Article du 13 octobre 2020 du HuffingtonPost
FORÊTS - Un projet de loi “fourre-tout”, selon les mots de l’opposition. Entre les modalités d’inscription à l’examen du permis de conduire, la vente en ligne de médicaments et les règles de commande publique, la loi “d’accélération et de simplification de l’action publique” (ASAP), votée mercredi 6 octobre, est tentaculaire et touche, entre autres, à de nombreux aspects des services publics.
Un article inquiète notamment les défenseurs de l’environnement. Les parlementaires ont ainsi accepté “d’élargir les possibilités de recrutement d’agents contractuels de droit privé” au sein de l’Office national des forêts (ONF) et de permettre l’assermentation de ceux-ci pour des tâches régaliennes jusqu’ici réservées aux gardes forestiers de droit public, comme la “constatation de certaines infractions”.
Dans une lettre ouverte réclamant la suppression de cet article 33, plusieurs ONG et syndicats dénoncent des dispositions qui “accélèrent le démantèlement et hypothèquent l’avenir de la forêt publique”. Des inquiétudes renforcées par les multiples réformes qui ont touchées l’ONF ces dernières années et le déficit chronique dans lequel l’établissement est maintenu.
“Depuis 30 ans, le nombre de gardes forestiers assermentés est passé de 9000 à 3000 sur l’ensemble des forêts publiques soit 10% du territoire. L’application en l’état de l’article 33 de la loi ASAP permettrait d’en réduire encore fortement le nombre au détriment de la protection des écosystèmes forestiers”, ajoutent les signataires de la missive.
Comme vous pouvez le voir dans la vidéo en tête d’article, nous avons passé une journée avec l’un de ces gardes forestiers inquiets pour leur profession, mais aussi pour les forêts publiques.
On s'appelle maintenant des "techniciens forestiers territoriaux". Ça ne veut plus rien dire.Cyril Gilet, garde forestier
Du déclin du statut de fonctionnaire à la baisse des effectifs, en passant par l’orientation de plus en plus commerciale de l’ONF et la disparition du vocabulaire forestier, Cyril Gilet, gardien de la forêt de Bertranges (Nièvre) depuis 1996 et secrétaire régional du syndicat Snupfen Solidaires, explique au micro du HuffPost pourquoi cette nouvelle loi s’inscrit dans une longue réforme de sa profession.
Dans leur rapport remis en juin à Emmanuel Macron, les 150 membres de la Convention citoyenne pour le climat proposaient justement d’augmenter les effectifs de l’ONF pour en “garantir une gestion nationale et indépendante de tout intérêt financier privé”.
D’ici là, l’endettement de 400 millions d’euros de l’établissement public l’incite à se tourner vers les activités les plus lucratives, au détriment de la surveillance et du contrôle des forêts et de la biodiversité, selon Cyril Gilet. “On ne fait que regarder par le prisme financier”, regrette le garde forestier.
Vous êtes nombreux à nous demander quels sont vos droits en forêt. Effectivement, les vététistes se voient régulièrement opposer le « Code forestier » sans vraiment savoir de quoi il s’agit…
Les vététistes se voient régulièrement opposer le Code forestier par certains agents de l’Office National des Forêts (ONF) ou par certains autres usagers des sentiers.
Cela donne une situation assez floue, voire conflictuelle, malheureusement entretenue par beaucoup.
L’application du code forestier dépend bien souvent de l’interprétation que les agents en font localement. Certains agents forestiers considèrent le VTT comme un véhicule et appliquent donc la même réglementation à un VTT qu’à un 4×4 ou à une voiture de tourisme.
La plupart font la différence entre VTT et véhicule, ainsi, la pratique du VTT sur « singles » ne leur pose pas de problèmes. Lorsque l’on échange avec l’ONF au niveau national, cette dernière option est d’ailleurs privilégiée.
C’est l’article A163-6 qui est utilisé de façon abusive :
Extrait de l’article A163-6 :
« Est puni de la peine d’amende prévue pour les contraventions de la 4e classe tout conducteur, ou à défaut tout détenteur, de véhicules, bestiaux, animaux de charge ou de monture trouvées dans les bois et forêts, sur des routes et chemins interdits à la circulation de ces véhicules et animaux.«
Aussi, si l’on considère le VTT comme un véhicule, il nous reste uniquement les routes goudronnées en forêt et les chemins larges ouverts à la circulation (interdits dès lors qu’il y a une barrière ou un panneau B0).
Il est pourtant évident qu’aucune réglementation n’a jamais été opposée au VTT en forêt de manière globale pour diverses raisons :
Sur ce dernier point, la Mountain Bikers Foundation demande pourquoi être « toléré » et pas « autorisé », s’il n’y a aucun élément justifiant une simple « tolérance » ?
MBF estime que toute entrave à la liberté de circuler doit comporter des éléments stricts la justifiant. Au niveau local, chaque situation est différente. Ainsi, les limitations du droit de circulation ne peuvent être justifiées qu’au niveau local, dans un but clair et utile.
Plusieurs codes viennent réglementer la pratique du VTT : code de la route, code du tourisme, code forestier, code de l’environnement… et bien d’autres encore.
Du fait de cette multiplicité, il est difficile d’apporter une réponse. Nous voulons seulement répondre à la question : est-ce que je peux être verbalisé quand je roule en forêt ?
A priori la réponse est non. Cependant, la situation peut changer en fonction des propriétaires de la parcelle où l’on se trouve. Car si la majorité des chemins sont ouverts à l’usage du public, tous ne le sont pas…
Ce qu’il faut retenir c’est que seul un agent reconnu par l’État peut être amené à effectuer des PV.
Pour dresser un procès-verbal d’infraction, il faut qu’il y ait interdiction, par arrêté municipal ou préfectoral dans 90% des cas (les autres cas sont des interdictions des propriétaires privées ou spéciales comme un parc national).
En résumé, un vététiste ne peut pas être verbalisé uniquement sur la base du code forestier.
S’il y a verbalisation, il faudra donc vérifier qu’il existe un arrêté local. Pour rappel, pour qu’un arrêté ait force de loi, il doit être limité dans le temps et l’espace, il doit exister une situation le nécessitant et ne doit pas être discriminant.
Aussi, devant cette situation floue et surtout créatrice de conflits, la MBF demande une clarification de la réglementation afin que le statut des véhicules non motorisés en forêt soit reconnu.
Pour cela nous avons porté cette demande au niveau national lors de l’élaboration du PAMA 2 (Plan d’Action pour les Mobilités Actives). Cela n’a, semble-t-il, pas été entendu par tout le monde, mais au moins par les fédérations sportives et d’autres organismes du cycle.
Ainsi, c’est avec le Comité de Promotion du Vélo (CPV) que nous avons réitéré cette demande, cette fois à l’attention du directeur de l’ONF et de ses deux ministères de tutelle : le ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt ainsi que le ministère de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie.
Regards sur la forêt
Texte rédigé par les membres fondateurs du Réseau pour les Alternatives Forestières (RAF)
La forêt est avant tout un organisme vivant, qui entretient son équilibre par une dynamique complexe mêlant la vie à la mort, la symbiose et la coopération à la prédation et au parasitisme. En permanence exposée à la puissance des éléments (vent, feu, eau, terre), la forêt en bonne santé s’adapte, revient perpétuellement à un état d’équilibre.
La forêt a précédé l’humain et ses cultures. Elle a été la source de la fertilité des sols qui le nourrissent. Elle abrite plus d’un million d’espèces vivantes. En chaque lieu, une myriade d’individus en interaction travaille sans relâche pour la beauté et la pérennité de ce milieu. La forêt joue un rôle de régulation irremplaçable dans l’équilibre des écosystèmes, du paysage et du climat. L’Homme a besoin d’elle alors qu’elle n’a pas besoin de lui.
Refuge pour les humains comme pour la faune et la flore sauvages, elle apaise, inspire, reconnecte à l’essentiel. On y perçoit l’emprise du temps et la force de la nature, qui invitent à l’humilité. C’est aussi un espace étranger, un territoire stimulant l’imaginaire. Sa lisière marque la limite entre le sauvage et le civilisé. Elle abrite les rêves autant qu’elle alimente les peurs, et endosse le besoin des hommes de maîtriser le sauvage.
De la Préhistoire à nos jours, elle a été le théâtre des relations entre la nature et les besoins humains essentiels, et source de leur satisfaction. Tour à tour vénérée et saccagée, elle a permis les conquêtes navales, protégé les villages des envahisseurs, porté les toitures et chauffé les maisons, alimenté les bêtes et les gens Elle peut devenir l’appui d’une économie ajustant le mode de vie aux capacités de régénération des ressources naturelles.
Pour les membres du RAF, la forêt et ses composantes ne sont pas des marchandises. L’idée de pouvoir dominer la nature est un leurre et l’Homme n’a d’autre choix que de composer avec elle.
De Würm à nos jours, l’empreinte de l’homme a marqué l’évolution des forêts à travers l’histoire.
Article paru dans Nature & Progrès n°98 et dans Silence n° 428
Auteur : Gaëtan du Bus, gestionnaire forestier indépendant et initiateur du RAF
La forêt française n’est pas si immuable et naturelle qu’on le croit. Les évènements climatiques et géologiques l’ont façonnée et l’histoire de nos sociétés y laisse des traces indélébiles. Après avoir couvert plus de la moitié de la surface de notre pays cinq mille ans avant JC, elle s’est vue réduite à 8% du territoire vers 1830 sous l’effet des défrichements qu’imposait la croissance démographique. Puis, grâce aux coupes régulières de taillis, la forêt est devenue la première source d’énergie du développement industriel. Forges, verreries et tanneries s’y alimentaient en bois et écorces, tandis que les fournils, cheminées et cuisinières continuaient à consommer chaque jour leur pesant de bois et que litières, feuilles et humus servaient aux bêtes et aux potagers. La forêt n’avait alors un faciès “naturel” qu’au large des bourgs, dans les espaces voués à la chasse que seigneurs puis notables voulaient majestueux et réservés aux besoins de la nation et de ses élites.
Si le charbon minéral et le pétrole ont réduit la pression sur les forêts, c’est surtout le plafond démographique et l’exode rural qui ont entraîné le regain de la forêt française. D’abord naturel sous forme de friches et de recrus spontanés, ce renouveau s’est accéléré après la seconde guerre mondiale sous l’effet des vastes reboisements résineux financés par le Fonds Forestier National. Aujourd’hui, la forêt française occupe près d’un tiers du territoire : pourquoi s’en inquiéter alors ?
D’abord, parce que ce retour de 8 à 29 % de couverture forestière s’est surtout fait au profit de plantations d’épicéa, douglas et pins en monocultures. Et que dans certaines régions, on remplace encore des forêts mélangées par des monocultures de conifères. Couvrir le territoire de plantations ne suffit pas à remplir les multiples rôles écologiques et sociaux de la forêt, de même que l’agriculture d’un pays ne s’apprécie pas à la surface de ses terres agricoles. Les demandes de la société envers les forêts, les logiques qui dirigent la gestion de ces espaces et les techniques d’exploitation du bois ont profondément évolué. A tel point qu’aujourd’hui, les forêts françaises sont sérieusement menacées, comme le fait savoir le collectif SOS forêts né en 2011 de la collaboration entre forestiers de terrain et associations.
En 2009, quelques mois après la tempête Klaus qui abat en une nuit 42 millions de m3 de bois, Nicolas Sarkozy déclare à Urmatt (67) qu’il est temps de « mobiliser plus de bois ». Il promet de doubler à terme la récolte, en commençant par l’augmenter de 50% en dix ans. Notre forêt en expansion serait tant surcapitalisée et sous-exploitée, que le CNPF (Centre National de la Propriété Forestière) n’hésite pas à écrire : « Le volume sur pied de la forêt française atteint des chiffres jugés dangereux pour sa stabilité et sa bonne santé ». Depuis, l’IFN (Inventaire Forestier National) a reconnu que les chiffres servant à justifier cette “sous-exploitation” étaient erronés. Mais, cette manipulation médiatique sans fondement scientifique permet aujourd’hui d’inscrire et de répéter dans tous les programmes politiques que la récolte de bois peut augmenter sans dommage pour l’environnement, les paysages et les générations futures. La pression croissante de notre mode de vie énergivore sur les forêts pose aujourd’hui des questions urgentes, débattues dans un milieu social trop restreint : il est grand temps que la société civile s’empare de la question forestière.
La propriété forestière en France est aujourd’hui aux trois quarts privée, le reste appartenant à l’Etat (10%) et aux collectivités (15%). Malgré un faible rythme de mutation, on constate un engouement croissant pour l’investissement en forêt, considéré comme un placement immobilier “sûr ”, plaisant et à la mode, enthousiasme relayé par les médias. Cet engouement concerne en partie les familles fortunées pour la défiscalisation du capital ou simplement, une forme de “retour à la terre” du patrimoine. Mais les institutions que sont les banques, sociétés d’assurances et fonds de placements divers prennent de plus en plus de place sur le marché des forêts. La France n’est pas un cas unique en la matière ; elle semble même suivre les exemples des pays de forêt industrielle, au Canada où par exemple, le groupe Weyerhausen possède l’équivalent de la forêt française.
On assiste ainsi à une concentration du pouvoir échappant aux politiques publiques et à l’expression citoyenne, menant à une forte spécialisation régionale (monocultures), favorisée par une attribution ciblée des aides et exonérations forestières. Ces grands propriétaires utilisent d’importants organismes de gestion, qui investissent dans les structures de transformation industrielles et concluent avec elles des contrats d’approvisionnement contraignants. Disposant alors du “marteau et du chéquier”, le gestionnaire forestier se retrouve dans une position ambiguë : comment en effet travailler pour l’avenir de la forêt, quand on a pour mission d’optimiser la compétitivité et les résultats financiers à court terme de grosses usines à bois ?
Onze millions d’hectares de forêt sont ainsi soumis en France au bon vouloir du propriétaire, dans un cadre légal très peu contraignant et contrôlé par un appareil administratif spartiate. La propriété étant morcelée depuis l’exode rural, de nombreux propriétaires se sont désinvestis et ignorent souvent tout de leur patrimoine, de sorte que l’État et les sociétés d’exploitation consacrent temps et argent considérables pour inciter ces propriétaires à mettre en marché les bois de leurs parcelles. En dépit des chiffres optimistes annoncés par les ténors de la filière, les blocages physiques et sociaux limitent la croissance des volumes de bois mobilisables. Les intentions politiques martelées d’augmenter les prélèvements montrent déjà les effets de cette réalité, où les forêts dites “faciles à exploiter” seront surexploitées, tandis que l’on cherchera tous les moyens techniques et politiques de rendre “faciles” celles qui à ce jour ne le sont pas.
Derrière la soit-disant gestion durable qui vernit nos forêts de labels bidon, se cache une gestion de biens communs qui échappe à la société civile et suit les règles du profit financier.
Dans le quotidien des forestiers de terrain, la machine et l’argent dominent aujourd’hui les discours. La tronçonneuse devient artisanale face à l’abatteuse, cette machine de 10 à 20 tonnes qui en une minute abat l’arbre, l’ébranche, le saucissonne et empile les billons obtenus. Elle gagne chaque année du terrain en s’adaptant à toutes les conditions (ou plutôt, en adaptant les critères de qualité à la réduction des coûts instantanés qu’elle permet de réaliser dans le cadre économique actuel).
Derrière l’abatteuse, le porteur (qui porte les bois courts) et le skidder (qui traîne les bois longs) rassemblent les bois puis le grumier les charge pour les amener, logiquement, à la scierie, la papeterie ou la fabrique de panneaux locales. Mais de plus en plus, les bois parcourent la planète entière et sont donc amenés aux ports ou bien, traversent les pays par l’autoroute. La Chine devient par exemple un acheteur majeur de bois en France ; le projet de centrale électrique à biomasse de Gardanne, qui consommerait près de Marseille 2800 tonnes de bois déchiqueté par jour pour un rendement de 35%, importerait ainsi près de la moitié de sa consommation du Canada, le reste provenant de France dans un rayon de 400 km.
La croissance de la taille des unités de “valorisation” du bois est une donnée essentielle de la filière, décrite par l’Observatoire des métiers de la scierie. Elle détermine de plus en plus la façon dont le forestier gère la forêt. En 2009 les syndicats de l’ONF (Office National des Forêts) dénonçaient les évolutions de cette EPIC (Etablissement Public à Caractère Industriel et Commercial) qui calque ses directives sur les demandes des industriels du bois : « La forêt publique s’apparente à une espèce d’hypermarché où chacun devrait pouvoir se fournir à volonté. L’ONF étant le gérant de cet hypermarché, son rôle devrait se limiter à disposer en permanence dans les rayons les produits demandés à l’instant T (…). Envisager qu’à l’inverse, ce soit l’industrie qui s’adapte à la forêt et à la sylviculture, semble inimaginable. » (Rapport CGT forêt, 2009).
Les forestiers sont incités à créer des forêts homogènes et artificielles
Les “produits” sortis de forêt doivent ainsi être de plus en plus homogènes (usinables), en se rapprochant tant que possible du standard des bois moyens résineux (arbres de diamètre 30-35cm à hauteur de poitrine). Les lots volumineux étant les plus appréciés, les forestiers sont incités à créer des forêts homogènes et artificielles, les plus productives possibles et régulièrement rasées pour être reboisées à l’identique.
Des “forêts” habitées d’une faune et d’une flore banales (seules résistantes à cette dynamique de coupe), peu attrayantes au plan visuel, fragiles face aux tempêtes, aux insectes et aux incendies. Des espaces soumis à un mode d’exploitation intensif qui finira par épuiser les sols à force de leur faire produire annuellement deux ou trois fois plus de mètres cube par hectare que n’en produirait la forêt naturelle locale et d’exporter les trois-quarts des éléments minéraux stockés dans l’arbre.
Heureusement, il y a des résistants et des créatifs partout : des forestiers Pro Silva attentifs aux dynamiques naturelles, des bûcherons observateurs et sensibles, des scieurs artisanaux amoureux des particularités du bois, des communes installant de petites chaufferies collectives respectant les ressources locales, des associations dénonçant les abus de la filière et mettant en place des alternatives. Le Réseau pour les Alternatives Forestières cherche à rendre visibles ces impulsions créatrices. Car si les forestiers de terrain sont de plus en plus nombreux à questionner ces évolutions, le débat remonte peu auprès des instances dirigeantes, obsédées qu’elles semblent être par les notions de compétitivité et de balance commerciale.
Le changement viendra certainement d’un réveil citoyen suscité par tous ceux que les arbres et la vie qui les habitent émerveillent. Professionnels de la forêt ou non !
Pour sauver la planète, il faut planter des arbres. L'idée est belle mais pas aussi simple. Des chercheurs préviennent que les campagnes de plantation d'un grand nombre d'arbres pourraient faire plus de mal que de bien. Pas organisées, elles n'auraient qu'un effet limité sur l'absorption du CO2 et constitueraient même un risque pour la biodiversité.
De l'Éthiopie à l'Irlande, depuis quelques mois, les campagnes de plantation d’arbres se multiplient. Avec un double objectif très louable : restaurer la biodiversité et limiter le réchauffement climatique en stockant le CO2 émis dans l'atmosphère par les activités humaines. Mais une nouvelle étude vient aujourd'hui pointer les failles de ce type d'opération.
Des chercheurs de l’université de Stanford (États-Unis) ont notamment examiné les résultats d'une politique de reforestation menée au Chili. Les effets sur le stockage du CO2 ont été très limités. Ils ont même été négatifs en ce qui concerne la biodiversité. En cause : des programmes mal conçus et des fonds mal employés.
Les chercheurs donnent aussi l'exemple du défi de Bonn, un effort mondial de reboisement. Plus de 100 gouvernements engagés pour la plantation de 350 millions d'hectares de forêt d'ici 2030. Les chercheurs notent que 80 % des engagements pris dans le cadre de ce défi portent sur la plantation d'arbres en monoculture ou d'un éventail limité, choisis parce que leur production est commercialement intéressante (arbres fruitiers, hévéa, etc.). Or ce type de plantation présente un potentiel de séquestration de carbone et de création d'habitats faible comparé à celui des forêts naturelles.
L'étude pointe également comment les subventions accordées par les États peuvent être habilement détournées de leur objectif. Au Chili, les propriétaires fonciers privés peuvent obtenir une aide pour planter des arbres depuis 1974 déjà. Avec plus de 40 ans de recul, les chercheurs observent que cet argent est parfois utilisé sur des terres déjà boisées pour remplacer des forêts indigènes par des plantations d'arbres plus rentables.
Les subventions accordées au Chili ont aussi réduit le couvert forestier indigène en encourageant la création de plantations sur des terres sur lesquelles des forêts auraient pu naturellement se régénérer. Une situation regrettable lorsque l'on sait que les forêts indigènes sont plus riches en biodiversité et plus denses en carbone.
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« Les États devraient s'appuyer sur cette expérience au long cours pour décider de leurs politiques de reforestation et éviter les impacts négatifs observés au Chili, conclut, dans un communiqué, Cristian Echeverria, chercheur à l'université de Concepcion (Chili) qui a participé à l'étude. Pour être efficaces, les subventions devraient avant tout promouvoir la restauration des écosystèmes naturels perdus. »
Le mont Faron est cette colline calcaire, de la forme d’une crête, qui surplombe Toulon (Var) et que l’on ne peut manquer d’apercevoir lorsqu’on aborde la ville par la mer. Culminant à 584 mètres d’altitude sur une longueur d’environ 3 kilomètres d’ouest en est, la colline présente une histoire singulière, notamment la période qui débute au XVIIe siècle, avec la construction d’un réseau de fortifications dont le but est d’assurer la protection d’une ville consacrée à la Marine royale.
Mais la protection qu’offre le mont Faron ne concerne pas seulement les affaires militaires de Toulon. Cette imposante colline a aussi l’avantage de protéger l’agglomération du vent du nord qui, comme on le sait bien, est redoutable en Provence.
Si l’on ne trouve sur les pentes du mont Faron que des petites espèces de plantes, telles que celles qui peuplent ordinairement la garrigue provençale, il faut bien penser qu’il n’en a pas toujours été de même.
Jusqu’au XVIe siècle, on trouvait en effet sur son sommet une abondante végétation, faite de pins d’Alep et de chênes verts. On croit notamment savoir que les poutres de la mairie de Toulon, construite en 1656, auraient été faites avec les mélèzes coupés sur les crêtes du Faron.
C’est en tout cas à cette époque, voire un siècle avant, que s’est enclenché un processus irréversible de désertification des pentes de la colline. Le principal responsable en est la chèvre, accompagné de son compère le mouton, dont le Faron a, durant des siècles, constitué un mets de choix. Les bergers menaient paître leurs troupeaux dans cette végétation abondante sans se douter qu’ils finissaient ainsi par condamner la colline. En quelques siècles, la chèvre avait dévoré jusqu’à la racine les dernières graminées.
Cette situation a également provoqué des troubles géologiques puisque, les terres n’étant plus solidement fixées, elles ont commencé à être ravinées par le torrent du Las vers la rade, allant parfois jusqu’à obstruer celle-ci.
Des documents d’archives montrent bien d’ailleurs qu’il y a 450 ans, le sommet du Faron (que l’on appelait alors « montagne »), n’était plus boisé. Si l’on observe attentivement le tableau intitulé Route de Toulon, on remarquera que son auteur, le peintre Joseph Vernet, représente un mont Faron complètement nu, avec, dans sa partie haute, de longues files de murailles en partie effondrées et des sillons abandonnés où le genêt, le genévrier et le kermès végètent péniblement autour de quelques maigres chênes verts et de quelques pins d’Alep rabougris, très semblable au final à ce que l’on observe aujourd’hui encore. (NDLR : le tableau représenté ci-dessus n'est pas celui mentionné dans l'article)
Les Toulonnais ont bien tenté de reverdir les pentes du mont Faron et notamment son sommet, notamment vers le milieu du XIXe siècle, mais les vignes et les oliviers médiévaux ne sont malheureusement plus parvenus à s’implanter de façon pérenne.