Pour sauver la planète, il faut planter des arbres. L'idée est belle mais pas aussi simple. Des chercheurs préviennent que les campagnes de plantation d'un grand nombre d'arbres pourraient faire plus de mal que de bien. Pas organisées, elles n'auraient qu'un effet limité sur l'absorption du CO2 et constitueraient même un risque pour la biodiversité.
De l'Éthiopie à l'Irlande, depuis quelques mois, les campagnes de plantation d’arbres se multiplient. Avec un double objectif très louable : restaurer la biodiversité et limiter le réchauffement climatique en stockant le CO2 émis dans l'atmosphère par les activités humaines. Mais une nouvelle étude vient aujourd'hui pointer les failles de ce type d'opération.
Des chercheurs de l’université de Stanford (États-Unis) ont notamment examiné les résultats d'une politique de reforestation menée au Chili. Les effets sur le stockage du CO2 ont été très limités. Ils ont même été négatifs en ce qui concerne la biodiversité. En cause : des programmes mal conçus et des fonds mal employés.
Les chercheurs donnent aussi l'exemple du défi de Bonn, un effort mondial de reboisement. Plus de 100 gouvernements engagés pour la plantation de 350 millions d'hectares de forêt d'ici 2030. Les chercheurs notent que 80 % des engagements pris dans le cadre de ce défi portent sur la plantation d'arbres en monoculture ou d'un éventail limité, choisis parce que leur production est commercialement intéressante (arbres fruitiers, hévéa, etc.). Or ce type de plantation présente un potentiel de séquestration de carbone et de création d'habitats faible comparé à celui des forêts naturelles.
L'étude pointe également comment les subventions accordées par les États peuvent être habilement détournées de leur objectif. Au Chili, les propriétaires fonciers privés peuvent obtenir une aide pour planter des arbres depuis 1974 déjà. Avec plus de 40 ans de recul, les chercheurs observent que cet argent est parfois utilisé sur des terres déjà boisées pour remplacer des forêts indigènes par des plantations d'arbres plus rentables.
Les subventions accordées au Chili ont aussi réduit le couvert forestier indigène en encourageant la création de plantations sur des terres sur lesquelles des forêts auraient pu naturellement se régénérer. Une situation regrettable lorsque l'on sait que les forêts indigènes sont plus riches en biodiversité et plus denses en carbone.
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« Les États devraient s'appuyer sur cette expérience au long cours pour décider de leurs politiques de reforestation et éviter les impacts négatifs observés au Chili, conclut, dans un communiqué, Cristian Echeverria, chercheur à l'université de Concepcion (Chili) qui a participé à l'étude. Pour être efficaces, les subventions devraient avant tout promouvoir la restauration des écosystèmes naturels perdus. »
Évidemment, ce n'est pas encore l'Éthiopie. Le 29 juillet, le gouvernement a revendiqué y avoir planté en douze heures 353 millions d'arbres. À son échelle, la Région Sud se contentera d'un million d'arbres en deux ans. Avec au moins un objectif partagé : si la Provence est moins sujette à la déforestation massive que la corne de l'Afrique, elle recèle les mêmes inquiétudes sur le réchauffement climatique. "L'arbre contribue à neutraliser le CO2, à rafraîchir l'air, à réduire le bruit, ou encore réintroduire la biodiversité dans les zones urbaines", souligne Renaud Muselier. Le président LR de Provence-Alpes-Côte d'Azur qui consacre 30 % du budget de son institution via son programme "Cop d'avance", prévoit 3 millions d'euros pour son opération.
Un million d'arbres. L'annonce a les atours de l'opération de com'. Dans l'hémicycle régional où se tenait ce mercredi une session plénière, l'opposition, résumée au Rassemblement national, relaie le soupçon. "L'initiative serait bonne s'il n'y avait derrière le greenwashing, le vernissage politique", maugrée Jean-Alexandre Mousset. "La forêt manque de moyens humains et matériels. Notre maison brûle, s'amuse-t-il en reprenant Jacques Chirac, et vous avez laissé partir les Canadair".
En réponse, Renaud Muselier rappelle que le départ des Canadair de Marignane vers le Gard est le fruit d'une "décision de l'État" et sort les chiffres de son plan "guerre du feu". Expliquant qu'aux 6 000 hectares de forêt régionale brûlée en 2017 ont succédé deux années moins vives, où environ 1 500 hectares sont partis en fumée. Dans les travées, les lycéens invités observent en souriant. Mais l'essentiel est ailleurs et le Rassemblement national approuvera la délibération.
Elle consiste à planter un million d'arbres en deux ans, dont 200 000 dans les villes. Pour y arriver, la Région va s'appuyer sur les études d'experts de l'Office national des forêts. L'idée est de financer à hauteur de 80 % les demandes publiques ou privées de reboisement. "En fonction de l'essence qui sera choisie, selon les besoins en termes de rétention d'eau, de captage de CO² ou de rafraîchissement, explique Renaud Muselier, le coût sera de 6 à 8 euros par arbre. On doit arriver à capter la totalité du CO² régional en 2050". Pour l'heure, la deuxième région la plus boisée de France parvient, avec 1,6 million d'hectares, à absorber 35 % des émissions régionales. Un ratio plutôt faible, lié à la faible densité des surfaces boisées.
"L'idée n'est pas de modifier le paysage, mais de donner une opportunité politique aux maires. À eux de la saisir",ajoute le président de la Région.
À quelques mois d'élections municipales où l'élu marseillais prône un rassemblement de la droite avec "les écologistes, les Marcheurs et Samia Ghali", le clin d'oeil est sans ombrage. Déjà, à Marseille, Samia Ghali répond présente, indiquant vouloir "faire resurgir la nature au milieu du béton". Et citant les cités des quartiers Nord comme autant de jardins vierges. Toute approbation du même type pourra être interprétée comme un ralliement politique à Marseille. C'est nettement moins vrai ailleurs.