Les derniers chiffres officiels confirment l’expansion de Canis lupus. La prédation reste stable, mais l’année n’est pas terminée. Les éleveurs souhaitent davantage de tirs de prélèvement.
Véronique Georges Publié le 17/11/2021 à 19:10, mis à jour le 17/11/2021 à 20:57
Loup - Photo F. Bt..
L’expansion quantitative et géographique du loup, présentée lors d’une réunion du comité de pilotage lundi, est de plus en plus précise.
À l’issue du dernier comptage réalisé au printemps 2021, le Var compte vingt et une zones de présence permanente (ZPP) de Canis lupus, dont vingt où se trouvent au moins une meute et une au statut incertain. "Le loup continue à coloniser le Var, commente le préfet du Var Evence Richard. On a cinq nouvelles ZPP, deux à l’Est (Siagnole, Tanneron) et trois dans les Maures dont une au nord d’Hyères. C’est le constat".
Carte loups du Var - Source Office national de la biodiversité - mise à jour 8 novembre 2011 - Infographie : Rina Uzan
La question de savoir combien d’individus forment une meute n’est pas tranchée. "Pour certains c’est trois à cinq, pour d’autres dix à douze. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a plus de cent loups dans le département" ajoute le représentant de l’État.
Pour affiner ce chiffrage, l’État s’appuie, au niveau national, sur un réseau de 4.500 personnes formées à repérer des indices. "Mais moins d’un quart d’entre elles participent à ces travaux et, parmi elles, peu de chasseurs et d’éleveurs" précise-t-il.
À partir d’un certain nombre de traces, qu’elles remontent selon des protocoles précis (pièges photos, déjections, poils, urine, sang), et qui sont analysées, et de l’ADN des loups, un modèle mathématique calcule le nombre d’animaux et distingue les meutes et les individus. Officiellement, il y aurait ainsi 624 loups au niveau national, entre une estimation basse (414) et une haute (834).
Les éleveurs varois qui les observent de plus en plus souvent (lire ci-dessous), déplorent les dégâts malgré les chiens et autres dispositifs de protection.
Le nombre d’attaques et de victimes (bêtes tuées et/ou qui ont disparu) est, lui aussi, sujet à question. "La prédation se stabiliserait mais l’année n’est pas terminée, il faut rester prudent", indique Evence Richard, sans donner de chiffre. La répartition de ces attaques en revanche, reste inchangée: les trois quarts ont lieu sur le camp de Canjuers. Le nord-ouest du Var (La Verdière, Ginasservis) et le massif des Maures sont les autres secteurs les plus problématiques.
Pour faire baisser la pression sur les troupeaux, des tirs de prélèvement sont organisés. Depuis le début 2021, huit loups ont été tués par la brigade de l’Office français de la biodiversité, ou les lieutenants de louveterie. "C’est trois fois plus qu’en 2020 où trois loups ont été prélevés, selon Evence Richard. Ce bilan, qui est considéré trop faible par les éleveurs, ne résulte pas d’une volonté de limiter les tirs. Au contraire, on a mobilisé mais le relief varois est compliqué, la végétation ne permet pas une grande visibilité. Pour tuer, il faut l’avoir identifié, cela prend du temps, et s’il est en progression, il passe vite à couvert".
Il annonce cependant que cinq nouveaux louvetiers avec une spécificité loup ont été nommés, près des principales zones de prédation.
Un loup a aussi été détruit volontairement (braconnage par un tir à l’arc), un autre n’est pas comptabilisé car trouvé mort en bordure de l’autoroute A8.
Enfin, pour continuer à contenir la progression des effectifs de Canis lupus, l’État, la Région et le Département vont doubler les équipements de visée nocturnes utilisés pour les tirs autorisés.
Nicolas Perrichon, président de l’association des éleveurs de Canjuers, souhaite la venue du "préfet loup". Photo doc Clément Tiberghien
Nicolas Perrichon préside l’association des éleveurs de Canjuers, qui participe à un plan d’actions pour préserver l’activité pastorale et sylvopastorale sur le territoire du camp militaire en organisant la coopération des éleveurs.
"Le loup a colonisé pratiquement tout le Var, dit-il. On le savait, ça confirme ce qu’on dit depuis des années. La carte est mise à jour, on y voit plus clair". S’il salue "de réelles avancées avec huit loups prélevés depuis le début de l’année", il souligne : "Il faut poursuivre l’effort. On aimerait que le préfet coordonnateur du plan national loup et activités d’élevage vienne nous voir".
Philippe Fabre, éleveur à La Roque-Esclapon, estime que "500 loups au moins sont en région Paca et dans la Drôme" et regrette : "On n’a pas assez de tirs de prélèvement. Il y en a eu huit dans le Var, trente-six dans les Alpes-Maritimes", tout en concédant, "c’est plus facile là-bas, le milieu est plus ouvert, et ils ont plus de louvetiers éleveurs". Il se félicite d’ailleurs que parmi les cinq nouveaux louvetiers varois, trois soient éleveurs, (à Fox-Amphoux, Châteauvieux et La Roque-Esclapon). "On n’est pas contre le loup, rappelle-t-il, mais il est partout maintenant, il faut arriver à le réguler. La brigade loup n’est pas assez présente. Il faudrait qu’elle reste sur un troupeau quand il y a plus de trois attaques consécutives en quinze jours. Il faut une plus grande volonté de la Dreal (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement, Ndlr) et du préfet de région".
Il n’était pas présent au Comité de pilotage, mais Alain Benoit, éleveur à Montferrat, juge la situation "catastrophique". "On a eu trois brebis tuées en quatre mois et demi d’alpage. Revenus le 30 octobre, on a déjà eu plusieurs attaques sur Canjuers. Dès que le troupeau est dans des zones boisées, ils attaquent, en plein jour. Avant-hier après-midi, les chiens ont repoussé l’attaque, mais la semaine dernière, j’ai eu une brebis tuée et un chien bien blessé".
[Le chien du berger - Photo A. L.
Les chiens de protection font partie du dispositif mis en œuvre par les éleveurs et nécessaire pour être indemnisé en cas d’attaque. "On en subventionne toujours, les chiens et les croquettes", souligne le préfet du Var, Evence Richard. Soit 140 contrats pour 2,2 millions d’euros dans le département. Deux thématiques les concernant ont été évoquées. La problématique des chiens mordeurs d’abord. Ils peuvent s’attaquer à un randonneur, un vététiste ou toute autre personne s’approchant du troupeau dont ils ont la garde. "Il y a des évaluations, certains sont retirés de la surveillance", précise le préfet. Le deuxième sujet c’est leur efficacité. Le Centre d’études et de réalisations pastorales Alpes Méditerranée (Cerpam) mène une expérimentation à Canjuers visant à analyser comment les chiens fonctionnent, comment ils interagissent entre eux et avec les loups. Cela grâce à des colliers GPS qui permettent de les suivre. Quelques données ont été présentées, mais il est trop tôt pour avoir une conclusion définitive.