Publié le 06 juillet 2022 à 09h30 Par Mathieu Dalaine
Un habitant a posté depuis trois ans un piège photographique au Grand Cap, sommet qui surplombe le village. Les apparitions du prédateur "face caméra" y sont fréquentes.
Sur l’un des films, on le voit passer furtivement de son pas souple caractéristique. Sur un autre, pris en début de nuit, il se désaltère en toute tranquillité. Une troisième vidéo, elle aussi en noir et blanc, montre un individu adulte et un juvénile quelques pas plus loin. Le doute n’est guère permis : il s’agit du loup, ce prédateur qui peuple nos territoires depuis plusieurs années maintenant.
Tous ces documents proviennent du même endroit : le Grand Cap. Ceux qui connaissent le lieu, perché à 782mètres d’altitude au-dessus du village du Revest, l’apprécient pour sa quiétude, son panorama à 360° sur la côte ou les contreforts des Alpes. Sans oublier la petite pyramide de Cassini qui trône à son sommet, du nom de ce géographe passé par là au XVIIIe siècle pour y effectuer des relevés nécessaires à l’élaboration d’une carte de France.
C’est ici, depuis trois ans maintenant, qu’un Revestois qui tient à préserver son anonymat vient y poser ses pièges photographiques à vision nocturne. En installant une petite caméra à côté d’un point d’eau ou sur un lieu de passage d’animaux, il s’est vite rendu compte qu’un visiteur pas comme les autres y avait ses habitudes.
"J’ai filmé des cerfs, des daims, des chevreuils, des sangliers ou des renards, explique-t-il. Et puis des loups à plusieurs reprises. On se doutait qu’il était dans le coin; maintenant, on en est sûr." Cet amoureux de la biodiversité a fait authentifier ses vidéos par Philippe Orsini, ancien conservateur du muséum d’histoire naturelle de Toulon. Ce dernier est formel: il s’agit bien du canis lupus, le fameux loup gris.
La première trace ADN (une crotte) de la "bête" sur le territoire du Revest remonterait à 15 ans déjà. Mais les fantasmes qui entourent la bête sont toujours vivaces.
Il va falloir apprendre à vivre avec lui, car il ne partira pas" martèle notre Revestois. "Et il faut arrêter d’avoir peur, car il n’est absolument pas dangereux pour l’homme. Il y a un travail de pédagogie à faire, et ces films y participent.
Et notre interlocuteur de rappeler que lorsque la présence d’un couple d’aigles de Bonelli avait été attestée pour la première fois sur les falaises du Mont Caume, dans les années 80, "on entendait de tout. Les pires rumeurs avaient circulé au sujet de l’animal. Aujourd’hui, celui-ci fait la fierté du village."
D’après le dernier recensement de l’espèce communiqué par la préfecture du Var, fin 2021, vingt-et-une zones de présence permanente du loup ont été relevées dans le département, dont vingt constituées en meutes. La grande majorité de ces zones sont localisées dans le Haut-Var ; quatre concernent aussi le massif de la Sainte-Baume et de Siou-Blanc.
"La pression de la prédation diminue légèrement" avaient expliqué les services de l’État l’an dernier. Au total, en 2021, 336 attaques de loups avaient été recensées causant 1 204 victimes dans les troupeaux de moutons ou de chèvres. Pour y répondre, des tirs de prélèvement sont autorisés : neuf loups avaient ainsi été "détruits" dans le Var l’an dernier.
Le loup gris, disparu en France dans les années 30, est revenu dans l’Hexagone en 1992. Du parc du Mercantour, sa présence s’est développée sur tout le territoire. On estime aujourd’hui sa population à près d’un millier d’individus.