes par semaine pour les emballages.
Et ailleurs? Ça progresse confirme Citéo, l’entreprise agréée par l’Etat pour gérer les déchets. Même s’il subsiste une forte disparité entre le Var et les Alpes-Maritimes. Ces dernières ont enregistré une augmentation de 4% du tri entre 2017 et 2018 portant à 55,8 kilos d’ordures triées par habitant et par an contre 70,4 kilos par an et par habitant en France.
En la matière, le Var fait meilleure figure que les Alpes-Maritimes avec 70 kilos d’ordures recyclées par an et par habitant. Mais si les gens trient plus, ce n’est pas encore le cas de tout le monde.
Variation des consignes de tri d’une commune à l’autre, fréquence du ramassage, ergonomie des poubelles, les freins ne manquent pas. Pour faciliter le geste de tri, insiste Alice Annibal Jeambet, il faut "homogénéiser les pratiques, la couleur des bacs de collecte sélective, parce que, aujourd’hui, d’un centre de tri à l’autre on ne prend pas les mêmes plastiques, canettes..."
La question des emballages et de leur devenir : l’entreprise privée Citéo, agréée par l’Etat pour gérer les déchets, est régulièrement interpellée sur ce sujet. "L’objectif est d’apporter 100% de solutions aux emballages et papiers par l’écoconception et le recyclage", affirme Christine Leuthy-Molina, directrice régionale Sud-Est chez Citéo.
Un objectif qui n’est, pour l’instant, pas encore atteint. En effet, chaque année, en France, un million de tonnes d’emballages plastique sont produites et doivent être traitées.
La directrice de Citéo pointe du doigt les mauvaises pratiques: "Certains plastiques ne sont pas recyclés car ils ne finissent pas au bon endroit parce que les gens ne les trient pas bien à la base. On ne peut donc pas les récupérer d’où l’importance d’être attentif à ce qu’on jette."
L’extension des consignes de tri a été proposée à l’ensemble des habitants des Alpes-Maritimes contre un habitant sur deux dans le Var.
"Le contexte réglementaire se durcit avec une exigence de 100% de plastiques recyclable d’ici à 2025 annoncée par le gouvernement, continue Christine Leuthy-Molina. L’enjeu est donc de limiter leur impact environnemental en amont comme en aval de la chaîne de consommation."
Limiter l’impact des emballages? Citéo, impliquée en recherche et développement, dispose de laboratoires qui travaillent, notamment, sur les différentes résines présentes dans les plastiques, empêchant parfois leur recyclage.
"Ça n’élimine pas le plastique pour autant", commentent les opposants comme l’association Zero Waste, regrettant que le problème ne soit pas pris à la source.
Pour limiter le volume d’ordures ménagères envoyé à l’incinérateur, l’Ademe souligne l’intérêt du "tri à la source" des déchets alimentaires: épluchures, coquilles d’œuf… Ils représentent plus de 30% du poids de la poubelle.
Si, en France, 125 collectivités ont mis en place une collecte des biodéchets, dans la région Sud, seules deux ont sauté le pas: Aygue-Ouveze dans le Vaucluse et le pays de Grasse. Pourtant, le temps presse: fin 2024, les collectivités auront l’obligation de collecter sélectivement les biodéchets triés chez les citoyens.
"2024 c’est demain, il faut créer des filières de ramassage et de valorisation, suggère-t-on à l’Ademe. Ce serait judicieux d’installer des unités de compostage de déchets verts et de biodéchets".
Pourquoi jette-t-on plus dans les Alpes-Maritimes et le Var? L’afflux touristique et des vacanciers pas forcément au fait des consignes de tri ne suffisent pas à expliquer un tel écart. Les véritables raisons sont aussi à rechercher ailleurs.
Des experts relèvent une situation "anormale": les déchets d’activités économiques qui se retrouvent dans le circuit des déchets des particuliers.
"Au niveau national ça représente 20% des déchets ménagers, et dans les Alpes-Maritimes et le Var, 40%, détaille Alice Annibal Jambet, chargée de mission déchets à l’Ademe. La Région a bien conscience de ce problème et on travaille avec eux pour faciliter la collecte des carton-verre-emballages-déblais et gravats des professionnels avec une filière spécifique."
Par ailleurs, le fait d’avoir des incinérateurs sur son territoire (Toulon, Antibes, Nice) qu’il faut "saturer" pour qu’ils ne dysfonctionnent pas a longtemps "freiné la politique de prévention des flux", estime Bernard Vigne, coordinateur du Pôle déchet & économie circulaire à l’Ademe.
Ce dernier développe: "Vouloir créer des décharges ou des incinérateurs peut ralentir la mise en place d’une politique de prévention et de réduction des déchets ambitieuse. La difficulté c’est qu’il faut anticiper, chercher des solutions en amont, et pas lorsque l’on se retrouve dans l’urgence. Car pour changer les comportements, il faut du temps. Pendant les "Trente Glorieuses", on a présenté le plastique comme bénéfique notamment d’un point de vue sanitaire. Alors, aujourd’hui, revenir en arrière, proposer d’acheter en vrac, cela peut paraître compliqué."
Il pointe la nécessité pour les décideurs d’être des porte-parole d’une politique de prévention et de ne pas raisonner qu’avec des projets de centres d’enfouissement ou d’incinérateurs.
PAR C. S. Mis à jour le 17/02/2020 à 16:52 Publié le 17/02/2020 à 18:30
Ce dimanche 16 février, plus de cinquante personnes se sont donné rendez-vous sur la route de Tourris, sur la commune du Revest-les-Eaux, afin d’effectuer un ramassage des déchets.
Ils avaient répondu à l’appel de Clean Walker Toulon, aidé par d’autres collectifs comme Citoyens Méditerranée, Colibri Toulon Littoral, Chercheurs en Herbe ou encore Global Earth Keeper.
Ces citoyens ont reçu le soutien des entreprises Someca (qui gère la carrière de Fierraquet), Dumex et la municipalité revestoise.
Telle une véritable petite armée de soldats verts de tout âge munis de leurs gants et de sacs-poubelles, ces volontaires se sont mobilisés contre ce fléau des temps modernes.
À 9h30 devant les grilles d’entrée de la carrière de Fierraquet, les quatre agents de la Someca attendaient les Clean Walker à bord de leur mini-chargeur, d’un chargeur de 25 tonnes et son godet de 5 mètres cubes, d’une camionnette.
De son côté, un agent municipal revestois avait mis des containers de tri dans la benne du camion prêtés par la société Dumex. Puis une longue file de voitures se formait.
En un rien de temps, tout le monde se regroupait pour le briefing. Les gants et les sacs-poubelles étaient distribués aux adultes et aux quelques enfants présents.
Pendant que les soldats verts ramassaient le long de la large route de Tourris, les gros engins roulaient vers les deux sites dépotoirs, où deux grosses bennes de "déchets industriels banals" de 35 mètres cubes ont été déposées.
"Tous les déchets ramassés par les personnes plus tous les objets jetés sur les bords de la route seront acheminés par benne à la société Sclavo qui fera le tri. Quant aux déchets inertes (les gravats) via la société Sotem, ils seront passés au crible (tri de la granulométrie des matériaux) puis au concasseur pour en faire des matériaux recyclés", explique un responsable de la Soméca.
À peine quelques mètres de parcourus que les sacs se remplissaient: des pneus, des ferrailles, des matelas étaient rapidement recueillis.
Les murmures grondaient. "Il faudrait les choper, ceux qui ont fait ça", entend-on depuis les fourrés.
Au même moment, le groupe des marcheurs du Rando Club Toulonnais croisait les "Clean Walker". "C’est un manque de civisme incompréhensible. C’est une opération nécessaire, bravo."
"Ce n’est pas la première fois qu’on ramasse des déchets mais ici, c’est abusé. C’est la première fois que je remplis mon sac aussi vite", témoigne Romain agacé.
Carole, la fille d’Ève qui organise des journées de ramassage du côté de Garéoult et en Provence verte, confessait: "C’est une vraie déchetterie, c’est hallucinant. C’est rare de voir autant de déchets concentrés."
En fin de matinée, les deux bennes étaient pleines à ras-bord et des déchets encore en bord de route. Le personnel de la Soméca partait chercher un Dumper de 45 tonnes, qui devait être rapidement rempli.
Les bords de route étaient nettoyés. Et ce lundi après-midi, les camions-grues de la Soméca devaient venir déposer des énormes rochers afin de limiter les dépôts sauvages vidés des bennes de camionnettes.
Sur place, la colère aussi débordait. Beaucoup restait à faire, et tout le monde pestait contre les contrevenants: "La justice devrait être plus réactive..."