Alberte Blanc raconte :
Mon père, s’approchant de la fenêtre, eut la surprise de voir des militaires assis par terre devant chez nous. Il ne reconnut ni leur uniforme, ni leur langage : ce n’était pas de l’allemand, ni de l’anglais, encore moins du français, bien sûr, puisque nous étions libérés par un régiment de tirailleurs algériens...
in : Le journal de Madeleine Couret, en libre accès sur nos sites
Lors des commémorations de ce 20 août 2022, Enzo Maurel nous a dit un poème qu'il a écrit en mémoire de ces libérateurs venus des territoires français de l'Algérie.
Moi qui suis français d'ascendance algérienne par ma mère, j'ai essayé sans prétention de me mettre à la place des jeunes hommes qui sont venus d'Algérie pour participer à la libération de la France.
De l’autre côté de la Méditerranée,
Du haut de mon rocher d’Alger, vue sur mer,
À son pied on ne cesse de l’imaginer,
Soupçon de corruption entre mer et terre,
Esprit s’échauffant à travers les cheminées,
Cette belle je l’aime avec un goût amer,
Cette belle m’est inconnue mais que je l’aime,
Est-elle une réalité ou un mirage ?
Munch s’écria : voici la peste de l’homme.
Des bateaux quittent le rivage vers le large,
Cette belle portait une robe avec un chrysanthème,
Belle à l’âme tuée par des sauvages
Crise existentielle à son paroxysme,
De l’autre côté de la Méditerranée,
Résonne une mélodie dysharmonique,
Un lieu où chaque être semble être condamné,
À tort ou à raison d’appartenance ethnique,
Des Lumières en veille face à l’obscurantisme,
Les bateaux alertent le port de leurs départs,
Terre de ma mère disparue sous le brouillard,
Envolée de destins humains vers l’inconnu,
Un périple sans sirènes, visages nus,
Nu d’assurance, nu de courage, vierge...
Des jeunes hommes malchanceux dans la fleur de l’âge !
Des générations sacrifiées pour les nations,
Combattants exaltés par leur fascination,
D’un cri rageur que l’on entend jusqu’à Paris,
Afin que la France retrouve sa patrie,
Des hommes débarquent sur les champs des cigales,
Au son de batterie sur les champs de bataille ,
Bercés par l’atmosphère étouffante du Var,
Où l’existence semble tenir au hasard,
Des armées orchestrées par l’instinct de survie,
Où serait donc passé ce goût de la vie ?
S’est-il envolé au-dessus des étoiles ?
Alors fabrique-moi un avion avec des ailes,
Pour atteindre le sens réel de l’existence,
Perdre l’innocence, prendre la souffrance,
Ce 15 août, j’exprime la douleur de l’horreur,
La mer pleure du sang, pas une goutte de bonheur,
Plus de plage rouge ! Plus de plage rouge !
Ce ne sont que d’anciens enfants qui nagent,
De nombreux hommes donnant leurs corps à la mort,
Nous survivrons jusqu’à libérer les Maures,
Nous survivrons jusqu’à libérer le Revest
Nous survivrons jusqu’à libérer tous les êtres !
Texte © Enzo Maurel - Tous droits réservés
Enzo Maurel au Revest le 20 août 2022 - Photo CS
Publié le 06 juillet 2022 à 09h30 Par Mathieu Dalaine
Un habitant a posté depuis trois ans un piège photographique au Grand Cap, sommet qui surplombe le village. Les apparitions du prédateur "face caméra" y sont fréquentes.
Sur l’un des films, on le voit passer furtivement de son pas souple caractéristique. Sur un autre, pris en début de nuit, il se désaltère en toute tranquillité. Une troisième vidéo, elle aussi en noir et blanc, montre un individu adulte et un juvénile quelques pas plus loin. Le doute n’est guère permis : il s’agit du loup, ce prédateur qui peuple nos territoires depuis plusieurs années maintenant.
Tous ces documents proviennent du même endroit : le Grand Cap. Ceux qui connaissent le lieu, perché à 782mètres d’altitude au-dessus du village du Revest, l’apprécient pour sa quiétude, son panorama à 360° sur la côte ou les contreforts des Alpes. Sans oublier la petite pyramide de Cassini qui trône à son sommet, du nom de ce géographe passé par là au XVIIIe siècle pour y effectuer des relevés nécessaires à l’élaboration d’une carte de France.
C’est ici, depuis trois ans maintenant, qu’un Revestois qui tient à préserver son anonymat vient y poser ses pièges photographiques à vision nocturne. En installant une petite caméra à côté d’un point d’eau ou sur un lieu de passage d’animaux, il s’est vite rendu compte qu’un visiteur pas comme les autres y avait ses habitudes.
"J’ai filmé des cerfs, des daims, des chevreuils, des sangliers ou des renards, explique-t-il. Et puis des loups à plusieurs reprises. On se doutait qu’il était dans le coin; maintenant, on en est sûr." Cet amoureux de la biodiversité a fait authentifier ses vidéos par Philippe Orsini, ancien conservateur du muséum d’histoire naturelle de Toulon. Ce dernier est formel: il s’agit bien du canis lupus, le fameux loup gris.
La première trace ADN (une crotte) de la "bête" sur le territoire du Revest remonterait à 15 ans déjà. Mais les fantasmes qui entourent la bête sont toujours vivaces.
Il va falloir apprendre à vivre avec lui, car il ne partira pas" martèle notre Revestois. "Et il faut arrêter d’avoir peur, car il n’est absolument pas dangereux pour l’homme. Il y a un travail de pédagogie à faire, et ces films y participent.
Et notre interlocuteur de rappeler que lorsque la présence d’un couple d’aigles de Bonelli avait été attestée pour la première fois sur les falaises du Mont Caume, dans les années 80, "on entendait de tout. Les pires rumeurs avaient circulé au sujet de l’animal. Aujourd’hui, celui-ci fait la fierté du village."
D’après le dernier recensement de l’espèce communiqué par la préfecture du Var, fin 2021, vingt-et-une zones de présence permanente du loup ont été relevées dans le département, dont vingt constituées en meutes. La grande majorité de ces zones sont localisées dans le Haut-Var ; quatre concernent aussi le massif de la Sainte-Baume et de Siou-Blanc.
"La pression de la prédation diminue légèrement" avaient expliqué les services de l’État l’an dernier. Au total, en 2021, 336 attaques de loups avaient été recensées causant 1 204 victimes dans les troupeaux de moutons ou de chèvres. Pour y répondre, des tirs de prélèvement sont autorisés : neuf loups avaient ainsi été "détruits" dans le Var l’an dernier.
Le loup gris, disparu en France dans les années 30, est revenu dans l’Hexagone en 1992. Du parc du Mercantour, sa présence s’est développée sur tout le territoire. On estime aujourd’hui sa population à près d’un millier d’individus.
Du haut de ces 35 mètres, 110 ans nous contemplent. Érigé en 1912, le barrage du Revest ne fait pourtant pas son âge. Et pour cause: depuis 18 mois, un gigantesque chantier a été lancé par la Métropole TPM, son propriétaire, pour redonner à l’ouvrage une seconde jeunesse. Non que la retenue menaçait ruine – la maçonnerie d’origine est en bon état – mais l’Etat avait jugé prudent des travaux d’agrandissement de l’évacuateur de crues, de remise en service de la centrale hydroélectrique ou de confortement de la structure.
C’est l’entreprise NGE qui s’est chargée du génie civil, coulant pour l’occasion près de 7.000m3 de béton. Coût total de cette opération lifting: neuf millions d’euros. En octobre, la dernière pierre sera apportée à l’édifice; lequel sera prêt à affronter sans trembler les 110 prochaines années. Il fallait ça, sans doute: rappelons que plus d’un tiers de l’eau potable consommée par les Toulonnais est produite grâce au barrage.
1 Pour le chantier, la retenue de Dardennes et son million de m3 d’eau (à plein) ont été vidangés entièrement il y a un an. Une opération de pêche de sauvetage avait même été conduite pour transférer les poissons attrapés vers le lac de Carcès. Cela permet de découvrir un paysage fait de restanques, reliques d’un passé agricole florissant avant la construction du barrage. Début mai, les vannes ont toutefois été fermées et le réservoir, alimenté par un réseau karstique dépendant des pluies, est progressivement remis en eau.
2 "La première phase du chantier a consisté à élargir l’évacuateur de crues", note Vincent Skarbek, directeur des travaux pour NGE. Prévu pour un débit de 110m3 d’eau par seconde, ce grand caniveau de béton, qui accueille le trop-plein quand le lac déborde, est désormais capable d’encaisser une crue milénale et un débit deux fois supérieur. Objectif: mieux évacuer l’eau dans le Las et faire baisser la pression sur le barrage.
3 Elle ne fonctionnait plus depuis des années. Au pied du barrage, la micro centrale hydro-électrique a été modernisée et relancée, nouvelle turbine à l’appui. "L’idée est de produire de l’électricité pour alimenter l’usine de potabilisation de l’eau et de redistribuer le surplus d’énergie dans le réseau", résume Vincent Skarbek.
4 Dernière étape: "On va conforter le barrage avec un remblai fait de terre et de blocs de pierre, qui n’existait pas jusqu’alors", poursuit Vincent Skarbek.70% de ces matériaux proviennent du chantier. Haut de 17mètres, cette carapace va permettre d’accroître sensiblement la résistance de l’ouvrage de 154mètres de long.
5 Route fermée depuis deux ans au pied du barrage, jusqu’à 50 techniciens sur place, apport d’une raboteuse minière de 50 tonnes venue d’Italie pour grignoter la roche, contraintes techniques rares…: "Ce chantier a été en tous points exceptionnels", conclut Vincent Skarbek.
par Nathalie Brun
Textes et photos : Nathalie Brun