Ce 11 novembre se déroulera l'entrée au Panthéon de l'écrivain Maurice Genevoix mais aussi, à titre collectif, de "ceux et celles de 14", afin de rendre hommage aux soldats et femmes engagées dans la Grande Guerre. Maurice Genevoix est l'auteur de "Ceux de 14" œuvre majeure sur la guerre.
"Ceux de 14 incarnent ces qualités propres aux Français d'hier et d'aujourd'hui, confrontés à de rudes épreuves : à savoir, la résilience et la volonté qui permettent à la Nation française de surmonter le tragique de l'Histoire" expliquait-on dans l'entourage du Président de la République quelques jours avant la cérémonie qui verra l'entrée au Panthéon de l'écrivain et poète Maurice Genevoix.
C'est par ses écrits, à partir de ce qu'il a vécu dans les tranchées, avec les soldats qu'il commandait, qu'il a marqué les esprits de son époque. Il fut parmi ses écrivains qui ont été enrôlés et se sont battus comme les autres. Cette entrée au Panthéon, dont la cérémonie sera privée de public pour cause de pandémie, sera aussi l'occasion de se souvenir que "ceux de 14" ont aussi enduré la grippe espagnole, qui a fait des millions de morts et qui a tué un autre poète et soldat, Guillaume Apollinaire, deux jours avant l'armistice.
En 1914, Maurice Genevoix venait de finir ses études à l'École normale supérieure et envisageait une carrière littéraire. Le 2 août, il est mobilisé et doit rejoindre les tranchées de l'est de la France. Il est alors sous-lieutenant du 106e régiment d’infanterie et participe à plusieurs batailles dans la région de Verdun.
Sous la crête des Éparges, près de Rupt-en-Woëvre, le 25 avril 2015, Genevoix, devenu commandant, est touché par deux tirs qui le blessent au bras, et un tir qui l’atteint à la poitrine. Sauvé par ses hommes, qui l’ont traîné dans la boue pour le ramener à l’abri d’un poste de secours, il est évacué en ambulance jusqu’à Verdun. Il n'a que 25 ans, échappe à la mort de justesse, perd une main, et gardera ce handicap toute sa vie.
Commence un périple d’hôpital en hôpital, neuf mois de convalescence avant de réintégré l’École normale à Paris.
Le secrétaire général de l'EN lui suggère d'écrire ce qu'il a vécu. “J’ai appliqué mes dons d’écrivain à exprimer humblement et même servilement une réalité donnée” dira-t-il plus tard. "Dans ma chambre sous le toit, à Paris, dans ma chambre sur les Petits-Sentiers, à Châteauneuf, j’ai rédigé mes trois premiers livres de guerre. Ai-je eu à 'm’interdire', comme l’ont écrit certains commentateurs, toute affabulation, toute recherche de l’effet ? Même pas. J’allais, de jour en jour, de page en page, dans une entière soumission à la réalité vécue, avec la volonté constante d’être véridique et fidèle", écrit-il dans Trente mille jours, paru en 1980 aux éditions Omnibus.
Il entreprend donc de décrire la vie dans les tranchées, les champs de batailles et toutes les sensations dont il se souvient. Son premier récit, Sous Verdun, publié alors que la guerre n'est pas terminée, a été amputée de plus de 200 pages par la censure. C’est en 1949 que ces récits ont été complétés, réédités et rassemblés en quatre volumes, titrés Ceux de 14 et comprenant Sous Verdun, Nuit de guerre, La Boue, et Les Éparges.
Extrait de Les Éparges :
J'ai obéi. Malgré ma vie, contre ma vie. J'ai fait ce geste monstrueux de pousser ma vie sous les balles, et de l'y maintenir, pendant que mon revolver me cognait le poignet. Il n'y a que nous, que nous : ceux qui sont morts, ceux qui étaient parmi les morts, et qui ont eu, comme eux, le courage de mourir.
Ceux de 14 est considéré comme l’un des témoignages les plus importants sur la Grande guerre, par sa précision et ses qualités littéraires. Lorsqu'Emmanuel Macron a décidé l'entrée au Panthéon des soldats de la Grande Guerre, il souhaitait "qu''ils franchissent ce seuil sacré avec Maurice Genevoix, leur porte-étendard".
Outre les récits de la Grande Guerre, il est l'auteur d'une soixantaine de livres sur la vie campagnarde des bords de Loire, la nature et la chasse en Sologne ou au Canada, ou la vie dans les colonies françaises. Son roman Raboliot, sur la vie d'un braconnier épris de liberté en Sologne, se voit décerné le prix Goncourt en 1925. Maurice Genevoix est élu à l'Académie Française en 1946 et en devient secrétaire perpétuel en 1958. Il est mort d'une crise cardiaque en 1980 alors qu'il avait commencé à un écrire un roman et un recueil de nouvelles.
Comme témoin incontournable de la Grande guerre, il est porteur d'une vision que n'aurait pas dénié l'intellectuel pacifiste Romain Rolland. Maurice Genevoix a estimé que l'influence de Romain Rolland, qui avait publié le texte Au-dessus de la mêlée, contre la guerre entre Français et Allemands, s'est révélée marginale pour lui et ses hommes sur le terrain, par rapport à une réalité effroyable. C'est seulement dans un second temps, qu'il a pu rejoindre la pensée de Rolland.
Le message de Maurice Genevoix n'est pas celui du pacifisme. Il est beaucoup plus direct, et ne se résume pas dans un grand principe. "Il tire de son expérience des leçons pour lui-même. Son message c'est de dire 'j'étais un jeune homme de 24 ans qu'on a jeté dans une affreuse expérience, qui a été confronté à la mort, et qui a eu la chance d'être rendu à la vie'. Il a été un survivant toute sa vie. Mais il était très doué pour l'amitié" explique Julien Larrère-Genevoix, son petit-fils.
Julien Larrère-Genevoix se rend régulièrement dans les classes de 3e et de 1ere à la rencontre des collégiens et des lycéens. "Je leur explique que les anciens combattants, et ceux de 14, comme Maurice Genevoix, n'était pas des vieillards abîmés et radoteurs. Je leur dis ce que Genevoix disait lui-même : ils étaient jeunes, fiancés peut-être, avec des projets et là, le propos touche directement les lycéens du XXe siècle."
Au moment de nouveaux attentats terroristes, au moment du procès de l'attentat contre Charlie Hebdo qui a coûté la vie à Bernard Maris, l'époux de Sylvie Genevoix, fille de Maurice, et alors que la pandémie de coronavirus fait des ravages en France, Julien Larrère-Genevoix rappelle "la résistance et la résilience des Français et des soldats de 14". "C'est vrai que nous vivons des moments difficiles, eux n'ont pas renoncé, ils ont gardé espoir, ils nous montrent donc qu'on peut avoir espoir dans notre situation aussi" conclut-il.