COMMENT REDONNER LA PAROLE AUX CITOYENS. Épisode 4. De plus en plus de communes françaises consacrent une partie de leur budget à la réalisation de projets portés par leurs citoyens. La ville du Pradet est la première du Var à avoir testé le principe du budget participatif. Explications.
De nouveaux courts de tennis pour les jeunes, des panneaux photovoltaïques pour produire une énergie propre, une fontaine entièrement rénovée… Au Pradet, les projets ne manquent pas. Les idées non plus. Rien d’affolant sur le papier certes, sauf que la grande particularité de ces chantiers, c’est qu’ils ont été décidés... démocratiquement. Grâce à la participation directe des habitants.
Tel est le principe du budget participatif adopté par la petite commune varoise, et qui fait aussi florès un peu partout en France. La pratique ne date pas d’hier. La municipalité pradétane n’a rien inventé. Du moins pas dans ce registre.
Le concept de budget participatif est apparu au Brésil il y a trente ans, sous l’impulsion du Parti des Travailleurs qui entendait défendre une certaine idée de justice sociale en permettant aux habitants des quartiers les plus pauvres d’être prioritaires dans l’accès à l’investissement.
En France, la pratique s’est instaurée au début des années 2000, dans quelques communes principalement étiquetées communistes. La ville de Grigny, dans le Rhône, a été l’une des premières à s’être fait remarquer dans ce sens en mettant en place un budget participatif pendant dix ans.
Parfois, plus d’une centaine de propositions étaient discutées lors de grandes réunions publiques avant d’être soumises au vote. Ainsi, jusqu’à 25% du budget d’investissement de la commune a été géré de manière participative.
Concrètement, la mairie du Pradet a décidé quant à elle de consacrer une enveloppe d’environ 160.000 euros à la réalisation de ces projets portés par le peuple. Cela représente moins de 1% de son budget d’investissement, mais comme dit Chantal Mouttet, présidente du Pradet Environnement, dont le projet d’installation de panneaux photovoltaïques a été retenu, "c’est déjà ça". "Un premier pas qui montre que le maire est a priori à l’écoute de ses concitoyens".
"Cette initiative a permis de faire remonter des idées que l’on n’avait pas forcément ou que l’on n’aurait peut-être pas priorisées", explique justement Hervé Stassinos, le maire (LR) du Pradet. Pour lui, "c’est toute la beauté de la démocratie".
Il y a un peu moins d’un an, la maire varoise a donc créé une plateforme en ligne, sur laquelle les Pradétans ont été invités à présenter leur dossier. Au bout de quelques semaines, 41 projets ont été recensés.
Parmi lesquels de vrais projets citoyens, mais aussi quelques idées plus saugrenues. Pêle-mêle, on a trouvé la création d’une base de jet ski, une campagne de vaccination contre la grippe, un plan de lutte contre le chômage, un parc à chien, l’aménagement d’une place de parking-minute pour les usagers de la boulangerie du centre, ou encore, beaucoup plus ambitieux, l’idée de faire circuler un VAL (une espèce de métro sur pneu) qui relierait La Seyne-sur-mer à La Garde, les porteurs de projet précisant au passage que "les 150.000 euros (initialement prévus par la mairie) pourraient servir à commencer les études"!
Après analyse de chaque dossier, la mairie a finalement retenu 13 projets "conformes au règlement du budget participatif". L’idée étant bien évidemment de "satisfaire l'intérêt général" et que ces projets relèvent aussi des compétences communales. Avant de les soumettre au vote final.
Tous les Pradétans âgés d’au moins 16 ans ont enfin pu s’exprimer en faveur des trois dossiers de leur choix. Et le couperet est tombé au bout de quelques semaines. Cinq projets ont donc été retenus.
Dans l’ordre décroissant (du budget alloué), il y a d’abord l‘installation d’une ou deux balançoires supplémentaires au Parc Cravéro où les enfants se bousculent (coût: 10.000 euros). Vient ensuite la création d’un parc de Street Work-out à La Bâtie (coût: 20.000 euros). Puis, la rénovation du mini-tennis au TCP (coût: 25.000 euros). La fontaine de la place Flamenq aura elle aussi droit à sa petite cure de jouvence (coût: 30.000 euros). Enfin, le plus gros projet portera sur le déploiement de panneaux photovoltaïques, vraisemblablement sur les toits de l’école Sandro (coût: 75.000 euros).
Les travaux des cinq chantiers lauréats devraient être réalisés en cours d’année, "en débordant peut-être sur 2020". Mais la municipalité envisage d’ores-et-déjà de reconduire l’expérience du budget participatif cette saison.
Pour ce premier test grandeur nature, 182 personnes ont voté. Parmi eux, Thierry et Elsa, ont donné leur voix au projet du parc Cravéro parce que le manque de balançoires peut parfois être "une vraie source de conflit" entre enfants, voire entre parents. Tous deux trouvent que, sur le principe, le budget participatif est une "bonne idée". "Mais pas la peine non plus de généraliser la pratique, poursuit Thierry. Sinon on passe notre temps à voter et après, ça ne sert plus à rien d’avoir un maire!"
"D’habitude, les habitants ne sont pas consultés. Là, on se sent utile, c’est constructif. Et pour une fois, on va voter avec plaisir".
Président du Tennis Club Pradétan, Denis Tendil apprécie pour sa part le fait que les citoyens puissent "donner leur avis sur leur commune". Lui qui se bat "depuis des années pour développer des activités de tennis pour la jeunesse" est heureux que son projet de rénovation de mini-tennis ait été retenu.
Pareil pour Dimitri Prisier. Ce chef d’entreprise pradétan juge cette "démarche démocratique géniale". Il était même "étonné" d’apprendre son existence. Son projet, c’est le parc de street work-out, une espèce d’aire de jeux pour adultes, avec barres de traction et autres agrès très prisés des sportifs qui aiment avoir les muscles saillants. "D’habitude, poursuit-il, les habitants ne sont pas consultés. Là, on se sent utile, c’est constructif. Et pour une fois, on va voter avec plaisir".
L’engouement est unanime. Ou presque. Seuls les membres de l’association Le Pradet Environnement ne cachent pas une certaine déception dans la mesure, expliquent-ils, où "le projet photovoltaïque ne correspond plus tout à fait à ce qui avait été proposé à l’origine". A savoir, que la "dimension citoyenne et coopérative" qui aurait "permis aux habitants d’être véritablement acteurs du changement" a été quelque peu oubliée...
"C’est sans doute le projet le plus complexe, donc on a finalement décidé de faire quelque chose de simple et pragmatique", rétorque Hervé Stassinos.
Très attachés à l’idée de démocratie participative, les membres de l’association écologique souhaiteraient en fait "élargir le débat, organiser davantage de réunions dans ce sens, pour que les citoyens s’impliquent encore plus et de manière concrète dans la vie de leur commune".