Bien avant le barrage qui a plus de cent ans, nos artistes célébraient nos ponts du Colombier.
Le chemin du Revest à La Valette passait là, tournait à gauche au chemin de la Foux et par une large boucle descendait doucement vers les deux ponts. On discerne encore, en période de basses eaux, le tracé du chemin bordé de murets - où aboutissaient aussi des drailles de transhumance. Le chemin s'enfonce alors dans l'eau, entre les cercles des cerisiers fantômes pour aller à la rencontre de la Dame du Lac, sans doute.
Le bitume aujourd'hui recouvre les deux ponts accolés. Le pont à une arche, on le dit pont romain, mais il n'a pas cette antiquité. Au XVIIe siècle, il figure aux archives du Revest sous le vocable de Pont du Colombier et l'on peut le dater de la fin du moyen-âge (XVe siècle). Le pont à deux arches usurpe lui aussi son appellation de pont médiéval, puisqu'il date de 1826. Le 9 juillet 1826, le Sieur Artigue, propriétaire du moulin à huile situé sur le territoire de la commune, forme une demande auprès du Conseil du Revest, pour être autorisé à construire à ses frais un pont sur la rivière au quartier du Colombier :
"L'usage en sera réservé à tous les habitants et propriétaires de la commune qui pourront passer sur ce pont avec leurs bêtes, charrettes et autres, nécessaires au transport des denrées, ainsi que les fumiers et tout ce qui servira à l'agriculture, sans être tenu de rien envers le Sieur Artigue, qui deviendra propriétaire de ce pont."
En toute saison, même au cœur de l'été le plus sec, une végétation luxuriante offre à nos deux ponts un cadre bucolique qui inspire les peintres. George Sand, l'avait visité avec son fils, elle écrivait en 1861 :
Nous arrivons par ce chemin au petit pont double, couvert de lierre, que Maurice a dessiné.
Decaris, Collignon, Cauvin l'ont célébré aussi. Sur les plus anciennes images, on voit encore le moulin du Colombier, parfois avec le berger et ses moutons.
Les ponts du Colombier
Mais ça, c'était avant. Le confortement du barrage, qui s'annonce pour 20 mois de travaux, engendrera le passage d'engins et de camions que nos ponts n'ont encore jamais supporté, ni en poids ni en nombre. Anticipation ou prémonition, préparons nous au pire, à la disparition de nos ponts du Colombier, qui auraient au moins mérité l'inscription au patrimoine mondial de l'UNESCO. "Tous les ponts étaient maudits", chante Philippe Lavil. Et les nôtres aussi.
Mais trêve de nostalgie, faisons foin de pensées rétrogrades. Regardons en face un avenir lumineux. Le Revest va entrer de plain pied dans le monde moderne (même si c'est au détriment de ses ponts séculaires). Après les LED qui illuminent nos nuits, le mobilier urbain ultra-tendance et la fiiiiiiibre qui amène le monde entier jusqu'au sein de nos bastidons, c'est quasi une bretelle d'autoroute qui nous mènera à la Valette par la route du barrage. On peut bien y sacrifier nos misérables petits ponts de pierre.
Mais quoi ? qu'entends-je ? Au lieu d'élargir notre débouché oriental, il serait prévu, au contraire, de réduire à une seule voie le passage au droit de la cascade de la surverse ... Les Revestois, sur ce coup-là encaissent une double peine. Et la ville de Toulon non contente d'avoir détourné notre eau depuis des siècles, va pour conforter sa propriété si vilainement acquise (selon notre point de vue, bien sûr) nous enclaver un peu plus pour que l'on mérite bien notre toponyme de voie sans issue (Revest) et se gausser encore des fioritures (les Eaux) dont il a osé se parer bien qu'il en soit dépossédé.
Nota : Soyons précis et rigoureux : en janvier 2018, a été transférée à la métropole Toulon Provence Méditerranée la compétence "Eau potable" de la ville de Toulon, ainsi que tous les ouvrages et tout le foncier y afférant. En sa qualité de cité métropolitaine, Le Revest a donc recouvré une petite part de la propriété de son eau, un peu moins de 1 % si l'on se réfère à la proportion entre la population revestoise et celle de tout TPM.