Fatiguée de "se faire balader" par les autorités, qui ne réagissent pas face aux constructions illégales sur le mont classé, l’association Défense et protection du Faron veut faire réagir l'Etat.
"On ne peut plus se contenter d’écrire des lettres qui finissent au panier." "Ils nous roulent dans la farine." "On s’est fichu de nous." Très en colère, les membres de l’association Défense et protection du Faron (ADPF) ont atteint un niveau de saturation inédit mercredi soir lors de leur assemblée générale.
Militant depuis plus d’un quart de siècle pour que le mont classé qui domine Toulon soit protégé comme il se doit de l’appétit des bétonneurs, ils s’avouent "extrêmement amers" de constater que le site est "devenu une zone de non droit". Respectant une tradition de courtoisie dans le dialogue avec les autorités, ils haussent le ton et lancent un ultimatum.
Pour Michel Bonjardini, le président, il est temps en effet de dénoncer "la mauvaise foi des élus" et "le laxisme des administrations".
Pour expliquer sa fureur, il brandit l’historique nourri de ses échanges avec la municipalité, la préfecture ou la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal).
Il présente aussi les images vues du ciel de constructions qui rongent les pentes sauvages du Faron en toute illégalité. "Avec Internet, il suffit d’aller regarder deux fois par an pour voir comment évoluent les bâtiments."
Dans le viseur, à titre d’exemple le plus symbolique, une bâtisse du secteur de la Bosquette, sur les pentes de l’est. En toute discrétion, son propriétaire a transformé les lieux. Une vielle remise a laissé place à une villa de 85 m2 avec une grande terrasse et une piscine.
Une double infraction au code de l’urbanisme et au code de l’environnement que n’a de cesse de signaler l’ADPF... en vain.
Malgré les innombrables courriers, coups de fil et audience avec le préfet, la mairie du Toulon ou le parquet, Michel Bonjardini enrage de constater que rien ne se passe. Des dossiers de ce type, il annonce en avoir signalé une demi-douzaine du côté de la Bosquette ou du chemin de l’Uba.
Malgré les délais de prescriptions courts, il est pourtant encore temps d’agir selon lui... "s’il y avait la volonté".
Plusieurs pistes d’après son analyse. "Le maire peut s’emparer du code de l’urbanisme. Son article L480-14 lui donne la possibilité de poursuivre devant la justice civile jusqu’à 10 ans après l’achèvement des travaux. On a présenté cette possibilité récemment à l’adjoint à l’urbanisme, qui nous a soutenu que c’était impossible : c’est faux!", tonne, furieux, Michel Bonjardini.
Autre possibilité : obliger le propriétaire à solliciter un permis de construire. Il sera alors évidemment refusé et le préfet pourra demander la démolition. "Le préfet Videlaine pourrait ainsi respecter les engagements qu’il avait pris en 2017 lorsqu’il nous a reçus", appuie sévère Michel Bonjardini, persuadé qu’une "attaque double" peut laisser espérer une remise en état du terrain.
Problème: l’association avoue ne plus savoir quoi inventer pour se faire entendre des pouvoirs publics. Dans l’assemblée, on souffle d’alerter Julien Courbet, de lancer une pétition en ligne ou d’organiser une manif’.
Michel Bonjardini part sur une autre idée: l’ADPF va une nouvelle fois prendre sa plume... mais avec une encre moins sympathique. "Nous allons écrire à la Dreal mais cette fois pour les prévenir. Si d’ici à cet hiver, nous ne voyons rien bouger, nous attaquerons alors l’État devant le tribunal administratif pour ne pas avoir fait son travail. C’est très franc et très net."
Évidemment, après le feu qui a surpris le mont toulonnais début mai, le sujet du risque incendie a été largement évoqué par l’association de Défense et de protection du Faron. Et ici encore, Michel Bonjardini se retrouve à pester contre les autorités. "S’il n’y a pas de volonté politique forte, on va à la catastrophe", s’alarme le président de l’ADPF.
Selon lui, appliquer les obligations de débroussaillement 50 mètres autour des maisons serait déjà un progrès... mais resterait très insuffisant.
"Hormis deux oliveraies et la partie communale - parce qu’il y a un peu d’entretien et surtout par ce qu’elle est sur le rocher - la forêt classée est devenue impénétrable. Le jour où il y aura un incendie, personne ne pourra rien faire. Il faut absolument réaliser un dépressage sérieux de cette forêt."
Une action qui aurait par ailleurs le mérite, selon lui, de remettre en valeur des restanques historiques envahies par la végétation.
Autre motif d’agacement pour l’ADPF, l’ouverture du massif les jours de grand risque incendie conjuguant sécheresse et mistral.
"La route du Faron reste ouverte, uniquement pour satisfaire les quatre magasins au sommet", s’indigne l’ADPF (1). Elle estime que la présence de promeneurs sur les pentes du mont toulonnais - alors que la totalité des autres massifs varois est fermée au public à cause du risque incendie (journées rouges) - multiplie la possibilité de voir un feu se déclarer et pourrait causer des drames en cas de sinistre.