L’observatoire des vers luisants et des lucioles réalise une enquête participative pour connaître les populations de ces insectes lumineux. S’appuyant sur un réseau de 15 000 citoyens, il constate un déclin largement causé par l’humanité.
Tallenay (Doubs), reportage
Trois points brillants dans l’obscurité. La dernière fois qu’Éric Descourvières a aperçu des vers luisants, c’était à la fin du mois de juin, devant sa maison de Tallenay, un village du Doubs. « Je les ai découverts par une belle nuit noire en bordure d’une route communale, en lisière de prairie. Enfant, j’avais l’habitude de les observer. Cela m’a fait plaisir d’en revoir », raconte l’enseignant. Quelques jours plus tard, photo à l’appui, il consignait son observation dans un formulaire en ligne.
En effet, depuis 2015, une enquête participative vise à mieux connaître les populations de vers luisants et de lucioles en France. Souvent confondus, ces coléoptères de la famille des lampyridés diffusent tous une lumière verte pendant l’été. La bioluminescence résulte de la réaction chimique entre deux molécules nommées luciférase et luciférine avec l’oxygène. Rien de diabolique là-dedans : en latin, lucifer signifie « ce qui apporte la lumière ». Chez les vers luisants, cette propriété revient uniquement à la femelle qui, dépourvue d’ailes, reste immobile et s’éclaire en continu pour attirer un mâle. Du côté des lucioles, les deux genres sont ailés et bioluminescents ; ils clignotent en émettant des flashs de lumière très brefs.
Autrefois communs, ces insectes — une douzaine d’espèces en France — ont été peu étudiés. « En fait, on ne sait pas grand-chose sur eux. Ce ne sont pas de jolies bêtes comme les papillons ou les scarabées avec de belles couleurs ; ils n’intéressent pas les entomologistes », regrette Marcel Koken, chercheur en biologie moléculaire au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Ce spécialiste de la bioluminescence pilote l’observatoire des vers luisants et des lucioles avec Estuaire, un groupe associatif vendéen qui a initié d’autres programmes participatifs sur les bourdons, les hérissons, les mares et les libellules.
Compagnons à la fois magiques et mystérieux des soirées estivales, les vers luisants convenaient bien à une enquête destinée à réunir le maximum de contributeurs volontaires. Pour ce type de projet de science citoyenne, mieux vaut, effectivement, miser sur des espèces dotées d’un capital de sympathie. Et cela fonctionne. Grâce au relais local de 169 associations naturalistes, 15 000 observateurs répondent chaque année à la question suivante : avez-vous déjà vu un ver luisant ou une luciole ?
« C’est une enquête grand public à laquelle participent des gens qui ne sont pas dans notre réseau habituel », témoigne Bertrand Cotte. L’entomologiste amateur, coléoptèriste et membre de l’Office pour les insectes et leur environnement Franche-Comté, supervise la collecte de données dans sa région. En Bourgogne-Franche-Comté, 421 observations ont été recensées en 2021, grâce au travail de mobilisation de l’Observatoire régional des invertébrés.
Premier objectif de l’observatoire national : tenter d’évaluer et de localiser les populations. « Tout le monde dit "les vers luisants, on n’en voit plus". Alors on a voulu savoir s’il y en avait vraiment moins ou si c’est le changement de nos comportements qui nous rend moins attentifs », explique Marcel Koken. Résultat : les lampyres n’ont pas échappé au déclin général de l’entomofaune. « Si on se réfère aux anciens récits dans la littérature, il y a une vraie baisse. On ne retrouve plus les quantités décrites dans les articles », constate le chercheur du CNRS. On sait également que la principale espèce en France, Lampyris noctulica, est présente partout, même si la situation est plus dégradée dans le nord du pays. Les lucioles, elles, n’ont été signalées qu’autour de Nice et en Corse.
Des herbes hautes, de l’ombre et un peu d’humidité : c’est tout ce dont a besoin le ver luisant. « Il n’est pas très exigeant. On le trouve dans les jardins, les prairies, les bords de haie, les chemins forestiers, recense Bertrand Cotte. Et il lui faut aussi des limaces et des escargots. » Les larves (que l’on peut observer toute l’année) se nourrissent exclusivement de gastéropodes. Des animaux pourtant plus gros qu’elles, à qui elles réservent un sort funeste. « Ce sont des bêtes féroces, souligne Marcel Koken. Elles se jettent sur leur proie pour la mordre à plusieurs reprises. Le poison injecté la paralyse puis finit par la liquéfier. »
L’appétit de ces coléoptères en fait donc de précieux auxiliaires pour les jardiniers qui se désolent de voir leurs salades englouties par les limaces. L’utilisation de pesticides — et notamment de granulés antilimaces et escargots — apparaît comme l’une des principales causes de raréfaction des vers luisants. « Ils sont aussi perturbés par les lumières nocturnes qui désorientent les mâles. Il faudrait éteindre les lampadaires, les équiper de détecteurs d’approche ou orienter la lumière vers le bas, poursuit le gestionnaire de l’observatoire. L’abus de fauchage a également un impact. L’idéal serait de faucher l’herbe avant la mi-mai, puis après la mi-septembre et essayer de ne pas couper partout si ce n’est pas nécessaire. »
L’enjeu du programme scientifique de l’observatoire des vers luisants et lucioles est double : produire de la connaissance grâce à des contributions citoyennes mais aussi sensibiliser à l’effondrement de la biodiversité et au déclin alarmant des populations d’insectes. « L’enquête aide à communiquer sur une espèce phare pour pointer la régression de l’ensemble des insectes, y compris les plus communs », estime l’entomologiste franc-comtois.
Sauf que les moyens de l’observatoire sont trop limités pour atteindre pleinement cet objectif. Le programme est soutenu uniquement par le Département de la Vendée, ce qui ne permet pas de financer un poste de salarié afin de développer le réseau des observateurs et exploiter la base de données constituée depuis 2015. « Il n’y a pas de modèle économique viable pour ce genre de dispositif, déplore Fabien Verfaillie, le président d’Estuaire. On est frustrés de ne pas accomplir notre mission dans de bonnes conditions. On arrive juste à faire des constats alors qu’on aimerait pouvoir organiser les données de façon à réfléchir à des actions de conservation. »
Un élément pourrait inciter les pouvoirs publics à s’intéresser davantage aux lampyres : la découverte, en 2020, dans les Pyrénées-Orientales, d’une nouvelle espèce de luciole. Originaire d’Amérique du Sud, elle a été introduite en Espagne en 2016. Repéré par des programmes participatifs ibériques, le lampyre à corselet marqué a été déclaré comme potentiellement invasif et à surveiller par l’Office français de la biodiversité et l’Union internationale pour la conservation de la nature.
À raison de 10 kilomètres par an, l’espèce connaît une expansion rapide pour ce type d’insecte. Autre problème : les larves ne se nourrissent pas de limaces et d’escargots mais de vers oligochètes, les vers de terre indispensables à la vie des sols. « Les vers de terre souffrent déjà d’énormes pressions, notamment à cause d’une autre espèce envahissante, le ver plat. Cela peut être catastrophique, y compris pour l’humain avec des pertes de rendements agricoles et des sols compactés qui augmentent les risques d’inondation », s’inquiète Fabien Verfaillie. L’écologue veut croire « que, localement, le Département ou la Région accepteront de nous accompagner pour comprendre ce qui se passe et évaluer le risque associé au développement de cette espèce ». Une lueur d’espoir.
Pour votre jardin, vous pouvez planter des fleurs grâce aux sachets de tisane qui traînent dans vos placards.
Marjolaine
Vous n’avez pas la main verte et ne savez pas comment égayer simplement votre jardin ? Plantez le contenu de sachets de tisane. Un minimum d’effort pour un maximum d’effet garanti.
JARDIN - Si la période des semis est passée, il est tout de même possible d’embellir votre jardin à l’aide d’une méthode simplissime : planter le contenu des sachets de tisane qui traînent dans vos placards, parfois depuis plusieurs années. Pour cela, il suffit de se saisir d’un sachet de camomille, de nigelle, pavot ou autre plante fleurie. Périmé ou non, peu importe.
Frottez le sachet de tisane entre vos mains pour libérer les graines, dispersez-les sur une parcelle de terre nue en plein soleil, arrosez les bien et le tour est joué. La camomille, connue pour ses propriétés apaisantes et favorisant le sommeil, donne ainsi également de très jolies fleurs blanches, parfumées, semblables à des marguerites, qui égayeront votre pelouse, comme l’explique le HuffPost UK.
Les graines de nigelle donnent elles des fleurs plus fines et délicates, généralement de couleur pastel, parfaites pour combler les espaces vides dans votre jardin. Elles peuvent également être cultivées à côté d’autres fleurs, ce qui permet d’obtenir une végétation diversifiée sans effort.
Une belle pelouse sans effort
Pendant le premier mois ou jusqu’à la floraison, veillez à arroser régulièrement le sol. Une fois qu’elles ont fleuri, ces herbes sont très autonomes et continueront à prospérer d’elles-mêmes. Autre avantage : leur prix, qui est sans comparaison avec celui des graines vendues dans les magasins d’horticulture. Ne serait-ce qu’une demi-cuillère à café peut suffire à donner des tas de plantes.
Les petits sachets remplis de fleurs séchées sont récoltés mécaniquement et contiennent invariablement des têtes de graines mûres. Ces herbes ont presque toutes évolué afin de coloniser des sites ensoleillés, exposés, avec un sol pauvre et des niveaux d’eau bas, ce qui les rend très résistantes et faciles à cultiver. C’est le propre des « mauvaises herbes ».
Un bon exemple est le fenouil, que l’on trouve couramment sur les voies ferrées et dans les tas de décombres. L’aneth, qui est étroitement apparenté, peut être cultivé de la même manière. En tout cas, c’est une méthode facile et écolo de fleurir votre jardin ou jardinière. Et d’une année sur l’autre, les plantes repoussent.
Publié par Alexandre Lafon le 24 avril 2023
La Une du Figaro Magazine du 24 mars attirait l’attention des lecteurs sur quatre animateurs populaires d’émission d’histoire avec ce titre accrocheur : « Ils nous font aimer l’histoire. Pourquoi leurs émissions passionnent les Français ». Stéphane Bern, Lorànt Deutsch, Franck Ferrand et Virginie Girod officient chacune et chacun à la télévision ou à la radio, dans le cadre d’émissions dédiées ou comme chroniqueur : Franck Ferrand intervient sur le plateau des Grosses Têtes sur RTL, par exemple. Stéphane Bern, dans Secrets d’Histoire sur France 3, ou Franck Ferrand raconte sur Radio classique, semblent connaître une belle réussite en termes d’audience, la première fêtant ses quinze ans d’existence.
L’adaptation cinématographique des Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas, en salles depuis le 5 avril, est également l’occasion d’affirmer le triomphe d’une « histoire populaire » dont se régaleraient les Français, en parallèle d’une « histoire universitaire » bien trop éloignée des vraies problématiques historiennes. Stéphane Bern, figure de proue de l’histoire grand public dans les médias audiovisuels, déclare à ce propos : « Depuis les années 1970, à l’école, il est interdit d’enseigner le passé de façon charnelle. L’institution scolaire n’aime plus parler des grands personnages qui ont écrit l’histoire. Or, on ne peut intéresser le public à l’histoire sans l’incarner dans des hommes et des femmes. Les passions qui les animent – le désir de gloire ou de puissance, l’amour – et les épreuves qu’ils affrontent sont intemporelles. » Selon lui, le passé n’est intéressant que s’il raconte, que s’il s’appuie sur le destin de grandes figures, que s’il est présenté à travers le prisme des passions (amour, gloire et… beauté ?). Ainsi, il serait bon, pour le dit « grand public », catégorie aussi imprécise que commode, de ramener l’histoire à un récit passionné du passé des dominants. Bref, de revenir clairement à une histoire biographique des grands hommes (et femmes, tout de même), fondant une chronologie claire d’une histoire glorieuse de la France.
Resservant le discours conservateur d’un « roman national » aux couleurs des rois très chrétiens d’une France éternelle, cette représentation médiatisée semble devoir prendre de plus en plus d’importance dans l’espace public en fustigeant le travail des enseignants des premier et second degrés, et des universitaires. Ces derniers œuvrent pourtant justement à déconstruire ces représentations attachées à une historiographie datée, tout en travaillant à construire une culture commune critique de notre passé national, européen et mondial. Quitte à faire grincer des dents les tenants d’une histoire politisée. L’histoire, passion française, apparaît en effet comme un outil politique de premier choix. Ses usages, notamment médiatiques, disent une époque et une ambiance. La nôtre semblant devoir se plier aux manipulations les plus conservatrices alors même que d’autres voies proposées par des professionnels ou amateurs historiens sont possibles.
Nos « quatre mousquetaires » de l’histoire médiatique contemporaine surfent sur une profonde lame de fond propre à notre nation : la passion de l’histoire. Depuis la Révolution française et le père de l’histoire romantique Jules Michelet, cet intérêt ne se dément pas. La France est une nation qui s’est construite sur son histoire. Au Moyen Âge, les « chroniques de France » offraient un premier écrin au passé d’une même entité : nation, roi et État se confondant. Depuis 1792, les régimes libéraux puis les Républiques ont résolument réinvesti le passé pour dire le pays, le peuple et sa singularité : démocratie, souveraineté populaire, universalisme des droits. La construction de l’État-nation passe par une histoire (et une géographie) commune qui se dessine parfaitement à la fin du XIXe siècle, d’autant qu’après 1870 et la défaite contre la Prusse, il fallait répondre à cette question, développée par le philosophe Ernest Renan : Qu’est-ce qu’une nation ? (1882). Être français devient un « plébiscite de tous les jours » qui s’appuie sur une histoire commune, glorieuse et téléologique : la République représente le point final d’une épopée des grandes heures d’une nation.
L’école sera le berceau de cette histoire-fiction, les manuels scolaires de l’« instituteur national » Ernest Lavisse constituant des médiateurs particulièrement efficaces. Le roman national des grandes figures et de la chronologie fondée sur « nos ancêtres les Gaulois », la monarchie et la Révolution française se développe alors. À travers l’école, l’histoire – qui apparaît dans les lois scolaires de 1881-1882 – devient un pilier républicain. Aujourd’hui encore, elle reste inscrite dans tous les programmes de tous les niveaux, de l’école primaire au lycée général, technologique ou professionnel. Souvenons-nous du tollé qu’avait rencontré, il y a quelques années, le projet de supprimer l’histoire en terminale scientifique : l’histoire est solidement ancrée comme un bien commun, cultivé largement dans l’espace public.
Parallèlement à son usage politique et scolaire, l’histoire a conquis l’université au XIXe siècle, devenant, au XXe, la reine des sciences humaines à travers les œuvres d’un Marc Bloch, d’un Lucien Febvre ou d’un Fernand Braudel. L’histoire profite aussi dans les années 1970 du large mouvement d’ouverture culturelle aux masses démocratisées. Les ouvrages de la Nouvelle Histoire de Georges Duby ou de Jacques Le Goff gagnent le grand public. Montaillou, village occitan, d’Emmanuel Le Roy Ladurie, publié en 1975, connaît un succès retentissant. Les universitaires Alain Decaux, Marc Ferro, Max Gallo ou Pierre Miquel s’invitent à la télévision pour des programmes populaires de grande qualité, parfois en première partie de soirée. Ils sont autant conteurs qu’écrivains, conseillers aussi des politiques pour certains. Le magazine L’Histoire naît en 1979 et devient rapidement la référence en matière d’histoire universitaire transmise au plus grand nombre. Il est aujourd’hui encore plébiscité dans le monde enseignant et dans les foyers éclairés.
Dans les années 1980, la peur de « perdre la mémoire » impose aux historiens une réflexion collective sur les Lieux de mémoire autour de Pierre Nora. La volonté de sauvegarde du patrimoine matériel et immatériel devant l’accélération de l’histoire et de la modernité aboutit à un regain de musées, de journées dédiées aux commémorations et aux patrimoines. Des chantiers sont ouverts autour d’événements moins glorieux du passé national ou problématiques : la grande Révolution n’est-elle pas aussi celle de la Terreur ? La polémique entre le libéral François Furet et le communiste Albert Soboul traverse alors les médiatiques commémorations du bicentenaire de 1989. Dans les années 1990, l’émission Histoire parallèle d’Alexandre Adler, sur la Cinquième, connaît un succès certain : la fin de l’histoire annoncée n’en est pas une. Les émissions documentaires d’Arte par exemple prolongent aussi la qualité des programmes consacrés à l’histoire.
L’arrivée d’Internet démultiplie les supports de diffusion alors que les émissions télévisuelles de plus en plus interactives se modernisent. À la suite de plusieurs autres, la chaîne Youtube Nota Bene, lancée en 2014 par Benjamin Brillaud, devient un marqueur solide de la vulgarisation numérique de l’histoire, prolongeant son succès par des ouvrages grand public. Les podcasts d’histoire actuels, comme Paroles d’Histoire de l’historien André Loez, connaissent aussi une réelle notoriété. La géographie profite de l’excellente émission éducative de vulgarisation Le Dessous des cartes, créée en 1990 par Jean-Christophe Victor. Aujourd’hui largement utilisé dans les classes, ce programme court très pédagogique permet de proposer au public comme aux élèves des mises au point sur les pays, territoires, régions du monde et une ouverture solide de géopolitique.
Ces quelques rappels témoignent de l’épaisseur prégnante de l’histoire dans l’espace public, fondée sur la demande d’une population éduquée à la recevoir, par le biais d’une littérature historique très développée. L’édition, livres ou magazines, et la télévision portent ainsi une histoire médiatique de grande qualité, ouverte sur les problématiques universitaires. Nombre d’auteurs de fiction construisent aussi leur intrigue sur le passé. Sur la Grande Guerre, le centenaire a été l’occasion pour le romancier Pierre Lemaître de recevoir le prix Goncourt avec Au revoir là-haut en 2013. Avant lui, Jean Rouault obtenait le même prix en 1990 sur le même cadre historique pour Les Champs d’honneur. On ne compte plus les auteurs étrangers, nationaux ou locaux qui construisent leur succès sur des intrigues historiques (Cathares, Templiers, Résistance). Ils poursuivent la veine des romans du XIXe siècle dans le sillon des Trois Mousquetaires.
L’histoire reste ainsi le puissant moteur d’une culture partagée et un support de fiction efficace et largement médiatisé. Encore faut-il savoir regarder ce passé avec lucidité et vérité. Longtemps, l’histoire a bénéficié de plumes et de voix pour se porter au-devant d’un large public, sans perdre en route ses attraits : l’examen des sources, la critique et le débat, la puissance du récit fondé sur l’ouverture de problématiques neuves et plurielles, la force des enquêtes utiles à la compréhension et au partage d’un passé souvent problématique (la Shoah, la Résistance ou la collaboration, etc.). À y regarder de plus près, la diversité de l’offre culturelle et médiatique contemporaine d’histoire grand public n’est pas à remettre en cause.
Pourtant, depuis le tournant des années 2000-2010, l’histoire médiatique dite « populaire » a perdu de sa superbe, en particulier à la radio et à la télévision, sur les chaînes et stations les plus regardées et écoutées. Cette période est celle d’un temps de repli identitaire très fort, qui met la nation à mal. Communautarisme d’un côté, nationalisme et xénophobie de l’autre, le passé est pris en tenaille. Il est sommé de prendre position entre le « rôle positif de la France dans la colonisation » ou sur les « mémoires oubliées de l’esclavage ». L’histoire devient polémique et elle est utilisée à cette fin. Les lois mémorielles et le projet avorté d’une Maison de l’histoire de France brouillent le passé et son étude critique. L’histoire devrait-elle s’aseptiser ?
Les programmes « grand public » proposés par Stéphane Bern enclenchent alors un puissant retour en arrière. Les règnes des grands rois, les grandes batailles « fondatrices », les intrigues de cours dessinent une histoire conservatrice, sans peuple agissant, sans tensions sociales, un univers romanesque d’une France des « grands ». Une histoire vulgaire plus que vulgarisée qui n’est en rien de l’histoire. Un certain cinéma politiquement orienté cautionne et prolonge ce rapport délictueux au passé. Vaincre ou mourir, réalisé par Vincent Mottez et Paul Mignot en 2022, en est l’exemple criant.
Pourtant, depuis de nombreuses années, les historiens ont su porter un regard critique sur leur discipline. L’historiographie est devenue une étape obligée dans les études historiennes à l’université. Elle apparaît désormais jusque dans les manuels scolaires du collège et du lycée. Les études universitaires restent d’une grande vivacité et s’arment : un master « histoire publique » consacré à la médiation historique en direction du grand public s’enseigne à Nantes, Créteil ou Albi. L’histoire est désormais l’étude critique du passé et conserve en cela une forte finalité civique. Quelles sont les grandes problématiques historiographiques ? – Montrer que l’histoire est une connaissance toujours actualisée du passé car en lien avec des problématiques actuelles ; – que le « roman national » est une construction politique du passé associée à une période de notre histoire (les travaux de Suzanne Citron ont largement mis en lumière ces errements : angles morts des mémoires populaires, ouvrières, des minorités, construction d’une histoire des dominants sur les dominés, mémoires oubliées des femmes, de l’esclavage) ; – montrer, enfin, que les événements et la chronologie sont des constructions mobilisées par des usages politiques du passé.
Enseigner la chronologie suffit-il à faire de l’histoire ? Certes non, si cette histoire n’est pas problématisée, si elle ne porte pas un sens sur nos propres questionnements. Que Jeanne d’Arc ait été brûlée en 1431 est un fait, mais pourquoi est-ce un événement, que dit-il du rapport entre la religion et le politique au XVe siècle, et de la géopolitique d’alors ? Pourquoi Jeanne d’Arc devient-elle une figure si plurielle dans nos mémoires collectives ? Autant de questions qui permettent de mieux saisir les faits historiques, et non de les porter comme des étendards idéologiques imperméables à la critique.
L’histoire, notamment l’histoire enseignée, n’est plus un catalogue de faits et de personnages « à apprendre par cœur », mais une discipline intellectuelle fondée sur l’étude critique de documents. Elle s’est ouverte à l’histoire sociale et culturelle, à l’histoire des mentalités (dans les années 1980) et à l’histoire des représentations (dans les années 1990 et 2000). Mais sans perdre aussi ce qui fait un de ses charmes : l’art de l’écriture, du récit, de la vie. « Le bon historien, lui, ressemble à l’ogre de la légende. Là où il flaire la chair humaine, il sait que là est son gibier », affirmait Marc Bloch dans Métier d’historien (rédigé entre 1940 et 1943 et publié à titre posthume en 1949 – l’historien résistant ayant été torturé et exécuté par la Gestapo allemande en juin 1944).
L’histoire enseignée est incarnée : le professeur dit à travers des sources les conditions de vie paysanne dans l’Europe du Moyen Âge comme de celles du temps de l’absolutisme sous Louis XIV. Il convoque les témoins de la conquête des Amériques, le journal de bord des explorateurs, la lettre du combattant de 1914. Les élèves abordent au collège le Moyen Âge et l’implantation d’un christianisme qui tout à la fois cimente la société et impose une vision singulière du monde que les humanistes sauront interroger à partir du milieu du XVe siècle. L’Europe chrétienne ? Certes, mais riche d’autres héritages et de brassages culturels, attentive aux apports méditerranéens comme asiatiques. Une mondialisation européenne au XVIe siècle ? Sans doute, mais au prix d’une conquête violente des Amériques et du commerce triangulaire. Une France puissance mondiale au XIXe siècle ? Mais sous couvert d’apporter paix et civilisation en Asie et en Afrique, elle a instauré le travail forcé, la prédation économique et culturelle, un statut inégalitaire entre colons et colonisés. Une France victorieuse en 1918 ? Mais à quel prix et pour quoi ? En étudiant le concept de « sortie de guerre », les élèves comprennent mieux l’idée d’une « victoire endeuillée » et le coût social, politique et culturel d’un conflit mondial qui a durablement affaibli le continent européen.
Au final, ces quelques exemples rapidement exposés montrent combien l’histoire enseignée aujourd’hui, proche des recherches universitaires, dessine une discipline de la réflexion et de la raison. Les cours s’appuient sur des documents : textes, images, statistiques, cartes, objets parfois manipulés en classe. Loin des clichés les plus rances, elle permet aux élèves de se construire comme citoyens éclairés d’un passé complexifié, mais toujours ponctué d’événements rapportés à une culture commune, ouverte. François Ier, Richelieu, Louis XIV ou Napoléon restent des personnages marquants. Mais ils voisinent désormais avec Léonard de Vinci, Calvin, le testament d’un bourgeois du XVIIIe siècle, le témoignage d’un grognard sur les massacres en Espagne de 1808 ou celui d’un simple tonnelier audois, poilu des tranchées. Tous ont voix au chapitre, parce que tous ont fait l’histoire, qui ne mérite pas d’être privatisée par Mme de Pompadour.
Voici quelques pistes de lecture pour nos « quatre mousquetaires médiatiques ». Ces pistes peuvent intéresser d’autres lecteurs. Les historiens, spécialistes de tous horizons (histoire antique ou contemporaine, histoire sociale ou culturelle) ne cessent en effet de travailler, de renouveler leurs problématiques, et de porter leurs recherches hors du champ clos du monde savant. Les ouvrages présentés sont des publications plutôt récentes, portant sur des sujets neufs, généraux ou très spécifiques, mais susceptibles de nous éclairer mieux encore sur notre passé partagé. Elles concernent à la fois les dominants et les dominés, les hommes comme les femmes, les minorités comme les majorités, sans évacuer rigueur du récit et véracité associés à la recherche et à la critique raisonnée. Une histoire inclusive au profit du vivre-ensemble.
– Un manuel incontournable : Douze leçons sur l’histoire, d’Antoine Prost (Seuil, 1996), ou les attendus fondamentaux de la discipline historique posés par l’un de ses meilleurs représentants (histoire sociale, histoire de l’éducation). Antoine Prost évoque en conclusion un « devoir d’histoire » qui mérite encore d’être défendu. Son ouvrage plus récent Si nous vivions en 1913 (Grasset, 2014), fruit d’une chronique sur France Inter, apparaît comme une synthèse vulgarisée de haute voltige de la société française d’avant la Grande Guerre.
– Gérard Noiriel, issu du monde ouvrier, aujourd’hui directeur d’étude à l’Éhéss, a beaucoup travaillé sur l’histoire sociale et populaire : son Histoire populaire de la France, publiée en 2019 aux éditions Agone (Marseille), est désormais devenue un classique, aujourd’hui adaptée en bande dessinée. De la fin du Moyen Âge à aujourd’hui, l’auteur parcourt le territoire de la France actuelle du point de vue des classes populaires et des processus de domination. Le récit est dense, empli de témoignages, de révoltes, de conquêtes et de renoncements. Chaque épisode fait explicitement référence à notre actualité (migration, travail, montée des revendications identitaires).
– Patrick Boucheron avait, voici quelques années, dirigé une Histoire mondiale de la France (Seuil, 2017). Dans Quand l’histoire fait date (Seuil, 2023), fruit d’émissions proposées par Arte, ce professeur d’histoire au Collège de France souhaite « défriser le cours du temps ». L’historien interroge avec bonne humeur : « Je ne sais pas ce qu’est une date importante. Ce que je sais, c’est ce que la mémoire peut en faire ». Voilà un point de départ rafraîchissant qui bouscule nos certitudes. Que révèle l’étude de l’An Mille, pourquoi cette fascination pour Lascaux ou 1347 (la grande peste) ? En 751, Charles Martel, Poitiers ?
– L’historien Michel Pastoureau, spécialiste du Moyen Âge, des couleurs et de leur signification, vient de publier un ouvrage dense intitulé Dernière visite chez le roi Arthur (Seuil, 2023). Ce livre revient sur l’écriture de La vie quotidienne au temps des chevaliers de la Table ronde, son premier livre de jeunesse paru en 1976. De quoi éclairer l’histoire du quotidien au Moyen Âge, l’histoire d’une légende et de ses postérités, mais également l’histoire de l’histoire de l’écriture historienne. Il est donc bien possible de faire rêver un large public à la légende arthurienne (ses dames, ses chevaliers, son épopée) avec rigueur et enchantement.
– La Commune de Paris ? Peut-être un épisode de Secrets d’Histoire… ? D’autant que l’épopée des Communards jouit aujourd’hui de recherches neuves, d’une somme critique refroidie, éloignée des enjeux politiques du XXe siècle (Michel Cordillot (dir.), La Commune de Paris. 1871. Les acteurs, les événements, les lieux, Les Éditions de l’Atelier, 2021). Arte a su présenter un documentaire animé d’une rare beauté intitulé Les damnés de la Commune (2021) en s’appuyant sur la bande dessinée du même nom (Delcourt, 2017-2019). La bande dessinée, art historien dynamique souvent adaptée à la télévision, que portent avec courage et dévouement à la raison les éditions de l’école des loisirs ou Rue de Sèvres.
– Claire Andrieu, professeure d’histoire contemporaine à Sciences Po Paris, publie en 2021 chez Tallandier sa recherche : Tombés du ciel : le sort des pilotes abattus en Europe, 1939-1945. Elle éclaire les actes de résistance populaire durant la Seconde Guerre mondiale. De quoi replacer les populations au cœur des problématiques du phénomène guerrier. Les actes de résistance sont aussi ces actions de l’ombre, loin de la geste gaullienne dont elle fut pourtant un élément trop mis en lumière.
– Finissons ce tour d’horizon par une jeune collection audacieuse, portée par un éditeur toulousain (Éditions midi-pyrénéennes). Il propose des ouvrages de 44 pages, de petit format, synthèses rédigées par des universitaires, sans notes de bas de page. Les thèmes ? Du libertinage à l’arrivée des pieds-noirs en France après la guerre d’Algérie, des Wisigoths à Toulouse à l’essor de l’aéronautique dans la Ville rose. Histoire des femmes, des hommes, des nobles comme des ouvriers. Chaque livre raconte un événement, mais surtout dresse le portrait d’une époque, d’une ambiance. De quoi nourrir et susciter la curiosité, à peu de frais et en tout lieu. Plaisir de la lecture nomade pour concurrencer les réseaux sociaux. https://www.edimip.com/catalogue/ouvrages/essais/catalogue-de-la-collection-cette-annee-la/
Pour conclure, il est navrant que des figures médiatiques de l’audiovisuel public ou privé, sous couvert de répondre à la (fausse) demande de leurs téléspectateurs, de leurs auditeurs, défigurent à ce point le patient travail des historiens et des professeurs qui enseignent tous les jours l’histoire, des éditeurs et réalisateurs de documentaires exigeants. Leur conservatisme et leur représentation de l’histoire nuit finalement au vivre-ensemble. Leur rôle devrait être justement d’amener plus loin et plus haut ceux qui les suivent. Non de flatter leurs représentations faussées ou les amener à penser une France passée caricaturée. En ces temps de transition, souvent douloureux, il serait judicieux qu’ils utilisent leur notoriété pour soutenir la connaissance historique et une histoire inclusive, au lieu de faire de Versailles ou de Poitiers les origines de notre France plurielle.
Alors que les pénuries d’eau s’installent sur l’ensemble de la France, promenons-nous dans la garrigue. Ce milieu typique du pourtour méditerranéen foisonne de plantes adaptées à la sécheresse. Pour autant, il reste menacé.
Nombre de végétaux méditerranéens germent et fleurissent à l’automne. - © David Richard / Reporterre
Ça pique, ça griffe, ça gratte. Sous un soleil déjà vif, notre balade printanière prend vite des airs de parcours du combattant. Slalomer entre les chênes kermès aux feuilles dentelées et les genêts scorpions, veiller à ne pas trébucher sur les rocailles, guetter l’ombre bienfaisante d’un pin. « Bienvenue dans la garrigue ! » dit dans un sourire Thibault Suisse. Notre guide du jour est botaniste au sein des Écologistes de l’Euzière, une association héraultaise qui fait, entre autres, de l’éducation à l’environnement.
« La particularité de ce milieu, c’est qu’il est semi-aride », explique le naturaliste. Et c’est justement ce qui nous amène ici, dans ce massif buissonnant à quelques kilomètres de Montpellier : en ces temps de sécheresse chronique, la région méditerranéenne, qui vit depuis des millénaires sans beaucoup d’eau, fait figure de modèle. Demain peut-être, d’autres zones de France ressembleront à ces collines pelées et étonnantes.
En ces temps de sécheresse chronique, la garrigue, qui vit depuis des millénaires sans beaucoup d’eau, fait figure de modèle en France. © David Richard / Reporterre
L’habit ne fait pas le moine, dit l’adage. Et la garrigue, sous ses allures revêches, cache une multitude d’espèces aux super-pouvoirs. Pour survivre ici, la végétation a en effet dû s’adapter au manque d’eau, aux étés caniculaires, aux feux…
Première singularité, « les plantes d’ici ne perdent pas leurs feuilles, explique Thibault Suisse. Elles les gardent toute l’année pour pouvoir faire de la photosynthèse et se développer dès que les conditions sont optimales ». Nombre de végétaux méditerranéens germent et fleurissent ainsi à l’automne, quand la plupart de leurs congénères continentaux préfèrent le printemps ou l’été. Autre originalité, leur taille : « Plus on est petits, moins a besoin d’eau », précise le naturaliste.
Face aux sécheresses, il s’agit aussi — et surtout — de garder son eau, autrement dit, de ne pas trop transpirer. « Beaucoup d’espèces ont développé la “technique du K-Way”, souligne notre guide. Leurs feuilles sont enduites d’une mince pellicule de cire, qu’on appelle une cuticule. » Avec leur feuillage luisant, le chêne kermès ou le chêne vert suent moins l’été.
Autre astuce imparable : « Le thym ou le romarin ont des feuilles toutes fines, le genévrier cade s’est plutôt doté d’aiguille, décrit le naturaliste. Le genévrier de Phénicie a opté pour des sortes d’écailles. » Différentes options pour un même résultat : réduire la surface d’évapotranspiration.
Le genèvrier cade s’est doté d’épines pour réduire la surface d’évapotranspiration des feuilles. © David Richard / Reporterre
Le botaniste sort de sa poche une petite loupe pour inspecter le dessous pelucheux d’une feuille de romarin. « Ces petits poils ont une double fonction, explique-t-il. Ils font office de double-vitrage pour mieux isoler la plante, et reflètent la lumière du soleil, grâce à leur blancheur. »
La plante aromatique dispose d’un ultime super-pouvoir : ses huiles essentielles. « L’évaporation, ça rafraîchit », rappelle Thibault Suisse, d’où l’agréable sensation de fraîcheur quand on sèche au sortir d’un bain de mer ou de rivière. Mais comment transpirer sans perdre d’eau ? En laissant se volatiliser des corps gras, moins denses que l’or bleu. La garrigue est ainsi parsemée de ces espèces odorantes qui font saliver les promeneurs.
Qui dit milieu sec, dit également risque de feu. Beaucoup de végétaux font donc avec les flammes. Le botaniste évite soigneusement un tapis de fleurs jaunes — des narcisses de garrigue. « C’est une espèce à bulbe, ce qui lui permet d’avoir ses réserves d’eau et de nutriments sous terre », indique-t-il. Pratique en cas d’incendie qui ravagerait la surface.
D’autres plantes, comme les cistes ou l’olivier, se sont particulièrement accommodées des brasiers. « Les graines de ciste germent bien mieux après avoir été soumises à de fortes températures. On peut reproduire ça en les passant au four, développe Thibault Suisse. Quant à l’olivier, ses noyaux se développent très bien dans les cendres. » Il n’est ainsi pas rare de découvrir des jeunes pousses dans les restes grisâtres d’un barbecue où l’on aurait jeté les résidus de l’apéro.
Le naturaliste est insatiable. Il ne cesse de se pencher vers le sol, pointant du doigt ici une salade sauvage, là une jonquille, là-bas une jeune touffe de thym. Contrairement aux apparences, « la garrigue abrite une richesse et une variété végétales remarquables, insiste-t-il. 80 % des quelque 6 000 espèces de plantes connues en France sont présentes ici ». La région méditerranéenne est ainsi ce qu’on nomme « un “hot-spot” de biodiversité ».
Un milieu exceptionnel, mais menacé. Par l’urbanisation galopante et le recul du pastoralisme — les moutons ont longtemps permis de garder ces milieux ouverts, laissant s’épanouir une flore singulière. Mais aussi par le changement climatique. « La végétation est adaptée aux sécheresses estivales, mais pas au manque d’eau chronique et aux sécheresses précoces, en début d’année », souligne John Thompson, écologue au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
D’autant plus que le pourtour méditerranéen se situe aux avant-postes de la crise climatique. « Les espèces peuvent s’adapter, elles ont moins de feuilles par exemple, mais il y a des limites en matière de température et de disponibilité en eau », abonde Isabelle Chuine, directrice de recherche au Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive du CNRS.
Reste le déplacement. « Des études menées sur l’ensemble de la flore montre qu’elle remonte vers le nord et les sommets, indique Isabelle Chuine. Le chêne vert, par exemple, se retrouve le long de la façade Atlantique. » Les espèces xérophytes du sud, qui aiment la sécheresses, pourraient ainsi se disséminer dans certaines zones de l’ouest et du centre de la France.
Alors, garrigue partout ? « Ce n’est pas si simple, nuance John Thompson. Il y a d’autres facteurs qui jouent : les sols appropriés par exemple. » Il faut aussi que les végétaux puissent essaimer, grâce aux pollinisateurs ou aux oiseaux. « Le déclin des insectes, les barrières que constituent les routes, les villes freinent ce processus… On empêche la nature de se déplacer », prévient le chercheur.
La région méditerranéenne semble bien condamnée à la mutation. « La végétation pourrait se modifier et ressembler à celle de l’Andalousie ou de l’Afrique du Nord, esquisse Isabelle Chuine. Moins dense, plus pauvre d’un point de vue biodiversité. » D’ici la fin du siècle, la garrigue pourrait peu à peu laisser place à un milieu semi-désertique.