Qui mieux que le cabanon symbolise l'habitat traditionnel provençal ?
La majorité des cabanons apparaissent implantés en lisière des espaces cultivés ou en frontière des parcelles. Ils se présentent, soit trapus ou étirés mais sur un niveau, soit avec un étage qui sert presque invariablement à l'homme. Qu'ils soient exigus ou presque spacieux, ils cumulent souvent les fonctions d'étable, de remise, de resserre et d'abri. Une zone ombragée, une réserve d'eau, se trouvent à proximité immédiate de ces cabanons. Là s'arrêtent les certitudes car tout édifice isolé qui présente ces caractéristiques n'est pas obligatoirement conçu comme un cabanon. Tel propriétaire vous dit : "c'est ma campagne" et une aura de résidence secondaire enveloppe aussitôt les lieux dans votre esprit. La confusion règne aussi entre petite bastide et grand cabanon et le critère d'habitat permanent ou temporaire n'est pas assez fort pour résoudre le problème...
Il faut en fait se placer du point du vue de l'utilisateur pour évaluer l'ampleur des statuts revêtus par le cabanon. Refuge pour le cultivateur et ses bêtes, unité de production secondaire (pigeonnier, potager, verger...), halte pendant la période de chasse, base pour des opérations importantes comme la moisson ou les vendanges, but de sortie pour la famille et les amis... c'est tout cela le cabanon.
La vocation agricole première se voit doublée de vocations multiples qui en arrivent à la supplanter, surtout aux abord des villes (par exemple les cabanons marseillais). Quoiqu'il en soit, le cabanon reflète son bâtisseur, son rang, son esthétique, sa conception du confort et du travail.
S'ils se raréfient en terrain accidenté ou en milieu forestier, les cabanons sont toutefois présents jusqu'à l'orée du territoire du village. Des vestiges de terrasses de culture (restanques) justifient souvent cette présence même en des quartiers encaissés ou perchés, d'accès difficile ou d'approche longue. Selon les endroits, les dispositifs qui facilitent le séjour (citerne, silo, placards, lavoir, enclos pour les bêtes) se multiplient. Ce n'est pas une règle systématique bien sûr. Il y a alors des cas où l'unité cabanon se trouve noyée dans des structures annexes ou complémentaires d'où les noms de jas (je vous en ai parlé dans cet article, cliquez ICI) ou de bergerie qui s'appliquent au bâtiment.
Il faut donc admettre que le cabanon typique de la plaine colonise aussi des endroits considérés comme ingrats à la culture et même impropres à l'élevage tels que les vallées profondes et obscures. Il suffit d'un replat mieux exposé au soleil, d'un lopin de terre facile à cultiver pour qu'un cabanon y soit érigé.
Celui-ci peut alors devenir troglodyte en tirant profit des rochers, fissures ou parois de falaise, mais aussi implanté dans les murs des restanques. Ces cabanons sont souvent plus aptes à être utilisés pour les activités artisanales (coupes de bois), les activités secondaires (pour la chasse) ou ludiques (pour des réunions masculines). Il n'est pas rare de découvrir en pleine colline un de ces refuge avec sa cheminée à manteau mouluré, ses crépis peints, ses placards et ses réserves d'eau.
Hélas, le sort de ses constructions est actuellement voué à l'abandon, la démolition ou la transformation en hangar ou maison de vacances.
Il disparaissent physiquement ou bien perdent leur forme et leur âme. Tout cela est bien dommage. Personnellement, je déplore cet état de chose. Il faudrait pouvoir les conserver, les rénover si nécessaire, car ils font partie du patrimoine légué par ceux qui nous ont précédés.
Ils font partie de nous. Ils sont notre culture.
Source : D'après un article paru dans l'Almanch pittoresque et pratique du Var - 1996.
D'une manière générale, le petit patrimoine, ou patrimoine vernaculaire (vernaculaire : qui est propre à une région et à ses habitants), peut être défini comme l'ensemble des constructions ayant eu, dans le passé, un usage dans la vie de tous les jours.
Les communs en font partie : lavoirs, moulins, fontaines, canaux d’irrigation, ponts ruraux, fours à pains, fours à poix et à cade, potales (niches), croix de chemin, croix rurales, chapelles, oratoires, bornes historiques, travails à ferrer, etc. On le trouve principalement dans les villages, les bourgs, les petites villes, où il a été relativement épargné par la modernisation.
Comme le reste du mobilier urbain, ces modestes témoins du passé subissent malheureusement ce que l'on appelle le vandalisme, phénomène qui à présent concerne les petites villes, voire les villages et qui est extrêmement regrettable.
Ce petit patrimoine, humble et populaire mais si important pour mieux comprendre notre passé est pourtant très vulnérable. Il ne fait pas encore assez l'objet de la part des collectivités territoriales, d'un entretien et d'une protection efficaces, voire d'un classement au titre même des objets.
En Provence, outre les constructions citées ci-dessus, il faut inclure les restanques, puits, clapiers, apiès ou murs à abeilles, les cabanons et les postes de chasse, mais aussi les fours à cade, fours à chaux, charbonnières ou encore les aires à battre le blé et les glacières qui sont autant d'éléments qui font partie de notre patrimoine.
Ils étaient destinés à un usage domestique, agricole, ou industriel et ils ont été construits directement par leurs utilisateurs, sans maître d’œuvre, avec des matériaux trouvés sur place et selon des techniques traditionnelles, pour répondre à des besoins spécifiques locaux, communautaires ou individuels.
Si aujourd’hui la mobilisation de la Française des jeux met en lumière notre patrimoine matériel, elle interroge sur son contenu et sa capacité à produire une culture commune et une identité en héritage.
Aujourd'hui sera tiré le super loto du patrimoine, une façon populaire de faire participer tous les Français à la restauration et à la sauvegarde 269 monuments en danger. L'idée n'est pas nouvelle car enfant déjà dans les années 60, je suivais l'émission culte de l'ORTF "Chefs d'oeuvres en péril" qui avait permis grâce aux soutiens, aux dons, aux bénévoles et mécènes, de sauver de la ruine ou de la destruction plus de 150 monuments. Si aujourd'hui la mobilisation de la Française des jeux met en lumière notre patrimoine matériel, elle interroge sur son contenu et sa capacité à produire une culture commune et une identité en héritage.
Selon la définition, le patrimoine culturel se définit comme un ensemble de biens matériels ou immatériels porteurs d'une dimension artistique et/ou historique indéniables. Ce patrimoine riche et varié est constitué de paysages, d'architecture, de sites archéologiques, géologiques et industriels, d'espaces agricoles ou forestiers.
Ces biens culturels matériels doivent être préservés, restaurés, sauvegardés et accessibles au plus grand nombre, à l'image de ce qui est fait lors des Journées européennes du patrimoine qui connaissent un engouement jamais démenti.
Malgré la force de ce qu'il représente, notre patrimoine est en danger, en proie aux intempéries et au temps qui passe. À l'étranger, en zone de guerre, un patrimoine universel millénaire est détruit par des fanatiques religieux. Je pense à Palmyre. Immense tristesse d'apprendre également l'incendie ravageur du Musée national à Rio. Que de trésors partis en fumée.
Évitons, ici en France, que notre patrimoine ne tombe en poussière.
C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Président de la République a décidé de confier une mission ambitieuse à Stéphane Bern, fortement engagé sur la question patrimoniale.
"Le patrimoine porte notre histoire, mais il porte aussi une part de notre avenir" a récemment déclaré le Président de la République. Oui, une relation singulière se noue entre les générations de français grâce à ce patrimoine matériel. C'est un héritage légué par les générations qui nous ont précédés, et que nous devons transmettre intact ou augmenté aux générations futures, qu'il s'agisse de la « tour cassée » de Capandula, à Rogliano , du pavillon Lambert pour la reconnaissance du circuit automobile à Geux (Marne) , de l'Hôtel de Polignac à Condom (Gers), qui abrite une des plus belles école publique de France, de la grotte des coquillages de la chapelle des Capucins à Coulommiers (Seine-et-Marne) ou des magnifiques toits de Paris .
Ces édifices et monuments appartiennent aux enfants d'hier, d'aujourd'hui et de demain. En cela, ils relèvent de notre bien public, de notre bien commun. Ils cimentent et sédimentent notre cohésion sociale dans une démarche Intergénérationnelle d'adhésion et d'affiliation. En ce sens ils sont la Patrie de tous.
C'est une culture à préserver, un univers à défendre, une patrie sans cesse renouvelée à condition qu'elle puisse être accessible à tous. Français de souche ou français de branchage. Enfants et adultes sont toujours éblouis par les sites de prestige, souvent désolés par les sites en péril. En ces temps de l'instantanéité, du jetable, des réseaux sociaux, nous avons besoin de repères fixes, partagés et notamment culturels.
Certains, pensent que les crédits mobilisés pour le patrimoine sont des suppléments d'âme, voire du gaspillage qui ne conviennent guère aux périodes de vaches maigres. Quelle erreur. Il s'agit certes, d'honorer un devoir de mémoire et de transmission mais cette valorisation peut également s'avérer un véritable investissement économique. Ce peut être un formidable levier de développement économique et d'attractivité des territoires. La valorisation du patrimoine crée des emplois : pensons aux métiers d'art, qui nouent une relation presque charnelle avec les objets du passé. Le patrimoine bien entretenu peut redynamiser des communes, des villages, ayant perdu un peu de leur souffle, en attirant visiteurs, touristes, curieux et en redéfinissant paysage et activités locales.
Dans ce combat, la société civile est en première ligne. La mission confiée à Stéphane Bern par le Président Macron en témoigne mais le chemin reste long. La mobilisation de chacun est nécessaire: citoyens, élus, associations, acteurs de terrain. Dans ce contexte, les partenariats privés doivent se développer, en complément des fonds publics. Le mécénat d'entreprise est une excellente démarche, à condition bien sûr que les sites publics, ne soient pas confisqués. Évitons toute grille de lecture idéologique et caricaturale sur le sujet. Toute source de financement susceptible de donner une seconde vie à un monument doit être recherchée et je peux en porter témoignage en tant qu'administratrice du Fonds de Paris: grâce à des fonds privés, des monuments parisiens remarquables pourront être restaurés à l'instar les fontaines des Champs-Elysées.
Mais pour être complète sur la question patrimoniale, il faudra ajouter la richesse du patrimoine immatériel séculaire: chants, littérature, coutumes, danses, traditions gastronomiques, jeux, mythes, contes et légendes, métiers d'art, témoignages, documents écrits et d'archives orales et audiovisuelles.
Ces richesses qui portent la trace de notre identité, nos connaissances, nos savoir-faire, notre langue, nos traditions en somme, peuvent également tomber dans l'oubli. Ils sont tout aussi nécessaires pour notre cohésion et notre rayonnement. La France est un phare dans le monde par sa culture, sa langue, sa créativité et sa diversité.
Transmettons aux générations futures cette exception culturelle.