Contrairement à ce que l'on croit souvent, le cyprès ne symbolise pas le deuil mais l'immortalité, et cela depuis les temps les plus anciens. En Egypte, son bois odoriférant, réputé imputrescible, servait à la fabrication des sarcophages. Chez les Grecs et les Romains, le cyprès ornait les nécropoles, car il était censé communiquer avec les régions souterraines et de ce fait lié au culte d'Hadès, dieu des Enfers.
Dressé comme un pinceau d'un vert sombre et mat, cet arbre silencieux, immobile, impassible, comment pourrait-on imaginer sans lui les paysages du Midi qu'il rythme, qu'il ponctue de ses notes graves ? Cependant, le cyprès n'est pas originaire de Provence ni d'Italie ; sa patrie est l'Asie occidentale, son aire originelle se situerait dans les montagnes du nord de l'Iran. Seulement, depuis des millénaires, l'homme l'a planté sur tout le littoral méditerranéen de l'Europe, comme un signe, comme un symbole. Ici, aligné, il protège les cultures contre le mistral ; là, il monte la garde près d'un mas ; ailleurs, un groupe de ses fuseaux verticaux indique l'emplacement du cimetière, et c'est surtout dans cette fonction que plus au nord on l'emploie, sauf là où les hivers sont rigoureux, car il ne les supporte pas. Les anciens honoraient en lui un guérisseur dont il savaient utiliser les vertus. Les tablettes cunéiformes sumériennes qui relatent l'histoire du héros Gilgamesh attestent déjà que le cyprès était une des plantes les plus usitées dans la pharmacopée.
Il y a quelques 4.000 ans, on employait l'huile extraite de ses feuilles et de ses cônes ou galbules contre tous les désordres du système veineux, en particulier les hémorroïdes, les varices, les troubles de la ménopause. A ces indications, Hippocrate au Vème siècle avant J.C. ajoutait les affections urinaires et Galien au IIème siècle après J.C., la diarrhée. Aujourd'hui encore, la phytothérapie utilise l'action vaso-constrictive des galbules ; en aromathérapie, l'essence de cyprès constitue un remède efficace contre la toux spasmodique. Au IIIème siècle après J.C., le philosophe chrétien Origène voyait dans le cyprès l'image des vertus spirituelles, la bonne odeur qu'il répand étant celle de la sainteté. Il s'agit là d'un symbolisme non seulement très ancien, mais universel. Les mêmes croyances se retrouvent en Chine et au Japon au sujet d'autres espèces, les Chamaecyparis (mot qui vient du grec et signifie cyprès bas, proche de la terre) des botanistes, qui ressemblent au cyprès et appartiennent comme lui à la famille des Cupressacées. Dans la Chine ancienne, on attribuait aux graines de ces conifères le pouvoir de procurer la longérité, la combustion de ces mêmes graines aidait à détecter dans le sol les filons d'or et de jade, substances incorruptibles, donc immortelles. La résine des Chamaecyparis, si l'on s'en frottait les talons, permettait même, croyait-on de marcher sur les eaux, car elle rendait le corps extrêmement lèger. Au Japon, où il forme en montagne de magnifiques forêts, le hinoki est un arbre sacré. On le plante près des temples appartenant au culte shinto, l'antique religion autochtone, et son bois servait à édifier les sanctuaires les plus vénérés, ainsi que le palais de l'empereur, lui-même personnage divin.
Auteur : Jacques Brosse dans La revue d'Information Municipale de Trans en Provence n° 12 - 1986.
La tradition provençale veut que l'on plante un, deux ou trois cyprès chez soi. L'arbre accueille le visiteur devant sa maison ou à l'entrée du jardin en signe de bienvenue. Un cyprès signifie qu'ici on offre à se désaltérer et à se reposer, deux cyprès pour une proposition à se reposer mais aussi à manger et à boire et enfin trois cyprès, pour offrir le gîte pour la nuit ainsi que le couvert.
Les propriétaires d'un mas plantaient deux cyprès à l'entrée de leur propriété. Ces cyprès en plus de la marque d'entrée dans la propriété étaient destinés à devenir les futures poutres maîtresses du toit du mas quand le temps viendrait de refaire la toiture.
Source : Site internet "J'aime le Vaucluse.com"
Les chapelles sont partout en Provence... Au cœur ou à la périphérie de chaque ville, de chaque village, de chaque hameau, érigées au sommet des montagnes, lovées au fond des gorges, émergeant des garrigues sauvages en gardiennes des champs, des vignes et des vergers, cachées au profond des forêts, dressées en bienveillantes vigies au-dessus de nos côtes... Quelle foi a poussé nos ancêtres à couvrir ce pays de ces témoignages de leur piété, de leurs espoirs mais aussi de leurs craintes ? Le christianisme a pénétré très tôt en Provence. Probablement dès la fin du 1er siècle de notre ère, s'il faut en croire la légende des saintes Maries échouées en Camargue ; et il faut croire aux légendes, car elles portent la vérité du cœur. Mais l'histoire nous enseigne aussi qu'au III° siècle, Arles est déjà le siège d'un évêché et c'est dans cette ville, en 314, que se tint le premier concile de l’Église alors que l'empereur Constantin 1er vient à peine de reconnaître la nouvelle religion. C'est dire l'implantation ancienne et profonde du christianisme dans la belle Provincia. Mais la religiosité des Provençaux a des racines plus profondes encore. Sous bien des édifices chrétiens dorment les vestiges de temples païens gallo-romains, recouvrant eux-mêmes quelquefois des lieux de culte celto-ligures.
La Chapelle de Tourris ©Cécile di Costanzo
Les vierges noires et certains saints sont les héritiers d'anciens cultes agraires de fécondité. Ils en marquent à la fois la continuité et la mutation ; continuité, car, dans une Provence rurale à 80% jusqu'au début du XXème siècle, le paysan est d'abord préoccupé par le cycle des saisons, le temps qu'il fera et le rendement des cultures qui le nourrissent ; mutation, car la religion catholique substitue aux rites magico-religieux l'engagement de la foi personnelle. Ce changement de mentalité et de croyance profonde mettra plusieurs siècles à s'imposer au peuple. Car ce peuple est durement éprouvé : la famine le guette, la maladie le frappe cruellement, la peste le décime périodiquement, les barbares et les sarrasins le razzient et les seigneurs et les rois censés le protéger le plongent dans des guerres incessantes et meurtrières. Dans ces temps difficiles, les hommes demandent d'abord à Dieu aide et protection dans la vie présente et promesse d'une vie future... La Vierge et les saints qui sont perçus comme plus accessibles, plus humains, deviennent des intercesseurs privilégiés ; d'où une multitude de chapelles qui leur sont dédiées. Pourtant, au tournant de l'an mille, un miracle se produit. Un formidable essor religieux génère une vague de constructions, jamais égalée depuis. Du XI° au XII° siècle, l'Europe entière se couvre d'abbayes, de cathédrales, d'églises et de chapelles. Innovations architecturales et élan de foi s'unissent.
Notre-Dame du Pieloun sur la colline de Costebelle au Revest
C'est l'âge roman, le temps des grands pèlerinages, des croisades, des abbayes conquérantes, de la course aux reliques ; la réforme grégorienne assainit l’Église, qui est au faîte de sa puissance, le Christ règne en souverain des esprits et le culte marial s'impose partout... Le visage de la Provence en est durablement transformé. Jusqu'aux coins les plus reculés du pays, églises et chapelles lèvent comme moissons en été... Humbles ou fières, simples ou monumentales, les chapelles romanes ponctuent le paysage provençal. Dix siècles après, certaines, construites avec autant de soins que des cathédrales, n'ont presque pas bougé. D'autres ont été profondément remaniées. Dans leurs pierres, on lit l'évolution des styles, les flux et reflux des croyances et les vicissitudes de l'histoire. La Provence restera longtemps fidèle au modèle roman. Le style gothique, né en Île-de-France au XIII° siècle, n'aura que peu d'influence ici ; quelques villes y sont sensibles ( Avignon, Aix...), mais les campagnes lui sont réfractaires. Jusqu'au XV° siècle et même au-delà, on continue à construire selon le modèle roman.
La chapelle des Moulins
Il faudra attendre le XVI° siècle pour que la construction change. Les édifices sont plus vastes, mais construits en moellons et couverts d'un toit de tuiles sur charpente. Rare est la pierre de taille, les plans sont confus, les chevets sont plats et le décor sculpté disparaît... Heureusement, quelques fresques qui ornaient les murs nous sont parvenues. Les deux styles issus de la Renaissance, l'un fondé sur la raison, le classique, l'autre nourrit par la passion, le baroque, ont peu d'écho dans l'architecture religieuse locale, mais ils se retrouvent à l'intérieur des édifices, façonnant de magnifiques retables qui ornent le chœur des sanctuaires. Après la Révolution, qui a beaucoup détruit, le XIX° siècle s'est surtout attaché à reconstruire et à regagner les âmes. Il n'en ressort aucun style, car ses bâtisseurs n'ont fait que copier les styles précédents (néogothique en néo classique, romano-byzantin...). Le XX° siècle a vu la réalisation de quelques rares mais superbes œuvres. Les matériaux nouveaux ( béton, verre...) y sont au service d'un indéniable élan spirituel. Il faut aussi mettre à l'actif du présent l'effort considérable de restauration et de revalorisation du patrimoine religieux produit par les fidèles, des associations et des collectivités locales. Le plus remarquable enfin, c'est que beaucoup de ces lieux vivent ou revivent grâce au maintien et à la relance des pèlerinages et des fêtes locales.
Source : Chapelles de Provence - Serge Panarotto - Édisud. Photos du site Provence à vivre
La maison en hauteur type
Draguignan-Rue de la vieille boucherie
Il s'agit en général d'une maison étroite qui a entre quatre à cinq mètres de largeur et qui est assez profonde, soit entre huit à quatorze mètres de profondeur. Les plus courtes ne disposent que d'une pièce par niveau, avec les escaliers sur le côté ; les plus profondes ont une cage d'escalier au centre, avec une pièce sur le devant, donnant sur la rue et une sur l'arrière, donnant sur une petite cour ou une ruelle. La cave est présente dans la totalité des maisons, dont elle constitue un premier niveau. Elle y occupe généralement la totalité de la superficie du bâtiment et déborde très souvent largement sous la rue. Elle est toujours voûtée en berceau. Dans les maisons plus larges ou s'étant agrandies, on observe la présence de plusieurs caves juxtaposées, avec sous les murs maîtres, une ouverture voûtée en plein cintre autorisant le passage de l'une à l'autre, ou, plus rarement, un ou deux piliers soutenant des arêtes de voûtes. Quelques bâtiments possèdent, sous ce premier niveau, une autre cave de taille plus modeste. Il est fréquent lorsque la maison est construite sur un sol en déclivité, que la cave soit enterrée sous une grande longueur pour déboucher à une autre extrémité, au niveau d'une ruelle. On trouve dans cette cave, de manière systématique, sous la partie avant, près de la rue, une "tine", grande cuve à vin d'une capacité de 6 000 à 12 000 litres, en général de forme cubique, avec des murs de forte épaisseur, maçonnés en pierres liées à la chaux, et dont les parois intérieures sont plaquées sur toute leur hauteur de carreaux vernissés de couleur rouge. Sur la façade avant, au niveau du fond de cuve, un robinet en cuivre permet de faire couler le contenu dans un petit bassin en maçonnerie, également plaqué de carreaux vernissés. Au-dessus de la "tine", on remarque une ouverture dans la voûte ; c'est par cet orifice que l'on remplissait la cuve de raisins écrasés, soit manuellement, soit avec l'aide du fouloir placé au-dessus de ce trou. Après quelques jours de fermentation, le jus, futur vin, était récupéré dans le petit bassin et transféré dans des tonneaux disposés soit à cheval sur des poutres de bois, soit sur des berceaux en pierre taillée. Le marc de raisin était évacué par le trou d'accès, et mis sous pressoir, afin d'obtenir le jus de presse, vin de petite qualité réservé à la consommation familiale. Cette opération terminée, le marc était distillé par le bouilleur de cru ambulant installé dans la rue, afin d'obtenir l'eau-de-vie.
Vieille cave
Le deuxième niveau est occupé par le rez-de-chaussée. C'est un espace réservé au domaine du travail. Dans les demeures peu profondes, cette pièce est très souvent l'écurie ou la bergerie ; on y remise les outils agricoles, notamment charrette et instruments de labour. Elle peut être aussi l'atelier de l'artisan, la boutique du commerçant, ou encore abriter le four du boulanger. Dans les maisons plus allongées, la pièce donnant sur la rue a la même destination que précédemment : on trouve sur la partie arrière une autre salle qui peut être également une écurie, mais plus souvent une réserve, principalement une "jarrerie", lieu où sont entreposées des jarres en terre cuite de grande dimension dans lesquelles est stockée l'huile d'olive. Cette pièce est très importante, elle va héberger la ressource financière principale du foyer. Cette huile doit être conservée dans les meilleures conditions, donc pas de fenêtre ici, ceci pour éviter la lumière du jour et maintenir une température constante. Pour éviter toute perte, le sol est carrelé, avec une légère déclivité vers un minuscule bassin situé au centre de la pièce dans l'espoir de récupérer le précieux liquide en cas d'accident, comme un renversement ou un bris de jarre.
Jarrerie
Dans les murs, de petites cavités cubiques permettent de déposer la lampe à huile ou à pétrole destinée à diffuser un éclairage en toute sécurité. C'est au premier étage que se trouve la cuisine. C'est une pièce toute en longueur, avec la cheminée adossée ou engagée dans un mur maître mitoyen. Le potager, très souvent, la prolonge jusqu'à l'évier qui est accolé au mur donnant sur la rue. On y trouve aussi un ou plusieurs placards encastrés, parfois une petite pièce aveugle faisant office de réserve. Dans les maisons plus importantes, ayant l'escalier central et une pièce de chaque côté, il n'est pas rare de trouver la cuisine sur l'arrière, si la maison donne sur une petite ruelle.
Draguinan-Rue juiverie
Ce choix est déterminé par le fait que dans les rues et ruelles, court une rigole alimentée par la surverse des fontaines, laquelle devient aussi un déversoir naturel pour les eaux grasses de la cuisine, se transformant, au fil de son parcours, en égout à ciel ouvert. A partir du deuxième étage, ce sont les espaces de repos, occupés exclusivement pour dormir. Dans la ou les chambres, en fonction de l'importance de l'habitat, il arrive que l'on trouve, mais rarement, une cheminée qui apporte un peu de chaleur. Pendant la période froide, si l'on voulait bénéficier d'un peu de bien-être au moment du coucher, il fallait soit réchauffer le lit avec une bassinoire remplie de braises, soit emporter avec soi une brique ou un gros galet qui avait séjourné près du feu, et que l'on avait soigneusement enveloppé dans un chiffon avant de le glisser dans les draps. On y trouve peu de mobilier : le lit, une commode, et, très souvent, des placards encastrés qui permettent le rangement du linge. Un cloisonnement à l'intérieur de la chambre permet de créer une petite pièce : la garde-robe, lieu d'aisance principalement réservé à la maîtresse de maison et aux enfants.
Foin dans le grenier
C'est immédiatement sous le toit que se trouve le grenier, en général assez vaste pour contenir une grande quantité de foin. Celui-ci est hissé depuis la rue dans les trousses ou filets de corde, à l'aide d'une poulie fixée à une potence située au ras de la génoise et au-dessus d'une large ouverture. Une goulotte maçonnée partant du grenier et descendant à l'aplomb de la mangeoire permettait d'alimenter directement les animaux. Une partie du grenier pouvait être aménagée en séchoir. Un large espace, obtenu par un décalage de la toiture, laissant passer le soleil et assurant une bonne ventilation permettait de faire sécher sur des claies les figues et les tomates. On y conserve les grappes de raisin suspendues sur un fil ainsi que les fruits pour l'hiver.
Source : Extrait de "L'autrefois des cuisines de Provence" - Yves Fattori - Edisud
par Véronique Georges
L’association Forêt Modèle de Provence mène, avec le parc naturel régional de la Sainte-Baume, un projet de recherche sur la valorisation de toutes les composantes de l'arbousier, cette essence méditerranéenne.
Arbousier - Photo Domaine du Rayol
Si "tout est bon dans le cochon" selon l’expression attribuée au gastronome Brillat-Savarin, certains en espèrent autant s’agissant d’un végétal, l’arbousier. Racine, bois, feuillage, écorce, fruits, fleurs… Une étude sur toutes les composantes de cette essence méditerranéenne est en cours. Elle est lancée par l’association Forêt Modèle de Provence (FMP), créée en 2013 à l’initiative de la Région, avec le parc naturel régional de la Sainte-Baume.
"On s’inspire du réseau portugais où la valorisation de l’arbousier est une réalité. Ils en font même de l’eau-de-vie… Il y a là-bas une coopérative de producteurs d’arbouses, un musée de l’arbousier", précise Nicolas Plazanet, coordinateur et chargé de mission pour FMP. Mais ici, on l’utilise peu, excepté pour produire du miel et de la confiture. Il a pourtant bien des qualités…
Poussant sur l’ensemble du pourtour méditerranéen près des chênes-lièges, dans le Var son peuplement est très présent naturellement sur sol siliceux, dans l’Estérel, les Maures, et le bas de la Sainte-Baume.
Ce petit arbre ne manque pas d’intérêt dans ces massifs, où le risque d’incendie est important. "L’arbousier est considéré comme pyrophyte, c’est une espèce qui se régénère rapidement après les feux et reconstitue un couvert végétal permettant de lutter contre l’érosion des sols, tout en maintenant les populations d’abeilles en étant l’une des rares essences à fleurir en novembre et décembre", remarque-t-il. Et dont les oiseaux se nourrissent des fruits au même moment.
Arbouses - Photo Domaine du Rayol
FMP finance également des recherches en cosmétologie "et c’est unique", souligne Nicolas Plazanet. Ainsi depuis deux ans, elle travaille avec le laboratoire NissActive, qui apporte son expertise dans le domaine des ingrédients naturels. Implantée à Grasse, cette structure, dépendant de l’université de Nice, a fait une première recherche bibliographique sur ce qui existe au niveau des brevets. Elle a mené ensuite des investigations sur les différentes substances de l’arbousier pour voir quelles composantes pourraient entrer dans le développement d’actifs cosmétiques innovants.
"Il en ressort que les molécules du feuillage et de l’écorce ont des propriétés anti-âge intéressantes. Cela a conduit à une deuxième phase visant à développer des ingrédients cosmétiques. C’est plus coûteux, et si c’est validé, il devra y avoir des tests d’innocuité pour un produit cosmétique à l’horizon trois ans", annonce-t-il. L’affaire est en discussion avec plusieurs entreprises prêtes à commercialiser et à financer cette production "à façon".
Tout une filière peut ainsi se construire sans surexploiter la ressource, en mobilisant du bois d’arbousier récupéré grâce à des coupes effectuées dans le cadre de la défense de la forêt contre l’incendie ou pour sécuriser des routes. Et ce, avec des partenaires comme l’ASL Suberaie varoise pour le massif des Maures, l’ONF et le centre régional de la propriété forestière pour la Sainte-Baume.
"Dans les plans de gestion, l’arbousier n’était pas jugé si intéressant. C’est le contraire, il faut maintenir son peuplement pour une vraie économie circulaire", relève Nicolas Plazanet.
Toujours dans le cadre de ce projet, plusieurs essais ont été menés et seront encore réalisés avec des artisans locaux sur une quinzaine de produits: confiture, gelée, liqueur, etc. "Le brasseur Carteron à Hyères a ainsi produit des bières à l’arbouse, 8.000 bouteilles ont été vendues, rappelle Nicolas Plazanet, qui souligne: Sur ces tests, il est rare qu’on y arrive du premier coup". Il donne l’exemple d’un test qui a échoué dernièrement avec des producteurs de Collobrières pour produire du jus de pomme à l’arbouse, "ce n’était pas du tout concluant, dit-il. On teste aussi une figue semi-confite au miel d’arbousier, avec Émilien Wallace, apiculteur à Gonfaron".
Le bois d’arbousier, avec ses couleurs chatoyantes, est également à l’étude, comme l’indique le chargé de mission de Forêt Modèle de Provence: "On va faire des recherches pour le placage utilisé en marqueterie avec un ébéniste de Besse-sur-Issole". Ce dernier, Charles Dutelle, souligne: "c’est un très beau matériau que les anciens utilisaient, on ne le découvre pas. Il peut servir d’élément de décoration, c’est une question de couleur, c’est un bois un peu rosé, orangé, à grain très fin. Il se brunit légèrement avec le temps car les tannins s’oxydent comme avec tous les bois".
L’artisan réalise des créations en y incorporant l’arbousier. Il l’a appliqué sous forme de placage scié selon une méthode qu’ils ne sont que deux en France à utiliser et qui permet de davantage mettre en valeur sa beauté et son jeu de lumière. Daniel Kaag, de l’école de tournage sur bois d’Aiguines, est aussi dans la boucle, dans sa spécialité.
Thomas Carteron, brasseur hyérois, a participé à l’étude avec une bière l’arbouse.
La roche calcaire est la reine des garrigues méridionales.
Les défrichements séculaires, le mouton et l'agressivité du climat l'ont mise partout en évidence. Elle est dure, saillante, souvent acérée. La pierre, omniprésente sur les sentiers, sonne sous le pied. Elle dessine les barres rocheuses, les baous chers à Pagnol, comme les combes qui rythment les paysages de Cuers à la Sainte Baume.
Durant plus de 100 millions d'années, pendant l'ère secondaire, la mer a occupé une grande partie de la Provence. Elle y a déposé d'épaisses couches de calcaire provenant des coquilles d'invertébrés marins, superposées en strates de différentes hauteurs. Un mètre d'épaisseur représente, selon la profondeur de la mer, entre 2000 à 100 000 ans de dépôts.
Chaque strate épaisse ou fine, dure ou friable, claire ou rougeâtre, à grains fins ou grossiers, chaque strate est un enregistrement des conditions environnementales d'une époque : climat, profondeur de la mer, relief du continent voisin... Une faible profondeur, une mer chaude, une longue période de même niveau marin sont en général les conditions les plus propices à la constitution d'une sédimentation calcaire épaisse.
Une caractéristique majeure des massifs calcaires est leur grande, leur intense fracturation. Elle va de la minuscule fissure au gouffre le plus large, en passant par l'aven caché sous les herbes et les ronces. En surface le carbonate de calcium dissous par les pluies, acidifiées par l'humus des sols, est vite entrainé par l'excellent drainage des calcaires crevassés.
Ne restent sur place, piégées dans les creux et les poches, que des argiles, non solubles, qui sont une impureté du calcaire originel.
Le climat méditerranéen, fait de précipitations brutales et brèves, suivies de longues périodes de sécheresse, favorise l'oxydation du fer que contiennent les argiles. Plus le climat est chaud, plus l'oxydation est forte et le sol rougeâtre. Quand ces sols sont épais et ne contiennent pas de calcaire, ces sols sont très fertiles. D'où parfois ces labours au fond de petites combes.
Le mot garrigue, à l'origine ancienne, désignait des territoires fortement anthropisés, des territoires fortement marqués par l'activité humaine. Aujourd'hui, les jeunes forêts de chênes et de pins s'installent sur les garrigues, mais l'homme qui a délaissé ces territoires, conserve cette appellation. Une nostalgie, une habitude ? Peut être... La plupart de ces espaces évolue rapidement mais, pour l'homme, ils demeurent la garrigue.
Ces territoires anthropisés étaient jadis le domaine des chaufourniers (chaux, poix, cade, les enguentiés), des charbonniers, des chasseurs à la glu, au filet, au fusil, des cueilleurs d'asperges, salades, petit bois, des fabricants de balais, des gemmeurs, et cela principalement autour des villes et tout au long de la côte.
Il faut cependant, tout en respectant l'attachement au mot, discerner les plantes qui aujourd'hui colonisent les terrains calcaires de ces garrigues millénaires : pelouses, forêts, et entre eux deux, ces espaces ouverts où dominent les plantes ligneuses et qui ne sont plus des pelouses et pas encore des forêts, et que la communauté scientifique qualifie sous le mot d'origine espagnole, matorral. Le matorral c'est cet espace sans arbre que colonisent cyste, genet, calycotome, coronille, bruyère, chêne kermès..
En Provence le matorral présente une grande diversité : le Chêne kermès, la Coronille à tige de jonc, le Genêt scorpion s'associent aux arbustes tel le Filaire à feuilles étroites, le Pistachier térébinthe, le Cade... tandis que la pelouse où jadis courrait le mouton, se couvre de Brachypode rameux, de Thym, de Lavande...
Les garrigues s'étagent de la mer à la limite de l'Olivier, zone où les plantes des terrains arides ont disparu. Au delà, sur les plateaux calcaires d'altitude moyenne, comme les coteaux du Ventoux, les formations végétales proches en apparence ne peuvent plus s'appeler garrigues, terme réservé à la zone méditerranéenne telle que définie par la limite de croissance de l'Olivier, selon la définition reconnue du botaniste Charles Flahault (1852 - 1935).
Le Chêne vert ou la Cigale plébéienne, illustres représentant du monde méditerranéen, auraient pu être choisis pour définir cette zone, mais... ils se retrouvent dans d'autres régions. La Camphorée de Montpellier, par contre, couvre le même périmètre que l'Olivier mais... mais la Camphorée ne porte pas sur sa corolle autant de symboles que l'Olivier.
En cela nous devons remercier Homère !