Cordiste, ce Revestois exécute des travaux de maçonnerie sur les toits de Toulon, qu’il s’est mis à photographier au fil des ans. Jusqu’à vouloir en faire profiter le public.
Publié le 07/06/2022 à 16:34 par Mathieu Dalaine
Cordiste de profession, le Revestois Christian Maurel arpente les toits toulonnais dans le cadre de sa profession et en profite pour faire des photos surprenantes sur la commune. Photo Frank Muller
Au royaume des vieilles tuiles, graffeurs et monte-en-l’air sont rois. C’est ici aussi, sur les toits du centre-ville de Toulon, que Christian Maurel passe l’essentiel de ses journées. Depuis trente ans, ce travailleur acrobatique répare les verrières, les châssis à tabatière et traque les fuites d’eau de ce palais à ciel ouvert; le tout suspendu à vingt mètres au-dessus du sol.
"Et puis, un jour, alors même que je venais de m’offrir un appareil photo, je me retourne et prends conscience que c’est ça qu’il faut photographier…" Ça, c’est le paysage azur et ocre qui s’ouvre devant lui, où s’empilent le haut des immeubles anciens et le bleu de la Méditerranée. Cheminées, puits de lumière, balcons oubliés se révèlent comme depuis aucun autre promontoire toulonnais.
Christian voit plus loin. "J’ai imaginé des cadres qui mettaient en valeur mes clichés: des créations en forme de grue, d’échafaudage, d’altana… Je dois maintenant trouver un lieu suffisamment grand pour que je puisse les exposer! Mais mon titre est tout trouvé: ‘‘Entre toits, émoi’’".
En plein travail au-dessus du boulevard de Strasbourg, Christian Maurel a pris la pose. Il œuvrait ce jour-là à refaire l’étanchéité d’un altana. Photo Frank Muller
Ces verrières pyramidales ou coniques, au nombre de 150 à Toulon, visent à apporter de la lumière dans les cages d’escalier.
C’est au milieu du XIXe siècle, alors qu’est adopté le principe d’une surélévation des immeubles du centre, que les premiers ont vu le jour.
Christian confie avoir pris plus de 500 photos des toits de Toulon.
"Suivant l’heure, l’orientation, la météo, les paysages se transforment".
À Besagne, la ligne d’horizon se compose de silhouettes de frégate et de paquebot, ainsi que des grues du port militaire.
Quand la luminosité tombe, la vieille ville semble happée par le bleu de la mer.
Depuis 2012, le photographe voit l'évolution du centre ancien Photo DR.
"Mon travail est à la fois esthétique et historique".
Depuis 2012 qu’il s’est mis à photographier tous azimuts, Christian Maurel a vu l’évolution du centre ancien, comme ici l’îlot Baudin avant sa réhabilitation.
"La transformation est réellement impressionnante", assure celui-ci.
La richesse des toits de Toulon et ses grues. Photo DR.
Le cap Sicié et la rade en toile de fond. Les toits de Toulon et leurs tuiles montrent leur richesse. "On découvre des balcons cachés, des nids de gabians entre les cheminées, du linge suspendu…", détaille Christian Maurel.
Et toujours ces grues que les photographies officielles oublient souvent de montrer lorsque l’objectif s’oriente vers la mer.
Le beffroi de l’ancienne Caisse d’Épargne, qui surplombe aujourd’hui l’opéra, est l’un des joyaux "aériens" des toits de Toulon. Photo DR.
Érigé en 1895, le beffroi de l’ancienne Caisse d’Épargne, qui surplombe aujourd’hui l’opéra, est l’un des joyaux "aériens" des toits de Toulon. "Avec le campanile de la cathédrale, la toiture de l’ancien palais de justice ou les halles, évidemment", sourit Christian Maurel
Du haut de ces 35 mètres, 110 ans nous contemplent. Érigé en 1912, le barrage du Revest ne fait pourtant pas son âge. Et pour cause: depuis 18 mois, un gigantesque chantier a été lancé par la Métropole TPM, son propriétaire, pour redonner à l’ouvrage une seconde jeunesse. Non que la retenue menaçait ruine – la maçonnerie d’origine est en bon état – mais l’Etat avait jugé prudent des travaux d’agrandissement de l’évacuateur de crues, de remise en service de la centrale hydroélectrique ou de confortement de la structure.
C’est l’entreprise NGE qui s’est chargée du génie civil, coulant pour l’occasion près de 7.000m3 de béton. Coût total de cette opération lifting: neuf millions d’euros. En octobre, la dernière pierre sera apportée à l’édifice; lequel sera prêt à affronter sans trembler les 110 prochaines années. Il fallait ça, sans doute: rappelons que plus d’un tiers de l’eau potable consommée par les Toulonnais est produite grâce au barrage.
1 Pour le chantier, la retenue de Dardennes et son million de m3 d’eau (à plein) ont été vidangés entièrement il y a un an. Une opération de pêche de sauvetage avait même été conduite pour transférer les poissons attrapés vers le lac de Carcès. Cela permet de découvrir un paysage fait de restanques, reliques d’un passé agricole florissant avant la construction du barrage. Début mai, les vannes ont toutefois été fermées et le réservoir, alimenté par un réseau karstique dépendant des pluies, est progressivement remis en eau.
2 "La première phase du chantier a consisté à élargir l’évacuateur de crues", note Vincent Skarbek, directeur des travaux pour NGE. Prévu pour un débit de 110m3 d’eau par seconde, ce grand caniveau de béton, qui accueille le trop-plein quand le lac déborde, est désormais capable d’encaisser une crue milénale et un débit deux fois supérieur. Objectif: mieux évacuer l’eau dans le Las et faire baisser la pression sur le barrage.
3 Elle ne fonctionnait plus depuis des années. Au pied du barrage, la micro centrale hydro-électrique a été modernisée et relancée, nouvelle turbine à l’appui. "L’idée est de produire de l’électricité pour alimenter l’usine de potabilisation de l’eau et de redistribuer le surplus d’énergie dans le réseau", résume Vincent Skarbek.
4 Dernière étape: "On va conforter le barrage avec un remblai fait de terre et de blocs de pierre, qui n’existait pas jusqu’alors", poursuit Vincent Skarbek.70% de ces matériaux proviennent du chantier. Haut de 17mètres, cette carapace va permettre d’accroître sensiblement la résistance de l’ouvrage de 154mètres de long.
5 Route fermée depuis deux ans au pied du barrage, jusqu’à 50 techniciens sur place, apport d’une raboteuse minière de 50 tonnes venue d’Italie pour grignoter la roche, contraintes techniques rares…: "Ce chantier a été en tous points exceptionnels", conclut Vincent Skarbek.