L’Autorité environnementale réclame à la Ville de Toulon et à la Métropole TPM des "précisions" sur leur chantier de mise en sécurité et de confortement du Faron, et ses incidences sur la biodiversité.
Par Mathieu Dalaine - Var Matin - 13 avril 2021
Vingt-cinq millions d’euros d’investissement et dix-neuf opérations pour quinze ans de travaux: en trois chiffres, voici résumée l’importance du chantier de mise en sécurité et de confortement du mont Faron, porté par la Ville et la Métropole. Si l’intérêt de ce projet reste "incontestable" pour éviter d’exposer quelque 465 logements à l’instabilité rocheuse, l’Autorité environnementale vient de rendre un avis plutôt critique sur la manière dont il est présenté par les collectivités.
Pour "l’AE", nombre de "précisions" manquent ainsi sur la prise en compte de l’environnement par le projet, et "notamment sur les mesures d’évitement, de réduction et de compensation" à mettre en place sur les pentes du poumon vert toulonnais. Sans non plus se faire alarmiste, l’entité indépendante invite TPM et à la municipalité à apporter plus de "réponses concrètes" concernant la protection de la biodiversité.
Parmi ces recommandations, l'Autorité environnementale souhaiterait que les incidences du projet sur l'aigle de Bonelli, dont le Faron pourrait être un territoire de chasse, soient examinées de plus près. Pour TPM et la Ville, elles sont "faibles", l'espèce protégée ne fréquentant que très peu le massif. "Cette conclusion nécessite d'être vérifiée en adoptant pour l'aigle le suivi prévu pour l'avifaune significativement affectée par le projet", précise l'avis de l'Autorité environnementale.
Toujours selon ce document, l'impact des opérations d'héliportage sur la biodiversité mériterait d'être mieux documenté. En outre, "l'AE recommande d'évaluer la vulnérabilité du projet au changement climatique (augmentation de l'intensité des événements météorologiques exceptionnels, Ndlr) et de présenter les mesures prises pour la diminuer."
Un "descriptif précis du suivi déjà mis en œuvre et de ses résultats" pour les éventuelles incidences du projet (dont quelques opérations ont démarré) sur les oiseaux protégés manquerait également à l'appel. Le hibou grand-duc, potentiellement impacté par le chantier, doit bénéficier d'un "suivi renforcé", expertises à l'appui, "afin qu'il soit à la hauteur des enjeux."
D'autres critiques sont encore émises sur cette étude d'impact présentée par TPM. Est souligné par exemple un calendrier des travaux "pas à jour", des justifications insuffisantes concernant certains choix techniques ou l'absence "d'un retour d'expérience des sic opérations déjà réalisées ou en cours." Bref, s'il faut relativiser l'acuité de ces remarques, qui portent beaucoup sur des points de détail, elles auront sans doute le mérite d'améliorer encore le dossier technique du projet ... fort de 3600 pages.
De leur côté, la Métropole et la Ville assurent en effet "étudier ces recommandations", mais rappellent que cet "avis de l'autorité environnementale ne s'oppose aucunement au projet de sécuriser le mont Faron." Destravaux qui sont d'ailleurs effectués de septembre à décembre "pour laisser la faune et la flore dans des conditions optimales". Au total, les maîtres d'ouvrage consacrent 1,7 million d'euros aux mesures environnementales.
Un avis "ni favorable ni défavorable"
Le projet de mise en sécurité du Faron, dont la majorité des travaux sont situés en site classé et Natura 2000, requiert de nombreuses autorisations administratives. Une partie a déjà été obtenue. Reste à la Métropole TPM à valider une déclaration d'utilité publique pour pouvoir faire procéder aux travaux, mettre en œuvre les mesures compensatoires et maintenir le réseau de surveillance des falaises (notamment via des expropriations ; l'ensemble des démarches de procédure à l'amiable pour pouvoir intervenir n'ayant pas trouvé d'issue favorable.)
C'est à l'occasion de cette demande que l'Autorité environnementale, "autorité de l'État compétente en matière d'environnement", émanation du Conseil général de l'environnement et du développement durable, intervient. Elle rend un avis sur "la qualité de l'étude d'impact" présentée par TPM et sur "la prise en compte de l'environnement par le projet". "Ni favorable, ni défavorable, cet avis doit permettre d'améliorer le dossier et l'information à la population, avant une enquête publique prévue cet été.
Le mont Faron est un "caillou" qui connait une importante instabilité rocheuse, menaçant la sécurité de zones habitées. Ainsi, environ 2830 habitants sont exposés au risque de chute de pierres et de destruction de leur logement, ou concernés par le risque de rupture d'une canalisation d'eau potable en cas de chute de blocs en surplomb. Dans ces zones "très exposées", la réalisation de nouveaux logements est strictement interdite. Surveillé comme le lait sur le feu par des capteurs sismiques ou des photos ultra-précises des falaises, le Faron doit donc faire l'objet de travaux de confortement pour prévenir les risques de mouvement de terrain. Dix-neuf sites ont été identifiés où filets, merlons et autres grillages doivent être mis en place afin de protéger biens et populations. Les travaux, commencés en 2018 pour raison d'urgence, pourraient se dérouler jusqu'en 2032. Une poignée d'interventions a déjà été réalisée.
Non, il n'ya pas que des sangliers, des geais et des écureuils sur les pentes du Faron ! Parmi cette faune "riche et variée" qui fréquente le mont, plusieurs animaux sont mêmes protégés au titre de la réglementation nationale. C'est le cas de certains oiseaux répertoriés sur le poumon vert toulonnais et qui peuvent être plus ou moins affectés par le projet. Citons le hibou grand-duc, le faucon pèlerin, la fauvette pitchou, le crave à bec rouge, le monticole bleu ou l'engoulevent d'Europe. Quant à l'aigle de Bonelli, dont on sait qu'un couple habite à proximité (mont Caume), il viendrait y chasser de temps en temps. D'autres espèces représentent "un enjeu modéré ou fort" : le lézard ocellé, par exemple, ainsi qu'une dizaine d'espèces de chauve-souris, dont quatre peuvent être impactées par les travaux. Tous ces individus sont suivis. Des mesures d'évitement, de réduction et de compensation (restauration d'autres sites en limitant leur fréquentation, création d'abris, opérations de génie écologiques...) relatives aux incidences du projet sur la biodiversité sont ou vont être mises en place.
A noter, concernant les végétaux, que le mont Faron abrite également 12 espèces protégées à l'échelle régionale ou nationale, dont deux (choux de Robert et lavatère maritime) feront l'objet de dispositifs compensatoires.