Au beau milieu du domaine privé d'Estienne d'Orves, à quelques kilomètres du Broussan, une carrière a été exploitée pendant des dizaines d'années pour son marbre, la fameuse pierre du mont Caume. Elle pourrait bientôt reprendre du service.
Article Var Matin du 18 mai 2018
Evenos Depuis lundi, une enquête publique étudie la demande d'une entreprise de Lozère qui souhaite extraire le marbre du domaine d'Orves. Au Broussan, certains craignent des nuisances
Seuls quelques privilégiés connaissent le lieu-dit rocailleux de Coste Belle, en bordure de la plaine de Rabœuf. Ici, au cœur du verdoyant domaine d'Orves et ses 2 000 hectares de clairières, de ruisseaux et de forêt, on peut, au milieu de vieilles ruines parfois survolées par des aigles, croiser des sangliers, renards et autres daims. Et même - comme il se murmure depuis peu au comptoir de l'auberge du Broussan - un ou deux loups !
Ce morceau de nature brut, situé sur les contreforts septentrionaux du mont Caume, est un véritable havre de paix, propriété de la famille d'Estienne d'Orves depuis des générations.
Une déviation possible vers le Revest ?
Sur ces terres privées, surveillées par un gardien et reliées aux premières habitations par des chemins cahoteux, le vrombissement de poids lourds pourrait toutefois ne pas tarder à venir concurrencer le cri du geai. Lundi, une enquête publique a ainsi été lancée, qui vise à étudier la demande d'autorisation d'exploiter pour trente ans une vieille carrière de marbre, formulée par l'entreprise Technipierres.
Les milliers de tonnes de matière première extraite seraient transportées par camion, à raison d'un bloc de 27 tonnes pour 10 m3, direction la Lozère, où se trouve la principale usine de transformation de la société. Rien de très surprenant dans cette demande : le calcaire marbrier d'Évenos est d'excellente qualité et le gisement de la petite carrière, exploitée de 1964 à 2014, est loin d'être épuisé. Pour la société civile du domaine d'Orves, le contrat de fortage (1) est aussi l'assurance de quelques revenus sur des terres par ailleurs largement inconstructibles. Pour autant, les premières voix discordantes n'ont pas tardé à se faire entendre du côté du Broussan, dès lors que les panneaux jaunes annonçant la procédure administrative ont été placardés le long de la D62. « Nous n'avons rien contre le fait que la famille d'Orves souhaite relancer cette activité, explique Jean-Louis Savelli, ancien instituteur au Broussan. Mais il est fait état d'un maximum de dix camions XXL par semaine, ce qui est nettement plus que ce que l'on a pu connaître par le passé. Compte tenu de la tranquillité du hameau, de la fréquentation des vélos et de l'étroitesse des routes, c'est impensable. »
D'autres associations - La Ruche, l'Association de défense de l'environnement… - entendent également profiter de l'enquête pour exprimer leurs inquiétudes à ce sujet. Une des pistes évoquées par ces Ebrosiens pour « dévier les nuisances » serait de rendre praticable un vieux chemin qui franchit le col des Morts, à proximité du ravin de Fieraquet. De l'autre côté de la montagne : la carrière du Revest et ses larges routes bitumées qui descendent vers l'autoroute…
La société Technipierres, elle, tente de rassurer au maximum, tant sur les mesures de protection des 38 espèces recensées du secteur, de l'environnement ou de la tranquillité des habitants. La vitesse sera ainsi limitée à 30 km/h sur les voies, qu'il s'agisse de celles du domaine, « stabilisées avec des matériaux issus de la carrière », ou de l'ancien chemin de Signes. Suffisant pour apaiser les esprits ? Pas sûr. Jean-Louis Savelli, lui, a trouvé son mot d'ordre pour inciter la population à venir s'exprimer à ce sujet : « Face aux camions, ne restons pas de marbre… »