En utilisant une technique de scanner en trois dimensions, des chercheurs britanniques estiment que les forêts du Royaume-Uni stockeraient plus de carbone que ce que l’on pensait.
Dans Richmond Park, à Londres, en Angleterre, le 1er décembre 2022. PHOTO TOBY MELVILLE-REUTERS
Une étude parue dans Ecological Solutions and Evidence révèle que le poids des arbres au Royaume-Uni aurait été sous-estimé, et, par la même occasion, leur contribution en matière de stockage de carbone.
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Les chercheurs ont scanné près de 1 000 arbres dans la forêt de Wytham (Oxfordshire) pour obtenir une image en trois dimensions de chacun d’eux. “Cela a donné une mesure du volume de chaque arbre, ce qui a permis aux scientifiques de calculer la quantité de carbone capturé dans les troncs et les branches”, précise la BBC. “Lorsque vous connaissez la densité du bois, vous pouvez convertir le volume en masse, explique Mathias Disney, professeur à l’University College de Londres. La moitié de cette masse se trouve être du carbone, l’autre moitié de l’eau.”
“Les résultats montrent qu’un lopin de forêt britannique pèse deux fois plus que ce que les précédents calculs suggéraient”, peut-on lire sur le site de la BBC.
Selon Mathias Disney, cette découverte indique que, pour chaque km2 perdu de forêt, “nous avons potentiellement perdu deux fois plus de capacité de stockage de carbone que ce que l’on pensait”. De plus, l’étude se penche aussi sur le cas des arbres adultes : l’importance de leur rôle semble difficile à compenser en plantant simplement de nouveaux arbres. “La valeur des vieux arbres est quasiment incalculable, par conséquent, on devrait éviter de les perdre à tout prix, peu importe le nombre d’arbres qu’on souhaite planter. Ces grands arbres sont terriblement importants”, avertit Mathias Disney.
Des repousses fragilisées à cause de la sécheresse, un avenir menacé par la fréquence des feux. Dans les Maures, un premier bilan environnemental se dessine. Sur le plan humain, l’incendie d’août 2021 reste un traumatisme encore à vif.
Publié le 15 août 2022 à 09h20 Par Sonia Bonnin
Comment faire le bilan d’un incendie monstre, qualifié de "méga feu", classé parmi les cinq feux les plus graves que le Var a connus depuis une trentaine d’années ?
Ce jeune pin maritime de quelques centimètres réussit encore à puiser dans les réserves de sa graine
Il y a un an, le 16 août 2021, un incendie naissait sur l’aire de l’autoroute A57 Les Sigues, sur la commune de Gonfaron, par une journée sèche, chaude et venteuse. Le feu prenait tout de suite une ampleur folle, en direction de l’est et du sud.
Malgré l’intervention massive des pompiers au sol et de la flotte aérienne de sécurité civile, le combat acharné n’avait pu empêcher que le feu "saute les Maures".
Dévastant 7.000 hectares de végétation et de vie sauvage, les flammes avaient trouvé le tristement célèbre couloir de feu, jusqu’en lisière des communes balnéaires de Grimaud ou Cogolin.
Deux personnes avaient trouvé la mort, un habitant de Grimaud et une vacancière, leurs corps découverts dans une bergerie réaménagée que les flammes n’ont pas épargnée. Depuis la fin du terrible été 2003, il n’y avait plus eu de mort dans un feu de forêt dans le Var. Et de nouveau, le massif des Maures fut le lieu du drame.
Le bilan du feu de Gonfaron 2021 est catastrophique, sur le plan humain, écologique, paysager, économique. Des maisons ont brûlé, des centres équestres n’ont sauvé leurs chevaux qu’en les déplaçant dans une urgence folle. Des campings vidés à la hâte ont été carbonisés, des hameaux encerclés par le feu, d’autres en partie ravagés. C’est peu dire que le traumatisme est encore vif.
Sur le terrain, les mesures d’urgence déjà engagées fin 2021 vont se poursuivre. Elles consistent dans la création de "fascines", pour retenir les sols sur les versants incendiés.
Réaliser des fascines, cela veut dire couper des troncs de bois mort, pour les placer en travers de la pente. Il s’agit de protéger les sols de l’érosion, mais aussi d’éviter l’instabilité du terrain en cas de fortes pluies.
Reste aussi l’importance des messages de sensibilisation auprès du grand public, vu que 90 % des feux sont d’origine humaine. Que ce soit une cause accidentelle ou volontaire. Le feu de Gonfaron ne fait pas exception. L’hypothèse est celle d’un mégot de cigarette, jeté depuis l’aire d’autoroute - l’enquête est toujours en cours. Imprudence ou malveillance, même résultat.
C’est une image rassurante. Mais trompeuse. Au premier coup d’œil, en plein mois d’août 2022, la forêt des Maures montre une vigueur étonnante. Des touffes d’un vert acidulé jaillissent au pied de souches calcinées. Au bout de branches noires, des feuilles se dressent courageusement sous un soleil de plomb.
Un an après le passage des flammes, la nature semble tenir bon. Sur les replats, les herbes sont hautes et jaunes - normal, c’est l’été. Sur les versants, les taches sombres alternent avec une impression de verdure. Le paysage est blessé, pas anéanti.
Sur les pas de Bruno Teissier-du-Cros, apparaît la mesure du paradoxe. "Ici, les graminées ont profité de l’ouverture du milieu", comprenez de la place libre, et "ont poussé rapidement, au printemps". Mais dans la pente, "il ne reste plus rien, le sol est lessivé", constate ce spécialiste de la défense des forêts contre l’incendie, à l’Office national des forêts (ONF).
Quelques plantes éparses s’accrochent aux replis de terre enfouis entre les roches qui scintillent et surchauffent au soleil. "Avec des incendies récurrents, la forêt s’appauvrit, les sols s’érodent."
Les pluies pourtant bénéfiques ont emporté une part du substrat nécessaire à la pousse de surface. Et avec, une part des graines accumulées ont dévalé la pente.
En profondeur, d’autres enjeux sont en mouvement. Plus lents, plus secrets. "Voyez ce chêne-liège, désigne Bruno Teissier-du-Cros. Il a très peu de chances de s’en sortir, il est en dessous de la taille critique. Pourtant, il essaie. Mais ses feuilles sont rabougries."
Même si le liège l’a protégé - son écorce a entièrement brûlé - l’arbre devrait mourir dans les prochaines années.
Plusieurs espèces ont pourtant la capacité de puiser en profondeur, "dans leurs réserves", pour lancer de jeunes tiges: chênes, arbousiers, bruyères, cistes… Mais "le vert est un faux ami", prévient le spécialiste, car il y a des conditions sine qua non à une régénération réelle.
La première condition est le temps écoulé entre deux incendies. "Dans certains vallons, il n’y a déjà plus de pins. On peut avoir l’impression générale que la forêt reprend ses droits, mais elle a besoin de 40 à 50 ans pour se maintenir." Ce qui est "un temps court à l’échelle d’une forêt".
Ici, sur les hauteurs de La Garde-Freinet, cela tombe sous le sens. Ce "couloir de feu" avait déjà brûlé en 2003. "En l’espace de 60 ans, quatre feux sont passés dans cette zone. C’est trop, beaucoup trop." À ce rythme, un dépérissement s’engage.
Et là apparaît une deuxième condition essentielle : le climat. "Le souci, cette année, réside dans la sécheresse de l’hiver." Amplifiée par les températures caniculaires de l’été, la (trop) longue période sèche est "un deuxième coup de massue pour la végétation".
Plus qu’à la météo quotidienne, Bruno Teissier-du-Cros est sensible à "la vitesse du changement climatique". Sa conclusion est qu’il faut "fondamentalement protéger la forêt du feu, pour lui permettre de réussir à encaisser le changement climatique". Elle ne pourra pas faire les deux en même temps.
Incendies et réchauffement, les deux phénomènes combinés enclenchent un mécanisme délétère. "Quand elle se développe, la forêt passe son temps à stocker du carbone." Cette aptitude est affaiblie soit parce que la forêt brûle, soit parce qu’elle pousse moins.
En France, elles se font rares. Elles sont pourtant inestimables pour la biodiversité. Deux experts forestiers nous emmènent dans une vieille forêt dans les Pyrénées, antiques cartes de l’état-major en main.
Lannemezan (Hautes-Pyrénées), reportage
Le sentier a disparu et les rayons du soleil peinent à percer l’épaisse canopée. Il faut progresser à tâtons sous un manteau de verdure, et s’enfoncer encore plus profondément dans les bois. La terre est meuble, le sol parsemé de troncs moussus, tombés au fil des tempêtes. Dans les rares puits de lumière, des ronces gagnent le terrain. Au loin, une grive musicienne répète ses trilles flûtés, cachée dans les branches d’un grand hêtre, couvert de lierre. Ici, le vivant semble se déployer en toute liberté, de manière spontanée, avec toute sa puissance et sa vitalité.
Dans les Hautes-Pyrénées, cette vieille forêt est une rescapée. En France, elles sont devenues très rares. Comme les reliques d’un ancien temps. Les vieilles forêts subsistent dans des confettis de territoire, des fonds de vallons au relief accidenté, des pentes abruptes accrochées au vide, des zones peu accessibles, oubliés de l’exploitation humaine. Laissées en libre évolution depuis des siècles, elles regorgent de vie avec des cortèges d’espèces qui n’existent nulle part ailleurs. Elles ont retrouvé des fonctionnements et des aspects comparables à la forêt primaire. Ce sont, en France, ses dernières représentantes, ses ultimes héritières. Elles sont là, tout près de nous.
Cela fait plus de sept ans que Sophie Maillé cartographie les vieilles forêts en Occitanie. © Alain Pitton - Reporterre
Au cœur du massif, Sophie Maillé se fraye un passage en suivant une sente de bêtes. Munie d’une grande équerre pour mesurer la taille des troncs et d’un GPS, la chargée de mission à l’Observatoire des forêts des Pyrénées centrales progresse d’un pas sûr. Elle a désormais ses habitudes. Cela fait plus de sept ans qu’elle cartographie les vieilles forêts en Occitanie. Un travail de longue haleine comme une chasse au trésor. C’est aussi une course contre la montre. Car il y a urgence. La plupart des parcelles qu’elle a découvertes sont en sursis et pourraient tomber sous le giron de l’industrie forestière et être rasées.
« Tu entres dans un territoire où tu n’as pas toutes les clés »
« On a recensé, au total, 12 000 hectares de vieilles forêts. Cela représente 4 % des forêts de montagne en Occitanie et moins de 0,5 % des forêts de plaine, calcule Sophie Maillé. Ces forêts forment un chapelet d’îlots souvent morcelés et manquent de continuité. Leur taille varie d’un à cinquante hectares. Ce ne sont plus que des lambeaux de forêt naturelle mais ces parcelles n’en restent pas moins admirables », décrit la jeune femme qui a habité pendant de longues années en Amazonie. Arpenter les vieilles forêts dans les vallées oubliées des Pyrénées réveille chez elle des sensations vécues dans les jungles tropicales. « C’est une beauté similaire, la même luxuriance, le même appel des sens avec l’odeur de l’humus et ce sentiment de vertige qui nous saisit face aux grands arbres. »
« Pour qu’une parcelle soit répertoriée comme une vieille forêt, il faut, par hectare, au moins dix arbres de plus de 70 centimètres de diamètre et dix arbres morts de 40 centimètres. » © Alain Pitton - Reporterre
Son acolyte, Nathanaël Roussel, acquiesce. « Quand tu arrives dans une vieille forêt, tu entres dans un territoire où tu n’as pas toutes les clés. Tu y es invité. Ça incite au silence et à la contemplation comme quand tu pousses la porte d’une église », raconte le gestionnaire forestier qui travaille aussi avec l’Observatoire des forêts des Pyrénées.
Pour retrouver ces espaces, Sophie et ses collègues ont déniché d’antiques cartes d’état-major, datant du début du XIXe siècle. Ils y repèrent les boisements ayant survécu au cours de cette période, alors que la France avait atteint le point d’orgue de sa déforestation. En 1820, la surface forestière ne couvrait que 6 % du territoire contre 17 % maintenant. Ils vérifient ensuite que ces zones boisées existent toujours grâce à des photos satellites. « On cherche sur les images des paysages aux allures de brocolis géants, explique Nathanaël Roussel. C’est typique des houppiers de grande envergure, la preuve qu’il y a de grands arbres. »
Sophie et ses collègues s’appuient sur d’antiques cartes d’état-major, datant du début du XIXe siècle. © Alain Pitton - Reporterre
Seule une visite sur le terrain confirme, enfin, la découverte. Il faut gravir les dénivelés et s’accrocher aux feuillages, suivre les ravines humides, se perdre dans la montagne. Arrivés sur place, les passionnés se lancent dans un long inventaire : ils mesurent la taille des arbres à l’aide d’une équerre et comptent le nombre de bois mort. « Pour qu’une parcelle soit répertoriée comme une vieille forêt, il faut, par hectare, au moins dix arbres de plus de 70 centimètres de diamètre et dix arbres morts de 40 centimètres. » Ici, à proximité de Lannemezan, c’est quasiment le double.
Au-delà de ces critères quantitatifs, une série d’indices s’offrent à qui sait les déceler. Des plantes comme la pulmonaire ou le fragon indiquent la continuité de l’état boisé. Des essences dites de dryade comme le chêne ou le hêtre sont le signe d’« une forêt mature » composée de vieux arbres, parfois, multicentenaires. Des cas extrêmement rares en France. Selon l’IGN, 80 % des arbres dans le pays ont moins d’un siècle.
« Ces espaces sont très importants pour le vivant, confirme Nathanaël Roussel. La vieille forêt, avec toute sa biodiversité, c’est la trousse à pharmacie de la forêt. » En abritant de multiples espèces de champignons, de coléoptères et d’oiseaux, les vieilles forêts régulent l’invasion des pathogènes et résistent mieux aux catastrophes naturelles et au changement climatique. Elles abritent des auxiliaires de culture pour le reste de la forêt et améliorent sa résilience.
Les vieilles forêts, ultime refuge de coléoptères de moins en moins nombreux. © Alain Pitton - Reporterre
C’est une fontaine de vie qui irrigue tous les alentours. Les pics mangent les larves des scolytes envahisseurs, les mésanges bleues celles des chenilles processionnaires, l’humus créé dans les vieilles forêts descend progressivement dans les vallées et les rivières, au gré des orages, et nourrit les terres agricoles. « Le ruissellement de la biodiversité fonctionne bien mieux que celui du capitalisme, s’amuse Nathanaël Roussel. Il vivifie toute la vie sauvage du territoire. »
« La vieille forêt, c’est la trousse à pharmacie de la forêt »
Au cœur de cet écosystème riche et diversifié, le bois mort joue un rôle décisif. « Le bois mort, c’est la vie », lâche Sophie Maillé comme un slogan. 25 % des espèces forestières vivent à ses dépens et sa décomposition est une étape indispensable dans la chaîne de fabrication de l’humus. Le bois mort accueille tout un cortège d’espèces dites saproxylites, qui sont liées au stade âgé de la forêt et que l’on ne retrouve pas dans les forêts exploitées ou dans les plantations. Comme de nombreux coléoptères, le taupin violacé, le pique prune ou la lucane cerf-volant. À l’échelle de l’Europe, 40 % de ces espèces sont menacées de disparition. Les vieilles forêts sont leur ultime refuge. Elles regorgent de troncs avec des cavités, des imperfections et des petites mares – que l’on nomme dendromicrohabitats — où ces espèces peuvent résider.
Le bois mort accueille tout un cortège d’espèces dites saproxylites. © Alain Pitton - Reporterre
Les raisons pour protéger les vieilles forêts sont donc multiples. Les obstacles le sont tout autant. La plupart des parcelles que découvre l’Observatoire des forêts des Pyrénées centrales ont été lentement abandonnées. Elles sont détenues par de petits propriétaires qui ont hérité de ces terres sans les connaître. Ils ont déménagé à la ville et ne savent parfois même plus qu’ils possèdent un terrain forestier. Ce morcellement de la propriété a d’abord joué en leur faveur. Les vieilles forêts ont pu croître paisiblement. Loin des yeux. Loin du cœur.
Mais aujourd’hui, les coopératives forestières sont aux aguets. Une récente loi leur a donné accès au cadastre et ces dernières démarchent de plus en plus les propriétaires. À l’échelle nationale, les plans prévoient d’augmenter les prélèvements en bois de 70 % d’ici 2050 [1]. Tout conduit au productivisme… et à la coupe rase. Sophie Maillé s’en désole. « Pourquoi couper maintenant ces vieilles forêts alors qu’elles ont été préservées par les anciens et oubliées jusque là ? On perd un patrimoine inestimable, on brise des cycles naturels qui mettront des siècles à réapparaître. C’est un terrible gâchis », s’emporte-t-elle. Parmi les forêts qu’elle a inventoriées, une bonne partie sont en danger. En Occitanie, 80 % des vieilles forêts de plaine et 14 % de celles de montagne sont, à terme, menacées.
« Le vivant n’a pas besoin de nous. C’est nous qui avons besoin de lui »
« On fait la course. On se démène mais on ne gagne pas toujours, concède la jeune femme. Nous, on propose aux propriétaires de protéger leur forêt, mais en face les entreprises font miroiter un chèque. » La bataille est inégale d’autant plus qu’il faut parfois déconstruire certains préjugés. « On affronte des blocages socioculturels très ancrés. On croit encore trop souvent que l’homme serait indispensable à la nature. » L’idée qu’un fragment du monde soit laissé à lui-même terrifie. « On nous parle de forêt propre, on postule que les écosystèmes non aménagés seraient inaccomplis ou défaillants. Il faut déconstruire cette forme d’“écopaternalisme”. Le vivant n’a pas besoin de nous. C’est nous qui avons besoin de lui. »
Les vieilles forêts régulent l’invasion des pathogènes et résistent mieux aux catastrophes naturelles et au changement climatique. © Alain Pitton - Reporterre
Encore aujourd’hui, les vieilles forêts ne possèdent pas de statut juridique adéquat pour les protéger pleinement. Ses défenseurs usent de bouts de ficelle. En forêt publique, ils demandent à l’Office national des forêts de créer des réserves biologiques ou de délimiter des îlots de sénescence de quelques hectares au sein desquels on laisse vieillir les arbres. Dans le cas de la forêt privée, ils poussent le propriétaire à signer une obligation réelle environnementale (ORE) par laquelle il s’engage à protéger la biodiversité. Autre possibilité : le contrat Natura 2000 qui permet au propriétaire de recevoir un dédommagement de la part de l’Union européenne. « On rachète aussi de plus en plus de forêts via des conservatoires d’espaces naturels ou des associations, c’est une dynamique en pleine expansion », s’enthousiasme Nathanel Roussel.
« Le but, rappelle-t-il, ce n’est pas de créer des sanctuaires ou des espaces sous cloche à côté du chaos et de l’industrie, mais bien de laisser se déployer la naturalité pour faire vivre tout le territoire. Les vieilles forêts, c’est le phare qui nous éclaire ».
Comment "reconstruire" une forêt ravagée par les flammes et comment vivre avec ce risque après un incendie ? La question va très vite se poser en Gironde. Du côté de l'Ardèche, après un incendie en 2014, des habitants ont pris les choses en main, accompagnés par l’Office nationale des forêts (ONF).
Publié le 21/07/2022 par Etienne Monin - Radio France
Illustration revestoise d'un incendie de forêt : Le mont Combe au lendemain de l'incendie du 30 juin 2005
Photo Katryne Chauvigné-Bourlaud
En déplacement en Gironde après plus d’une semaine d’incendies dévastateurs qui ont brûlé près de 20 800 hectares, Emmanuel Macron a promis mercredi 20 juillet “un grand chantier national pour replanter” la forêt, notamment en lien avec l’Office nationale des forêts (ONF). Mais comment reforme-t-on les forêts calcinées ?
Dans le sud de l'Ardèche, sur la commune de Banne, 80 hectares de forêts sont partis en fumée en 2014. Un petit village de 700 habitants avec de nombreuses résidences secondaires. Une immense forêt en monoculture, comme en Gironde, surplombe le bourg. "C'est essentiellement du pin maritime", précise le maire Jean-Marie Lagagné, un ancien agriculteur.
Le village a fait le choix de replanter partiellement, avec une espèce de pin plus résistante. Un choix qui n'était pas indispensable pour regénérer la forêt, explique Laurent Golliard, de l'ONF : "Le pin maritime est une espèce qui colonise très rapidement les milieux ouverts, qui est très bien adapté à des régénérations après incendies. Cette espèce aurait pu se regénérer après l'incendie et créer une nouvelle forêt", selon l'agent forestier.
"On voulait avoir une espèce différente du pin maritime. Une diversité d'espèces, notamment avec la présence du pin de Salzmann, l'espèce emblématique du coin et à fort enjeu patrimonial", souligne Laurent Golliard.
"L'année qui suit l'incendie, vous avez des semis qui vont apparaître. Et pour faire une forêt d'une dizaine de mètres de hauteur, il faudra attendre environ 30 ans". Laurent Golliard, agent de l'ONF
Depuis, plusieurs départs de feux ont été recensés dans la forêt. Une réserve de sécurité civile a été créée. Aider les agents municipaux en participant au soutien et à l'assistance des populations en cas de crise, faire de la prévention face aux risques de feux de forêts : telles sont les missions de la réserve communale de sécurité civile. Elle est composée des habitants de Banne et d'autres villages. Jean-Marie Lagagné, le maire, explique la démarche : "C'est du bénévolat. On y va avec nos voitures, notre essence. Mais bon... Les gens ont conscience que si on ne fait rien, ça risque de dégénérer et nous serons les premiers perdants".
Aujourd'hui, huit ans après, les traces de l'incendie ont disparu. Pour véritablement adapter la forêt aux incendies, l’ONF a envisagé la plantation de feuillus. Mais ici, le sol est trop contraignant. Et en période de très forte chaleur, les experts considèrent que ce n’est pas suffisamment efficace.
Et au Revest, comment a-t-on reboisé après les incendies des années 1970 ?
Correspondant local de Var-Matin à l'époque, Édouard Fousse relatait 3 campagnes de reboisement :
- 1972 avec les enfants des écoles pour replanter 200 résineux et eucalyptus à Fontanieu et à La Gairouarde, ravagés par l'incendie de 1970.
- En 1978, la mairie distribue aux Revestois des plants de chênes, pins parasols, eucalyptus et cèdres.
- 1984 : grande opération de reboisement au Mont Caume. 10000 plants d'arbres collinaires avec la contribution de la Direction départementale de l'Agriculture et l'Office national de protection des forêts.
L’Europe sauvera-t-elle les forêts françaises ? L’association Canopée a saisi la Commission européenne, mardi 10 mai, « à propos des dérives du plan français de plantations d’arbres ». Selon elle, la promesse de Macron de planter 140 millions d’arbres pourrait conduire à la destruction de 46 000 hectares de forêts en bonne santé. En effet, comme l’avait raconté Reporterre, le volet forestier du plan de relance post Covid risque fort d’accélérer les coupes rases — l’abattage de l’ensemble des arbres d’une parcelle — et la plantation de monocultures de résineux. Pour Canopée, ce plan, financé à hauteur de 40 % par l’Union européenne, n’est donc pas compatible « avec les objectifs européens de préservation de la biodiversité et de lutte contre les changements climatiques ».
« 87 % des projets financés fin 2021 impliquent des coupes rases »
« Le plan de relance français, adopté en 2020, est censé garantir qu’aucune mesure ne cause de préjudice important aux objectifs environnementaux », a rappelé l’association dans un communiqué. Or les premiers financements accordés par le gouvernement français « ont déjà eu de nombreux impacts néfastes ». En particulier, « 87 % des projets financés fin 2021 par le plan de relance impliquent des coupes rases », dont on connaît l’impact dévastateur sur la biodiversité et le climat. Autre aberration, « avec un peu plus de 6 000 hectares, le [pin] douglas est l’arbre le plus planté alors que cet arbre n’est pas particulièrement bien adapté au changement climatique ».
Canopée a demandé à la Commission européenne de suspendre ses soutiens à la France « tant que le gouvernement n’aura pas intégrer de solides critères environnementaux dans sa politique forestière ».