Une étude agrège les résultats de 126 publications sur la pollution lumineuse et constate un dérèglement massif du vivant, un effet similaire au réchauffement climatique.
ENVIRONNEMENT - La pollution lumineuse déséquilibre notre écosystème et peut même être comparée, d’une certaine manière, au réchauffement climatique. C’est ce que conclut une étude parue ce lundi 2 novembre, dans la revue scientifique Nature, ecology and evolution.
La nuit en ville, partout sur la planète, les étoiles semblent moins scintiller. Elles sont en réalité happées par les reflets orangés de nos lampadaires, de nos enseignes, de nos lampes et phares. Presque un quart de la planète est éclairé en permanence et cette surface augmente de 2% chaque année.
L’étude, réalisée par des chercheurs de l’université d’Exeter, au Royaume-Uni montre que l’éclairage nocturne ne gâche pas seulement nos nuits à la belle étoile, mais déstabilise gravement le fonctionnement du vivant.
Des effets omniprésents
La lumière artificielle perturbe la pollinisation, décale la fleuraison, brouille les déplacements des oiseaux et des tortues de mer. “Ce qui ressort, c’est à quel point les effets sont omniprésents. On retrouve des conséquences de cette pollution partout, chez les microbes, insectes, animaux et plantes ”, a déclaré Kevin Gaston, un des auteurs de l’étude, au Guardian.
Pour parvenir à cette conclusion, Kevin Gaston et ses collègues ont analysé et compilé les résultats de 126 publications scientifiques, chacune d’entre-elles se focalisant sur peu d’espèces. Cette “méta analyse ” permet de tirer des tendances générales et de regrouper les informations obtenues sur l’ensemble des êtres vivants étudiés ces dernières années.
L’étude met en évidence l’influence de la lumière artificielle sur le taux d’hormones des animaux. Les chercheurs ont observé une réduction drastique de la quantité de mélatonine, l’hormone du sommeil chez la plupart des espèces qui en produisent à l’état naturel. C’est un des résultats les plus significatifs. Conséquences? Avec moins de mélatonine, la vigilance baisse et les cycles jours-nuits de ces espèces sont modifiés.
Les chercheurs ont ensuite regardé l’immunité, c’est-à-dire la capacité de l’organisme à se protéger des virus, ainsi que le stress. La pollution lumineuse produit un effet chez la plupart des êtres vivants observés, sans que l’on puisse cette fois-ci dégager une tendance. Certains organismes semblent compenser, ou s’adapter à cette perturbation lumineuse. L’étude ne permet pas d’en dire plus.
L’article de recherche met aussi en évidence une diminution des performances du cerveau, autrement dit une perte de cognition. Cet effet est principalement démontré chez les rats car pour tester les capacités cognitives des animaux, il faut réaliser des expériences en laboratoire. Les rongeurs font en moyenne moins d’enfants et sont plus susceptibles de se faire attraper par des prédateurs lorsque leurs nuits sont éclairées.
Dérèglement des saisons
Même les plantes réagissent à nos néons et projecteurs. La flore n’est pas en mesure de différencier une longue nuit d’été et une enseigne allumée en permanence en hiver. Ainsi, les plantes ne savent plus vraiment se repérer dans les saisons. La fleuraison et la feuillaison commencent et s’arrêtent à des moments qui ne correspondent plus à leurs cycles naturels.
Alors faut-il réduire les zones éclairées la nuit ou changer nos DEL, à la lumière forte et blanchâtre? Selon l’étude, le spectre, en quelque sorte la couleur de l’éclairage, exerce une influence sur les êtres vivants, tout comme l’intensité lumineuse et la durée de l’éclairage.
Agir sur ces éléments participe à réduire les conséquences de la pollution lumineuse, mais cela ne suffit pas. L’étude pointe la difficulté d’établir des politiques publiques: même à très faible intensité, l’éclairage nocturne peut avoir de très forts impacts. De plus, les chercheurs ne savent pas encore très bien comment expliquer que toutes les espèces ne réagissent pas de la même manière à ces nuisances.
Comme la pollution lumineuse dérègle le vivant, elle doit être combattue, mais aussi étudiée à la manière du réchauffement climatique. C’est à dire, dans son ensemble, en considérant toutes les réactions en chaine produites par cette interférence humaine, recommandent les chercheurs.
Avertissement : Connectez-vous sur le journal pour voir les images.
Il aura fallu attendre le milieu des années 1970 pour que l’on prenne enfin conscience de cette source de pollution insidieuse générée par… nos lampadaires!
L’un des premiers lanceurs d’alerte en France fut Jean Kovalevsky, astronome émérite de l’Observatoire de la Côte d’Azur qui présida la Société Astronomique de France de 1970 à 1973.
C’est à cette époque que fut installé au plateau de Calern, sur les hauteurs de Grasse, un tout nouveau site d’observation. Jean Kovalevsky en devint, légitimement, le premier directeur.
En 1975, il présenta dans la revue scientifique L’Astronomie, ce site exceptionnel choisi notamment pour sa vue dégagée sur la mer qui facilite les observations…
À cette nuance près que les villes du littoral et leur "halo lumineux", soulignait alors l’auteur, viennent perturber le travail des chercheurs.
Pour la première fois, la notion de "pollution lumineuse" est ainsi évoquée en France par Jean Kovalevsky...
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Lundi, Charles-Ange Ginésy devait réunir 75 maires pour obtenir leur appui en vue d’une candidature à la Réserve internationale de ciel étoilé. Loin d’une utopie, un enjeu majeur.
Avouez, c’est une sensation incroyable, non? Observer les étoiles, allongé dans un champ, assis sur un rocher, par une nuit parfaitement noire. Qui n’a pas un jour rêvé en contemplant la voie lactée ou une pluie d’étoiles filantes des Perséides?
C’est cette magie que cherche à retrouver le Département des Alpes-Maritimes. Car nos nuits sont blanches. Polluées par des éclairages urbains qui effacent les étoiles et déstabilisent la faune.
75 communes vont donc postuler à la Réserve internationale de ciel étoilé (Rice). Elles recouvrent trois territoires: la communauté de communes Alpes d’Azur et sa réserve naturelle régionale des Gorges de Daluis, le Parc national du Mercantour, le Parc naturel régional des Préalpes d’Azur.
Cette réserve - il en existe déjà deux en France (dans les Pyrénées et dans les Cévennes) - sera constituée d’une zone cœur, préservée de toute pollution lumineuse, et d’une zone tampon où seront mises en place des actions pour améliorer l’éclairage public.
"On éclaire comme des malades"
Rien d’une utopie. Ce label est décerné par l’International Dark Sky Association, basée aux États-Unis.
Il récompense une "qualité de ciel nocturne exceptionnelle et engage les territoires à mener des actions de réduction de la pollution lumineuse".
Dans l’un des plus beaux villages de Frances, qu’on croirait de nuit perché au milieu des étoiles, un maire est déjà convaincu de l’utilité de cette candidature.
Il s’agit de Daniel Mele, à Gourdon. Lui aussi a décidé de réinstaurer de la magie dans nos nuits. Avec deux étoiles sur cinq, sa commune est déjà labellisée "Villes et villages étoilés".
"Nous faisons depuis deux ans l’effort de réduire la pollution lumineuse du village. Il s’agit de redonner une nuit la plus noire possible pour offrir à la faune toute l’énergie qu’elle avait perdue depuis qu’on éclaire comme des malades. Avec cet éclairage démesuré, petit à petit, on détruisait tout, pour les chauves-souris, les insectes."
La nuit, Gourdon est désormais enveloppé d’un halo doux. Des lampadaires qui éclairaient vers le ciel ont été réorientés vers le sol.
Finies les lampes au sodium, les leds remplacent au fur et à mesure les éclairages. Le maire fera éteindre prochainement toute la périphérie du village après minuit. "Cela ne sert à rien d’éclairer les parkings visiteurs la nuit."
Retrouver un ciel étoilé est un cercle vertueux. La démarche éco responsable permet des économies non négligeables. "Grâce à ces mesures, nous avons économisé 40% de notre facture d’électricité."
Sans dépenser un euro de plus, Gourdon a ainsi pu investir dans six véhicules électriques. Selon l’association qui promeut "Villes et villages étoilés", 6 millions d’euros vont être économisés par les 374 du label, selon les chiffres de 2017.
"Urgent d’agir"
Charles-Ange Ginésy, président du Conseil départemental, qui pousse le projet de Réserve internationale, n’a pas oublié ses nuits de gamin, à Valberg, à observer les étoiles.
Il n’oublie pas non plus que le département est une terre historique d’astronomie, reconnue comme telle depuis le XIXe siècle. Et ce, du plateau de Calern à l’observatoire du mont Mounier, succursale de l’observatoire de Nice, en passant par la Cime de l’Aspre ou le Col de la Bonnette-Restefond.
Cette candidature s’inscrit dans le cadre du Green deal, projet de transition écologique développé par Charles-Ange Ginésy depuis son élection.
C’est en visitant une réserve de ciel étoilé dans les Pyrénées, qu’il s’est convaincu du sujet. "J’ai toujours eu beaucoup de nostalgie à l’égard de l’observatoire disparu du mont Mounier."
Selon lui, "il est urgent d’agir". Ce lundi, il réunira les 75 maires concernés par la candidature pour obtenir leur feu vert.
Le but: redécouvrir les mystères et les beautés du ciel nocturne étoilé. Pour avoir de nouveau la tête dans les étoiles. Et faire que nos nuits soient plus belles que nos jours.
Rien que pour vos yeux : participez à l’observation des effets (néfastes) de la pollution lumineuse dans le ciel.
La pollution lumineuse est ce phénomène qui vous empêche de regarder les étoiles en ville. En cause : l’éclairage public et les lampadaires artificiels dont certains sont mal conçus. Au-delà de nous empêcher de profiter de la beauté d’un ciel étoilé, la pollution lumineuse provoque aussi des effets nuisibles sur l’écosystème du ciel, la faune et la flore… entre autres. Et quoi de mieux qu’une application participative pour connaître les zones les plus impactées dans le monde ?
Pour utiliser Ciel en péril, c’est très simple. Il suffit de démarrer l’application et… de lever les yeux au ciel. Nul besoin de jumelles ni de télescope, et c’est justement là tout l’intérêt. L’appli vous demande de chercher les étoiles et d’indiquer si elles sont visibles à l’œil nu ou non. Ce après avoir réglé quelques paramètres tels que les conditions météo, votre âge et la qualité de votre vue. Les données recueillies via Ciel en péril sont ensuite transmises (anonymement) au projet GLOBE at Night qui regroupe toutes les mesures effectuées. Bonus : utiliser Ciel en péril est aussi un très bon moyen d’apprendre les noms des étoiles et des constellations.
Le saviez-vous ? Il existe des lieux préservés de toute pollution lumineuse, labellisés Réserve internationale de ciel étoilé (RICE) grâce à des critères d’éclairage bien précis. On en compte une dizaine dans le monde à l’heure actuelle, dont deux en France (le Pic du Midi et le Parc national des Cévennes).
Ciel en péril est à télécharger gratuitement sur l’App Store pour iOS et sur Google Play Store pour Android.
J'aime la nuit. Pas la nuit blanche des noctambules, ni celle des illuminations de Noël.
Encore que la nuit bleue-diode dont les extra-terrestres ont marqué le village revêtait un charme étrange à Noël passé (2007).
Non, la nuit que j'aime, c'est la nuit noire, la nuit profonde, la nuit vraie.
Celle des quarts en mer où l'on est seul sous les étoiles
Celle du lit tiré sur la terrasse les soirs d'été
Celle des heures passées sur le toit avec le télescope.
Aussi quand l'éclairage public a inondé mon chemin, je me suis battue bec et ongles contre cette invasion.
J'ai argué que mon cadre de vie en était tout révolutionné : à quoi bon choisir la campagne si la nature est refoulée par un progrès indésirable ?
En vain : la civilisation a donc envahi mon chemin (côté lumière, s'entend, car c'est toujours l'âge de pierre côté chaussée, égouts ou telecom)
J'ai donné mon télescope, les lumières de la ville ne sont plus un émerveillement lointain au fond de la vallée, mais une réalité proche, une promiscuité agressive, un éblouissement envahissant.
Les lumières de la ville - Photo © Cécile Cadel
Je dois étouffer pendant les nuits d'été derrière les volets fermés. Et un supplément de dépenses personnelles pour la climatisation s'ajoute aux suppléments de dépenses mutualisées car le surcoût énergétique de l'éclairage public va peser sur les impôts communaux.
Et là je n'aborde même pas les arguments écologiques. Je vous laisse les réciter tous seuls, vous les connaissez par cœur, de la chasse au gaspi au Grenelle de l'environnement, sauvons la planète et tutti quanti.
Or d’oncques, j'étais là, enfermée dans la clim et dans une colère maussade, pestant comme une rebelle contre la décision imposée, mais vaguement coupable de nostalgie rétrograde. Car l'Intérêt Public, la Sécurité, le Progrès, la Civilisation, la Responsabilité du Maire sont les contr'arguments avec Majuscules que m'a renvoyés l'autorité quand j'ai tenté de discuter. Je m'en suis sentie toute écrasée, responsabilisée, culpabilisée, sur fond latent de malaise et de mécontentement.
Je ne pouvais demeurer plus longtemps sur la pente savonneuse de cette dépression larvée, j'ai pris le taureau par les cornes, je me suis remise en cause et j'ai donc cherché comment me sortir de ce marasme marécageux. Pour trouver le remède, il faut déjà un bon diagnostic, donc inventorier les symptômes et donner un NOM à cette maladie. Car j'étais sinon coupable, du moins malade. les autorités me l'avaient démontré : je refusais le progrès, j'étais ringarde, rétrograde, réactionnaire, anachronique, obsolète. Bref, je sentais la naphtaline.
Le premier symptôme, celui du nyctophile, de l'adorateur de la nuit noire, l'adepte de l'obscurité profonde, semblait au premier abord relever de la manie, de l'addiction et des comportements sectaires. J'avais empoigné mon clavier, je compulsais sur mon écran les encyclopédies médicales, je consultais tous ces experts qui foisonnent sur le net. Eh bien, il s'est avéré qu'autant la lumière compte parmi les thérapies naturelles émergentes, autant l'alternance de la lumière et de l'obscurité, synchroniseur du cycle veille/sommeil semble essentielle à la qualité du sommeil.
Soyons brièvement techniques : le cycle veille/sommeil est soumis à l'influence de synchroniseurs. l'endormissement est la conséquence de la synchronisation de plusieurs phénomènes :
En l'absence de synchroniseur externe (lors d'expériences hors du temps, comme celle de Michel Siffre dans les gouffres ou celle des sous-mariniers.), mon horloge biologique va continuer à rythmer l'alternance veille/sommeil selon des variations circadiennes (autour de 24 heures). Mais la qualité du sommeil en sera altérée : l'alternance lumière/obscurité, la variation du niveau d'activité sociale, le niveau du bruit ambiant sont autant de phénomènes qui influent sur la qualité du sommeil. C'est ainsi que le bruit entraîne une altération subjective et objective du sommeil. La gêne subjective disparait après quelques nuits et l'architecture du sommeil se normalise progressivement. Par contre, la réponse du rythme cardiaque au bruit demeure perturbée : l'esprit s'habitue au bruit, le coeur, jamais. Qu'en est-il pour le synchroniseur "lumière" ?
Selon le Professeur Olivier Van Reeth, "pendant des millénaires, nous nous sommes levés et couchés avec le soleil, vivant ainsi en parfaite harmonie avec notre horloge biologique. En permettant l’extension artificielle de la durée du « jour », l’avènement de l’éclairage électrique puis l’explosion des nouvelles technologies ont complètement bouleversé l’organisation temporelle de nos sociétés industrialisées. Lorsque nous profitons de l’opportunité qui nous est donnée d’être actifs la nuit (quand notre horloge nous dit de dormir) et de dormir le jour, nous nous mettons alors en conflit avec notre horloge biologique... Les études [des chronobiologistes] montrent qu’une exposition programmée à de la lumière intense sur le lieu de travail (et le maintien d’une obscurité absolue pendant le sommeil) permettent d'améliorer l’adaptation aux conditions de travail [de nuit]. De même, une exposition à une lumière intense pendant les périodes dévolues au sommeil ont un impact sur la qualité du sommeil.
Pollution lumineuse dans le ciel du Revest
J'en étais là à dériver dans les méandres de la vulgarisation médicale, sans avoir progressé d'un pouce dans la résolution de la quadrature du cercle vicieux: nuit, autorité, lampadaire, insomnie. Quand de la lecture du canard local (Var-Matin - 27 août 2008), vint la lumière, ce qui est un comble. Jugez-en plutôt : le maire de Garéoult, à une trentaine de kilomètres d'ici, vient de signer une charte intitulée : "Préservons le ciel de Garéoult" avec le président de l'Association nationale pour la protection du ciel nocturne (Anpcn) et le président de l'association Cassiopée, observatoire de Rocbaron, au village voisin. Cette charte prévoit de "limiter les effets nocifs de l'éclairage public et privé qui sera limité en intensité et en durée : les appareils extérieurs utiliseront des capuchons réflecteurs vers le bas. En aucun cas, la lumière émise ne sera dirigée vers le ciel où elle constitue une pollution pour la végétation, la faune nocturne, l'astronomie et l'aviation. A vingt-trois heures trente, les éclairages de la commune devront être éteints sauf pour raison de sécurité." Le président de l'observatoire de Rocbaron soulignait qu'ainsi l'équipe municipale de Garéoult s'était engagée dans la promotion de La Provence des Étoiles. Un programme que j'aimerais bien voir soutenu également dans mon village du Revest-les-Eaux.