Le 27 août, Emmanuel Macron a signifié à la fédération nationale qu’il annulait les quotas des captures à la glu. Les chasseurs de Paca se sont réunis à Vinon pour envisager recours et actions.
Déclarée « illégale », parce que « non-sélective », dans la directive « oiseaux » adoptée par le Parlement européen en 2009, la chasse à la glu a bénéficié, ces dernières années, d’une dérogation en faveur des zones de pratique « traditionnelle ». En France, cela concerne principalement cinq départements du Sud-Est: Alpes-de-Haute-Provence (04), Alpes-Maritimes (06), Bouches-du-Rhône (13), Var (83) et Vaucluse (84).
Ce traitement de faveur pourrait ne jamais être reconduit : le 27 août, Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs (FNC), a été reçu à l’Élysée par Emmanuel Macron, qui lui a signifié que les quotas de capture à la glu seront réduits à « zéro », au moins pour pour la saison prochaine, contre 42.000 en 2019.
Vendredi, Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, qui a assisté à la rencontre, a déclaré : « Cela fait longtemps qu’on devait le faire. C’est une mise en conformité avec le droit européen et une bonne nouvelle pour la biodiversité. » Dès son arrivée au ministère, en juillet, elle avait prévenu le président de la FNC de l’imminence de la décision.
Samedi, le temps était venu, pour les chasseurs, de décider des suites à donner, à l’occasion de l’assemblée générale de l’ANDCTG (Association nationale de défense des chasses traditionnelles à la grive), organisée à Vinon-sur-Verdon.
Ils ont notamment annoncé qu’ils engageraient des actions en justice, lanceraient une pétition nationale et manifesteraient, le 12 septembre, à Prades (Pyrénées-Orientales), ville dont le Premier ministre Jean Castex est maire. Ils appellent par ailleurs les élus ruraux à les soutenir et prévoient une « action d’envergure » à l’occasion du congrès de l’UICN ( Union internationale pour la conservation de la nature), prévu du 7 au 15 janvier 2021, au parc Chanot de Marseille.
Il aurait fallu repousser les murs de la salle des fêtes de Vinon, ce samedi, pour accueillir tous les chasseurs venus exprimer leur mécontentement.
Les commentaires allaient bon train entre ces passionnés, exaspérés de l’annonce présidentielle, et qui craignent pour l’avenir de la chasse en général.
Éric Camoin, président de l’Association nationale de défense des chasses traditionnelles à la grive (ANDCTG), se disait « très en colère », tandis qu’Alain Péréa, député de l’Aude (11) et président du groupe « Chasse » à l’Assemblée nationale, recommandait de « ne pas jouer l’agressivité », et ainsi montrer que les chasseurs sont respectueux.
Plus de deux cents chasseurs ont répondu à l’appel, samedi, à Vinon.
"Castex et Macron nous ont menti", selon le patron des chasseurs du Var
Marc Meissel, président de la fédération des chasseurs du Var, est amer. « Nous sommes les cocus de l’affaire », lance-t-il, avant de rappeler que l’annulation des quotas intervient subitement et « sans discussion » après un premier round de négociations entre les chasseurs et l’État, cet été.
En effet, le 7 août dernier, la fédération nationale de chasse avait été reçue à Matignon. Elle avait alors dit son inquiétude face à la nomination de l’écologiste EELV Barbara Pompili, « opposante notoire de la chasse », au ministère de la Transition écologique, et des déclarations, début aôut, du secrétaire national d’EELV Julien Bayou, qui accusait le gouvernement Castex de ne pas oser s’opposer à la chasse à la glu.
« On avait prévu de manifester dès le lendemain, devant le fort de Brégançon (Bormes-les-Mimosas, Var), où Emmanuel Macron était en vacances. » Mais assurés du soutien commun du Premier ministre et du Président, « qui ont promis au président de la fédération nationale de défendre la ruralité et les chasses traditionnelles », les chasseurs avaient annulé leur coup d’éclat.
Moins de trois semaines après, Marc Meissel le dit sans détour : « On leur a fait confiance et ils nous ont menti. On a marché sur une planche pourrie ! »
Selon le président des chasseurs varois, la décision française de ne pas déroger, cette année, à la directive européenne, signe en réalité l’arrêt de mort de la chasse à la glu. « La Cour de justice européenne, saisie par le Conseil d’État français en novembre 2019, doit statuer prochainement sur la légalité des dérogations, contestée par la Commission européenne. L’interruption de la pratique laisse peu de place au doute : elle ne reviendra jamais. »
Au-delà de la chasse à la glu, c’est, selon Marc Meissel, « toutes les chasses qui vont, peu à peu, être attaquées, jusqu’à ce que la chasse elle-même soit contestée… »
Sur les 15 700 chasseurs licenciés dans le Var, seuls 2 000 pratiquent la glu (7 000 en tout en France) : « Peu transmise, cette pratique se serait arrêtée d’elle-même dans quelques années… Là, il est probable que la fédération départementale aura du mal à poursuivre ses activités si deux mille de ses licences disparaissent. »
Pratiquée dès l’Antiquité (on en retrouve trace au IVe siècle avant notre ère) et dans le monde entier (Europe méditerranéenne, Moyen Orient et Afrique du Sud notamment).
2009 : une directive européenne l’interdit implicitement. La France obtient le droit de déroger.
2018 : Malte est condamnée pour avoir laissé libre cours à cette pratique.
Avril 2019 : la LPO porte plainte auprès de la Commission européenne.
Novembre 2019 : le Conseil d’État saisit la Cour européenne pour clarifier la directive.
Juillet 2020 : la Commission européenne donne 3 mois à la France pour « mettre fin aux chasses illégales ».
7 août 2020 : le Premier ministre assure les chasseurs de son soutien.
26 août 2020 : le Président Macron n’autorise pas de dérogation pour la saison 2020-2021, dans l’attente de la réponse de la Cour européenne.
29 août 2020 : les fédérations de chasseurs des départements pratiquant la glu décident d’engager des actions en justice et annoncent des manifestations.
La chasse à la glu consiste à capturer des oiseaux à l’aide de tiges en bois enduites de colle pour qu’ils servent ensuite d’appâts. Une pratique “barbare” pour les défenseurs de la condition animale que Barbara Pompili s’était engagée à interdire le 17 juillet dernier, devant des associations de chasseurs.
L’hypothèse de la prorogation de cette pratique avait provoqué une levée de boucliers ces dernières semaines, y compris au sein de la majorité. Le député LREM de Paris Hugues Renson, ou encore Loïc Dombreval, président LREM du groupe d’étude parlementaire “Condition Animale”, étaient montés au créneau pour soutenir la ministre de la Transition écologique, déjà désavouée sur les néonicotinoïdes.
Ces méthodes non sélectives de chasse, interdites par une directive de 2009 sur la protection des oiseaux sauf dérogations, sont dénoncées depuis longtemps par les associations de protection des oiseaux et les écologistes. La France est le dernier pays d’Europe à l’autoriser dans cinq départements du sud-est (Alpes-de-Haute-Provence, Alpes-Maritimes, Bouches-du-Rhône, Var et Vaucluse).
À noter que les chasseurs ne repartent pas complètement bredouilles de l’Élysée. “Les quotas des autres chasses traditionnelles sont maintenus à leur niveau de l’an dernier”, indique encore la présidence.
Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, a exprimé sa volonté d'interdire la chasse à la glu. "Un piégeage cruel et non-sélectif avec de la colle" selon Yves Verilhac, directeur de la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) au micro de France Info.
"La France ne peut pas se permettre d'être le vilain petit canard qui laisse torturer les oiseaux", rajoutait-il. En effet, si Barbara Pompili veut mettre fin à la chasse à la glu c'est également pour rattraper les pays qui l'ont déjà fait. La France reste aujourd'hui l'un des tous derniers pays européens à autoriser cette pratique.
La chasse à la glu pose en effet problème. Elle consiste tout simplement à appliquer de la colle contre des branches d'arbres, où les oiseaux se posent. Ces derniers se voient ainsi piégés, incapables de s'échapper malgré tous leurs efforts.
Cette technique de chasse n'est pas sélective, ce qui signifie que les chasseurs ne choisissent donc pas quelle sera la cible de leur piège. Ils peuvent ainsi facilement porter atteinte à la biodiversité et tuer des espèces d'oiseaux protégées.